Nous voulons des coquelicots : Après Langouët, la ville de Sceaux
Oui, on a le droit –et le devoir– de protéger la population contre le danger des pesticides !
Le Monde – le 08 Novembre 2019 :
La préfecture des Hauts-de-Seine avait contesté la légalité des décisions de deux villes qui avaient interdit l’usage de pesticides sur leur territoire.
Le tribunal administratif (TA) de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise) a rendu, vendredi 8 novembre, un jugement qui pourrait faire date. Son juge des référés a rejeté la demande de suspension par le préfet des Hauts-de-Seine de deux arrêtés interdisant l’utilisation du glyphosate et des pesticides, pris au printemps par les maires de Gennevilliers et Sceaux.
Le 20 mai et le 13 juin, les premiers magistrats de ces deux communes avaient respectivement interdit l’utilisation du glyphosate et d’autres substances chimiques dans les espaces fréquentés par le public sur leurs territoires communaux au motif de la présence importante de populations vulnérables.
Considérant que les deux maires excédaient leurs compétences, puisque « la police spéciale relative à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques » relève du ministre de l’agriculture, le préfet du département avait demandé au juge des référés de suspendre ces décisions. Sans succès…
« Présomption suffisamment établie de dangerosité »
Dans ses ordonnances du 8 novembre, le TA de Cergy-Pontoise, qui statuait en urgence, a bien rappelé que « s’il appartient au maire, responsable de l’ordre public sur le territoire de sa commune, de prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, il ne saurait s’immiscer dans l’exercice de cette police spéciale qu’en cas de danger grave ou imminent ou de circonstances locales particulières ».
Mais la juridiction a ajouté qu’il « ne saurait être sérieusement contesté que les produits phytopharmaceutiques visés, (…) qui font l’objet d’interdictions partielles (…), constituent un danger grave pour les populations exposées ». Et qu’« eu égard à la présomption suffisamment établie de dangerosité et de persistance dans le temps des effets néfastes pour la santé publique et l’environnement des produits concernés, et « en l’absence de mesures réglementaires suffisantes prises par les ministres titulaires de la police spéciale », les maires ont pu « à bon droit » considérer que leurs administrés « étaient exposés à un danger grave justifiant qu’ils prescrivent les mesures contestées [par le préfet] ».
« Carence de l’État »
(…) « Le tribunal a reconnu une carence de l’État et il reconnaît au maire la compétence pour agir dans la mesure où l’on a suffisamment d’indications sur la dangerosité des produits, a déclaré l’avocate au Monde. Cette décision élargit le débat de politique générale sur le rôle du maire comme intermédiaire et défenseur de ses administrés par rapport à l’État. »
Cette ordonnance « permet de faire jurisprudence, cela veut dire que toutes les villes qui ont pris ces arrêtés vont en bénéficier », a déclaré Florence Presson, adjointe au maire de Sceaux pour la transition écologique et impliquée dans le Collectif des maires face aux pesticides, créé en août.
Le début d’un combat
« L’angle médiatique pris depuis la publication de ces arrêtés cible à nouveau les agriculteurs et contribue à accroître l’“agribashing”, a, pour sa part, regretté la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) Ile-de-France, vendredi soir. Encore un exemple qui va accentuer la fragmentation entre la ville et la campagne. »
Cette première victoire des maires de Gennevilliers et Sceaux ne marque que le début d’un combat. L’État ne manquera pas de faire appel des décisions du 8 novembre et, s’il perd à nouveau, ses contestations – pour l’heure rejetées sur l’urgence – devront encore être examinées sur le fond.
Le 25 octobre, dans un premier jugement sur le fond, le tribunal administratif de Rennes a rejeté un arrêté interdisant l’usage des pesticides à moins de 150 mètres des habitations pris, le 18 mai, par Daniel Cueff, maire de Langouët, une commune d’Ille-et-Vilaine de quelque 600 habitants.