Ecologie 64 / L'OURS, LE RENARD & LA CHOUETTE

PESTICIDES, MALADIES & MALFORMATIONS : L’INSUPPORTABLE SILENCE DES AUTORITÉS

Que ce soit à l’échelle d’un village, d’une ville ou d’un pays, parler à tue-tête d’écologie et de biodiversité aux citoyens est une chose : les sensibiliser sur la manière dont ils mangent, dont ils consomment, la manière dont ils font leur jardin, tirent leur chasse d’eau, récupèrent ou pas les eaux de pluie, etc… tout ce qui a trait à leur sphère privée, ne suffit bien entendu plus.

Il est GRAND temps de mettre en lumière les pollutions qui affectent directement les citoyens, et ce, à leur insu. GRAND temps de s’adresser directement aux véritables auteurs de ce désastre écologique, et de leur dire Stop : ces industriels et pollueurs divers et variés, qui n’ont aucun respect du vivant, qui n’ont ni respect des lieux, ni des personnes, pas même des populations.

A voir le reportage d’Arte sur les cas de bébés sans bras en Allemagne, que l’on retrouve – Oh fait étrange ! – également en France dans des zones rurales ou limitrophes :

Comment les lobbies des emballages se cachent derrière des associations anti-déchets pour éviter des solutions plus radicales

Observatoire des multinationales – le 11 septembre 2018 :

arton1259.jpgAlors que le soutien politique à des solutions radicales pour mettre fin au fléau des plastiques à usage unique ne cesse de croître, gros plan sur les liens entre l’industrie des emballages et les ONG anti-déchets.

(…) Il est bien moins coûteux et bien plus commode pour ces industriels de déplacer l’attention vers les consommateurs et la responsabilité individuelle en matière de déchets que de modifier leurs pratiques de production et d’emballage. On ne s’étonnera donc pas que l’industrie des emballages et ses clients dans le secteur de l’alimentation et de la boisson soutiennent de nombreuses campagnes de sensibilisation anti-déchets partout en Europe. Ils y trouvent de nombreux avantages, à commencer par celui de donner à leurs produits plastiques un vernis vert de respectabilité environnementale. Mais cette tactique a également des objectifs plus insidieux, en particulier celui de modifier la perception populaire et politique du problème des déchets, et notamment du plastique et des emballages à usage unique. Mettre la collecte des déchets, aussi importante soit-elle, au centre du débat revient à déplacer la responsabilité de s’attaquer au problème vers les collectivités locales et les citoyens, plutôt que vers les industriels. Et donc d’éviter des mesures politiques plus radicalescomme celles rendant les industriels responsables de leurs produits sur toute leur durée de vie – qui pourraient nuire à leur taux de profit.

(…) Les associations anti-déchets sauvages font certainement un travail remarquable de mobilisation des gens pour nettoyer leurs rues ou leurs plages. Mais un trop grand nombre d’entre elles ont été créées par des intérêts industriels, dépendent du financement des entreprises, partagent leurs employés avec celles-ci, permettent à ces intérêts de guider leur action, et/ou servent de consultants aux industriels.

Parfois, il ne s’agit que d’une démarche classique de « greenwashing », ce qui est déjà problématique, mais parfois les positions de l’industrie et des ONG deviennent indiscernables. Lorsque ces positions partagées consistent à manipuler délibérément la perception publique du problème des déchets et à entraver l’essor de politiques publiques progressistes, il y a un sérieux problème.

 


Observatoire des multinationales – le 11 septembre 2018 :

« Gestes propres » : quand les industriels du plastique culpabilisent les citoyens

arton1260.jpgComme chaque été, des campagnes de sensibilisation omniprésentes sont venues nous alerter, en tant que touristes et citoyens, sur les déchets sauvages et leurs dangers. Campagnes souvent financées par les industriels du plastique, de la malbouffe et de l’eau en bouteille, qui y trouvent un moyen commode d’améliorer leur image tout en rejetant la responsabilité de la pollution plastique sur d’autres. (…)

Déresponsabilisation des industriels

(…) Cette stratégie de lobbying n’est pas spécifique à la France. Confrontés au risque de voir adopter des mesures radicales qui remettraient en cause leurs modèles commerciaux établis, les industriels du plastique ont créé ou financé des associations de façade apparemment « écolos » – une pratique souvent appelée « astroturfing » – chargées de porter la bonne parole au citoyen sur les déchets sauvages, et surtout d’empêcher des solutions plus radicales.

QUAND LES EAUX MEURENT PAR ÉTOUFFEMENT

Sud-Ouest – le :

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Quand les eaux meurent par étouffement

Les cyanobactéries ont été mises en cause dans la mort d’un chien en Dordogne, au lac de Jemaye, en avril dernier ©Philippe Greiller Illustration

Depuis le début du XXe siècle, les flux d’azote et de phosphore qui arrivent en mer ont quasiment doublé. Cette overdose met gravement en péril les eaux douces comme les zones côtières en favorisant la prolifération d’algues et, probablement, des cyanobactéries 

De la Chine à la Bretagne en passant par la Baltique ou le golfe du Mexique, de nombreux milieux aquatiques étouffent, victimes d’un phénomène en pleine recrudescence : un excès de nutriments conduisant à une raréfaction de l’oxygène par la prolifération d’algues.

Ce phénomène, l’eutrophisation, est « une sorte d’indigestion des écosystèmes« , explique Gilles Pinay, chercheur au CNRS et co-pilote d’un rapport dont la synthèse a été publiée le 20 septembre. Réalisée à la demande des ministères de la Transition écologique et de l’Agriculture, cette expertise collective a rassemblé une équipe issue de la recherche publique : CNRS, Ifremer, INRA, IRSTEA et universités.

Due à une surcharge d’azote et de phosphore issus notamment des activités agricoles et industrielles, l’eutrophisation se traduit par une prolifération de microalgues vertes dans les zones côtières. Leur décomposition entraîne un appauvrissement ou un épuisement du milieu en oxygène, voire l’émission de gaz toxiques. Dans les lacs et les cours d’eau, elle se manifeste par l’apparition de cyanobactéries toxiques (autrefois appelées « algues bleues »).

Depuis plus de dix ans en Bretagne

La France n’est pas épargnée. La « laitue » qui s’échoue sur les Côtes-d’Armor a commencé à faire parler d’elle il y a une dizaine d’années. On s’est aperçu que la décomposition de ces marées vertes dégageait de l’hydrogène sulfuré, un gaz puissamment toxique susceptible de tuer les promeneurs. La crise a pris une tournure aiguë en juillet 2009, lors de la mort d’un cheval sur la plage de Saint-Michel en Grève. Les plages bretonnes continuent à connaître des épisodes d’interdiction à cause du phénomène.

Ignorées du grand public, les cyanobactéries ont fait une apparition médiatique remarquée cet été dans le bassin inférieur de la Loire avec la mort de plusieurs chiens qui avaient été en contact avec l’eau du fleuve ou de ses affluents. Un chien est également mort en avril dernier en Dordogne au terme d’une promenade sur les bords du lac de la Jemaye. Il y a une dizaine d’années, un problème du même ordre avait été repéré en Lozère, dans la haute vallée du Tarn.

Un triplement en un demi-siècle

ille-et-vilaine-enquete-sur-des-milliers-de-poissons-morts-dans-la-seicheLa conclusion des chercheurs est sans appel. La recrudescence des épisodes d’eutrophisation est très nette, la crise majeure. « Au niveau mondial, le nombre et l’emprise des zones très pauvres en oxygène en milieu marin ont triplé depuis les années 1960« , indiquent-ils. « Un recensement de 2010 les porte à près de 500, avec une emprise géographique de 245.000 km2 ».

La vague d’eutrophisation se répand, touchant de nombreux lacs, réservoirs, rivières et zones côtières. Selon les chercheurs, certains lieux sont désormais victimes de « crises récurrentes » : mer Baltique, golfe du Mexique, lac Victoria, lacs et côtes de Chine, côtes bretonnes, lagunes méditerranéennes…

Côté eaux douces, un grand lac comme le Lac Erié (limitrophe des Etats-Unis et du Canada) a connu « des épisodes très sévères en 2011 et en 2014, au point que la ville américaine de Toledo (400 000 habitants) a distribué pendant plusieurs jours de l’eau en bouteille à ses habitants« . Ils se sont reproduits en 2015. Le phénomène avait déjà été observé dans les années 1970 et 1980 dans les grands lacs alpins, notamment le lac Léman. « On avait réglé le problème puisqu’il venait en grande partie des stations d’épuration qui se jetaient directement dans les lacs, et des lessives phosphatées« , rappelle Gilles Pinay.

Revoir les systèmes agricoles

Lutter contre le phénomène n’est pas une mince affaire. Non seulement les apports de phosphore et d’azote résultant des engrais utilisés par les agriculteurs restent importants, mais ces deux substances sont déjà présentes dans les sols, les sédiments et les aquifères. Et doucement, de façon diffuse, elles rejoignent les cours et les plans d’eau ainsi que les zones côtières, contribuant à l’eutrophisation. Les flux qui arrivent à la mer ont ainsi doublé au XXe siècle.

L’azote séquestré dans les nappes phréatiques « peut y rester plusieurs dizaines d’années avant de ressortir dans les cours d’eau« , indique Gilles Pinay. Quant au phosphore, « une fois qu »il a été mis dans le système, il va y rester ».

Le rapport ne fait pas de recommandations mais, dans tous les cas, il faut agir à la fois contre le phosphore et l’azote si l’on veut traiter le problème à long terme, souligne Chantal Gascuel, chercheuse à l’INRA. Et il faut le traiter à la source, en maîtrisant les flux. De gros progrès ont été effectués sur le traitement des eaux usées d’origine domestique et sur les rejets industriels, par sur les effluents agricoles.

Une action est d’autant plus urgente que le réchauffement climatique risque d’aggraver encore les épisodes d’eutrophisation. La hausse de la température va entraîner une raréfaction accrue de l’oxygène dans l’eau, et l’érosion due à des pluies plus fortes va entraîner la diffusion du phosphore et de l’azote contenus dans les sols.

L’EAU DU ROBINET CONTAMINÉE PAR DU PLASTIQUE

Les Echos – l

83 % de l’eau du robinet consommée dans le monde contiendrait des microparticules de plastique. En cause, notamment, tissus synthétiques, pneus, cosmétiques … 

On connaissait les méfaits du plastique déversés dans les océans et notamment ses incidences sur l’homme à travers la consommation de poissons et de crustacés.

Mais les fibres synthétiques ont d’autres moyens pour pénétrer notre organisme. Et l’eau du robinet en est un. Selon une enquête du média d’investigation Orb Media  relayée par le « Guardian » , nous sommes des milliards à consommer chaque jour une eau polluée par des microparticules de plastique.

Pour arriver à ce résultat, les enquêteurs ont fait analyser 159 échantillons d’eau du robinet dans une dizaine de pays répartis sur les cinq continents (Etats-Unis, Inde, Equateur, Ougenda, etc.). Au total, 83 % des échantillons testés contiennent du plastique.

L’Europe s’en tire mieux que les États-Unis

Selon l’enquête, l’eau contenant du plastique est quasiment inévitable aux États-Unis. 94 % des échantillons testés en contiennent. Un taux identique a été trouvé au Liban et il est de 82 % en Inde et de 75 % en Équateur.

C’est en Europe qu’on trouve les meilleurs taux : « seulement » 72 % des échantillons récoltés en Allemagne, au Royaume-Uni et en France y sont contaminés.

Les États-Unis se distinguent par le nombre d’échantillons contaminés mais aussi par la concentration de fibres de plastique. On en trouve ainsi en moyenne4,8 dans 50 cl d’eau américaine contre 1,9 en Europe.

Parmi les responsables, nos vêtements

Comment tout ce plastique atterrit dans notre eau ? On pense bien sûr aux sacs plastiques et autres déchets directement jetés à la mer (8 millions de tonnes par an selon les estimations) mais ce n’est pas la seule source. Les scientifiques pointent également… nos vêtements. Ceux conçus en acrylique, en polaire, ou en polyester rejettent des fibres microscopiques de plastique lors de leur passage en machine et en sèche-linge. Nos pulls et autres chemises rejettent ainsi 1 million de tonnes de fibres de plastique chaque année.

Autres sources de microplastique plus ou moins connues, les peintures de nos logements et de nos façades représenteraient 10 % des émissions de fibres plastiques selon Orb Media. Les frottements des pneus sur le bitume sont également ciblés. En parcourant 100 km, un véhicule rejette 20 grammes de poussière, contenant bon nombre d’éléments plastiques. Le média cible également les produits cosmétiques, en particulier les démaquillants.

Des effets sur la santé encore méconnus

Si le phénomène est inquiétant, les chercheurs s’interrogent encore sur leur incidence sur le corps humain mais aussi sur la capacité de ces fibres à abriter des bactéries.

Selon les informations d’Orb Media, des études menées sur des animaux marins ont déjà révélé l’impact de ces fibres comme « moyen de transport » pour des microbes. Les fibres de plastique leur serviraient d’abris avant de pouvoir se déployer dans le corps humain. Problème, ces fibres de plastique sont tellement fines qu’elles peuvent traverser la paroi intestinale et déverser les bactéries directement dans les organes.

« Nous avons suffisamment de données sur la recherche de la faune sauvage et sur les répercussions qu’elle a sur la vie sauvage », a expliqué au « Guardian » le docteur Sherri Mason, spécialiste des microparticules à l’Université d’Etat de New York, qui a supervisé les analyses d’Orb Média. « Si cela a une incidence sur la faune sauvage, pourquoi ça n’en aurait pas sur nous ? »

EN BRETAGNE, UNE POLLUTION DE LACTALIS A DÉVASTÉ UNE RIVIÈRE

Reporterre – le 8 septembre 2017 :

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Pendant plusieurs jours, une usine de Lactalis, le numéro un mondial du lait, a rejeté du lactose dans la Seiche. Quatre tonnes de cadavres de poissons ont été ramassées dans cette rivière presque « morte » à cause de cette pollution.

Les lentilles d’eau forment un tapis vert sur la rivière de la Seiche, les oiseaux chantent sous le soleil. Seul un vrombissement perturbe la quiétude de ce coin de campagne, vingt kilomètres au sud de Rennes. La machine qui trouble le chant des oiseaux est la seule trace du drame que connaît la rivière depuis la mi-août : elle y ajoute de l’oxygène, car la rivière en était privée. « La rivière est morte, raconte Jean-Yves, ça fait de la peine de voir ça. » Pêcheur passionné, il a vu son coin favori subir une

pollution au lactose : plus de quatre tonnes de cadavres de poissons ont été sorties de l’eau. « Il y a quelques jours ici, on se serait cru dans une série policière

, raconte Jérémy Grandière, président de la fédération de pêche d’Ille-et-Vilaine, la route était barrée, trente personnes en combinaison blanche ramassaient à l’épuisette les cadavres. »

Cette machine prélève l’eau de la rivière et l’y renvoie avec de l’oxygène.

En ce samedi matin, les trois Jean — Jean-Yves, Jean-Paul et Jean-Baptiste —, trois copains en short et bottes, viennent regarder leur ancien coin de pêche, sur les berges de la Seiche. « Je pêche depuis que j’ai douze ans, parfois douze heures dans la journée, ça a tendance à agacer ma femme, rigole Jean-Baptiste, avant de s’assombrir. Une pollution comme ça, c’est du jamais-vu, une catastrophe. »

Jean-Yves, Jean-Baptiste et Jean-Paul.

« On a même vu des écrevisses se déplacer vers les champs pour essayer de survivre » 

À huit kilomètres en amont de la rivière, une grille évacue de l’eau en provenance de la station d’épuration du site laitier de Lactalis. Selon la préfecture, la pollution a commencé le 18 août ; selon la direction départementale de la Cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP), c’était le 21 août. Une certitude : un accident s’est produit dans l’usine de Lactalis, du lactose s’est déversé dans la station d’épuration du site, qui a rejeté le tout dans la Seiche. Ce n’est pas une eau claire qui en sortait, mais une eau blanche, chargée de lactose. Et les poissons sont morts en masse. Le seuil à ne pas dépasser pour que la rivière puisse absorber des apports extérieurs est fixé à 45 mg/l ; au pic de la pollution, on a atteint 240 mg/l, selon la DDCSPP. À cela s’ajoute l’alerte sécheresse qui frappe le département depuis le mois de février : le niveau de la rivière est au plus bas et les concentrations d’autant plus fortes.

Le lactose est une matière organique qui consomme de l’oxygène pour se décomposer, au détriment de la faune de la rivière. « Ce sont les gros poissons qui sont morts en premier parce qu’ils ont besoin de plus d’oxygène que les autres, explique Jérémy Grandière. On a même vu des écrevisses se déplacer vers les champs pour essayer de survivre. »

Jérémy Grandière, président de la fédération de pêche d’Ille-et-Vilaine.

Il y a dix ans, l’association de pêche locale, la Gaule d’Amanlis, avait créé une frayère pour permettre aux brochets de se reproduire à l’abri avant de regagner la rivière. « C’est fini ça, il n’y a plus rien, explique Jean-Yves, ça fait mal au cœur, il y avait plein de poissons ici » ; et son comparse Jean-Baptiste d’énumérer sandres, brochets, perches, carpes, brèmes, tanches, gardons, goujons, anguilles, silures.

Une écrevisse fuyant la rivière et trouvée dans un champ.

Le directeur départemental adjoint de la DDCSPP, Gilles Fièvre, assure qu’après une dizaine de jours de pollution, les taux sont redevenus normaux, qu’il s’agisse de la teneur en oxygène ou de la concentration de résidus de lactose. « Nous allons bientôt autoriser Lactalis à reprendre ses activités normalement », explique le fonctionnaire. Pour parvenir à ce résultat, il aura fallu augmenter le niveau d’eau de la rivière en l’alimentant avec l’étang voisin de Marcillé-Robert, réoxygéner la rivière et serrer le robinet de la station d’épuration de Lactalis, qui ne pouvait plus rejeter 3.000 m³ d’eau par jour, mais 700.

« Nous voulons des garanties pour qu’il n’y ait pas un nouvel accident » 

La Fédération de pêche d’Ille-et-Vilaine ainsi que les associations Eaux et rivières de Bretagne et Vitré Tuvalu ont porté plainte contre Lactalis. La préfecture assure qu’un procès-verbal pour non-respect du code de l’environnement sera rédigé puis transmis à la justice. Mais selon les associations, Lactalis, numéro un mondial du lait dont le siège se trouve en Mayenne, à 60 kilomètres d’Amanlis, a tardé à réagir. L’accident dans l’usine a eu lieu le 18 ou le 21 août, et ce n’est que le 25 que les poissons morts ont commencé à être récupérés. « On aurait pu agir bien avant, limiter la mortalité, mais non, il a fallu attendre près d’une semaine avant que Lactalis et la préfecture réagissent, raconte le président de la fédération de la pêche, mais une fois qu’ils ont réagi, ils ont été très professionnels », concède-t-il.

Pendant les opérations de ramassage des poissons morts.

Lactalis a déjà reconnu sa responsabilité dans cet incident qui a causé la mort de centaines de poissons ; mais pour les associations, il faut que cette catastrophe ne puisse plus se reproduire. « Nous voulons des garanties pour qu’il n’y ait pas un nouvel accident, explique Jérémy Grandière, pour que les entreprises et la préfecture soient plus réactives. On aurait sans aucun doute pu éviter que la pollution s’étende sur huit kilomètres et qu’elle tue autant de poissons. »

Plus de quatre tonnes de poissons morts ont déjà été ramassés, quatre fois plus seraient en décomposition au fond de la rivière.

Dès que l’on demande aux habitués de la rivière comment se comporte cet imposant voisin du haut de ses 17,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires et dont le patron, Emmanuel Besnier, n’est autre que la 8e fortune française, la parole se scelle, le micro doit s’éteindre.

« Ce n’est pas fini, ce n’est pas un retour à la normale » 

Il faut dire que dans toute négociation, qu’il s’agisse de la gestion d’une pollution ou du prix d’achat de la tonne de lait, il faut que le rapport de force penche en sa faveur. Et Lactalis sait y faire, comme l’été dernier, lorsque les producteurs de lait ont bataillé pour être mieux payés. Ainsi, sur les huit kilomètres de rivière atteinte par la pollution, des mesures et prélèvements sont effectués par les services de l’État, mais aussi par des agents diligentés par Lactalis, accompagnés à chaque fois d’un huissier. Chacun prépare ses cartouches avant que la bataille juridique ne commence.

Lactalis a fait appel à un sous-traitant, l’entreprise Triadis, filiale de Séché environnement, pour collecter les poissons morts.

« On a peut-être ramassé quatre tonnes de cadavres, mais ce n’est pas fini, ce n’est pas un retour à la normale, assène Jérémy Grandière, le président de la fédération de pêche départementale. Le fond de la rivière est tapissé de poissons en putréfaction et on ne peut pas les ramasser. L’autre jour, j’ai vomi quand l’entreprise a essayé de ramasser une carpe. Elle se décomposait et passait entre les mailles de l’épuisette ; en la remontant, elle a explosé. Triadis, l’entreprise qui nettoie la rivière et qui est payée par Lactalis, estime entre 15 et 20 tonnes la quantité totale de poissons morts.  » Pour se décomposer, les dépouilles ont besoin d’oxygène, au détriment des quelques rares poissons survivants.

Un inspecteur de l’environnement mesure l’état de la Seiche.

Un peu abattu, Jean-Yves réfléchit à l’étape d’après : « Maintenant, il va falloir remettre du poisson dans la rivière, mais il faudra attendre février ou mars. » « La nature s’en remettra, mais il faudra attendre, deux ans peut-être », philosophe Jean-Baptiste, avant que Jean-Paul repère des frétillements à la surface de l’eau : « Il y a quelques alevins là. » Petits, ces poissons ont besoin de peu d’oxygène et sont parvenus à survivre jusqu’aujourd’hui. Une lueur de vie dans la Seiche qui ne donne pas pour autant le sourire à Jérémy Grandière. « Nous avons trouvé des ragondins morts, alors qu’ils peuvent respirer dans l’eau et à terre. Nous ne savons pas pourquoi ils sont morts et attendons les résultats d’analyse pour être sûrs que ces décès ne cachent pas un autre problème. »

La Seiche, recouverte de lentilles d’eau, un phénomène naturel et habituel en cette saison.

« SUR LES PERTURBATEURS ENDOCRINIENS, LA FRANCE A CAPITULÉ , TOTALEMENT ET COMPLÈTEMENT»

LE MONDE | 10.07.2017 :

arton12679-e6cb0La France a finalement cédé sur le dossier des perturbateurs endocriniens (PE). Elle s’est départie de la fermeté qu’elle avait affichée jusqu’ici. Elle a abandonné en rase campagne le Danemark et la Suède, avec lesquels elle luttait, pied à pied, pour un niveau de précaution en matière de santé et d’environnement qui soit simplement en accord avec le droit de l’Union. Contrairement au « storytelling » distillé par le gouvernement, la France n’a obtenu, en signant les critères de définition de ces substances, le 4 juillet à Bruxelles, aucun nouveau progrès, aucune avancée.

Le texte permettra d’identifier les PE seulement « présumés », entend-on claironner. Hélas ! Cette mention est absente des annexes techniques, ce qui la rend juridiquement inexistante. En outre, elle était déjà présente dans la version de mi-mai. Il faut le rappeler et le répéter : le document signé le 4 juillet n’a pas changé d’une virgule par rapport à celui qui était sur la table avant la formation du premier gouvernement d’Edouard Philippe. La France n’a rien obtenu de plus. Elle a capitulé, totalement et complètement.

Le ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, a assuré que les dérogations accordées par le texte aux pesticides « perturbateurs endocriniens par conception » seront combattues par la France, qui les bannira unilatéralement de son territoire. Mais qui peut croire qu’un gouvernement sabordera la compétitivité de son agriculture en interdisant l’usage de dizaines de pesticides autorisés ailleurs en Europe ? Et qui réalisera le travail gigantesque d’analyse, molécule par molécule, nécessaire à une telle mesure ? Les fonctionnaires déjà surchargés de l’Agence nationale de sécurité sanitaire ? Ce n’est pas sérieux.

Le paravent du jargon technique

Oublions un instant la santé et l’environnement. Car c’est avant tout de démocratie qu’il s’agit.


Reporterre – le 05 Juillet 2017 :

Les gouvernements européens ont adopté le 4 juillet une définition commune des perturbateurs endocriniens. Cela a été possible par le changement de pied de la France : alors que Mme Royal avait bloqué ce texte aux garanties insuffisantes, M. Hulot a cédé. Les dispositions adoptées sont critiquées par les écologistes. La bataille se portera au Parlement européen.

Une « véritable politique européenne sur les perturbateurs endocriniens », « un grand succès » : voici les mots choisis par le Commissaire européen à la santé et la sécurité alimentaire, Vytenis Andriukaitis, pour saluer l’adoption par les États européens d’une définition de ces substances reconnues dangereuses pour notre santé. Ce texte était présenté régulièrement depuis juin 2016 aux États européens, qui jusqu’à présent n’étaient pas assez nombreux à l’approuver pour qu’il soit adopté.

Mardi 4 juillet à la mi-journée, le changement de position de la France — qui s’était opposée jusqu’ici — a tout fait basculer et a permis le vote d’un texte sur un dossier qui traîne depuis décembre 2013.

« Une fois appliqué, ce texte assurera que toute substance active utilisée dans les pesticides et identifiée comme perturbatrice endocrinienne pour les personnes ou les animaux peut être évaluée et retirée du marché », a poursuivi Vytenis Andriukaitis dans le communiqué de la Commission.

Vraiment ? Ce n’est pas l’avis des ONG environnementales qui suivent le dossier depuis longtemps – notamment Générations futures et une coalition de 70 ONG, EDC Free Europe. Elles jugent que cette définition présente deux défauts majeurs, qui risquent de limiter fortement le nombre de substances concernées :

  • Elles considèrent que le niveau de preuve demandé pour classer une substance comme perturbatrice endocrinienne est trop élevé : la majorité d’entre elles risquent d’échapper au classement ;
  • Elles contestent l’exemption accordée aux pesticides ayant pour mode d’action, justement, la perturbation endocrinienne. « C’est précisément cette disposition qui permettrait d’exclure le glyphosate de la liste des pesticides perturbateurs endocriniens », dit à Reporterre François Veillerette, porte-parole de Générations futures.

« L’ensemble des ONG européennes qui suivent le dossier est donc très déçu de ce changement de position de la France », poursuit-il. Seuls le Danemark, la Suède et la République tchèque ont voté contre la proposition de la Commission.

La France, elle, avait pourtant fortement pris position contre. En décembre dernier, l’ex-ministre de l’Environnement Ségolène Royal avait jugé « inacceptable » la définition de la Commission. Le nouveau ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, au micro de Jean-Jacques Bourdin, avait indiqué fin juin qu’il ne « céderait rien sur ce sujet ».

Il s’explique de ce revirement dans une interview à Libération mardi 4 juillet. « Jusqu’au bout, je n’étais pas du tout certain de voter le texte », assure-t-il. Pour le faire, « il y avait un certain nombre de conditions que j’ai obtenues, à l’exception d’une seule. »

« Aujourd’hui, la France a fait le choix politique de ne pas s’opposer »

Ces conditions sont détaillées dans un communiqué publié mardi 4 juillet à la mi-journée, qui se réjouit de « ce vote [qui] met fin à quatre années de retard pour l’interdiction de ces substances dangereuses. ». Parmi les concessions obtenues, la réévaluation de substances supplémentaires, une stratégie globale permettant de prendre en compte toutes les voies d’expositions aux perturbateurs endocriniens (jouets, cosmétiques et emballages alimentaires inclus), 50 millions d’euros pour la recherche sur le sujet, et enfin une évaluation rapide de l’impact de cette nouvelle définition des perturbateurs endocriniens (PE).

Toujours dans Libération, Nicolas Hulot se félicite donc d’avoir fait « basculer dans le giron un certain nombre de substances qui, pour l’instant, en étaient tenues à l’écart ». Il admet n’avoir « pas eu gain de cause sur la levée de l’exemption – que défendent notamment les Allemands – de certains produits qui ont été conçus pour être des PE. »

« Cela veut dire que l’on va évaluer quelques substances de plus, mettre un peu plus d’argent dans la recherche, et renforcer une stratégie européenne qui existe déjà, explique François Veillerette. C’est plutôt positif, mais en fait, ce n’est pas grand-chose. Rien n’a été gratté sur les deux points essentiels et problématiques de la définition. »

Pourquoi le gouvernement français a-t-il lâché en échange de si peu ? « Je ne me l’explique pas, confie à Reporterre Corinne Lepage, pourtant soutien d’Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle. J’avais déjà trouvé les réponses de Nicolas Hulot à Jean-Jacques Bourdin assez évasives sur ce sujet-là. »

« Depuis le début, la dynamique au niveau de l’État français est de ne pas faire obstacle à l’avancée européenne, observe François Veillerette. Ils veulent être dynamiques, européens, positifs. Nous n’avons pas arrêté de leur dire que, même si c’est désagréable de dire non à la Commission, il faut se battre. Mais aujourd’hui, la France a fait le choix politique de ne pas s’opposer. »

Mais ce sont quelques mots glissés dans le communiqué français qui l’inquiètent le plus. Celui-ci met en avant des « mesures nationales » destinées à renforcer l’action sur les perturbateurs endocriniens en France. Il indique que « les ministres de la Transition écologique et solidaire, des Solidarités et de la Santé, et de l’Agriculture et de l’Alimentation, saisiront l’Anses [Agence nationale de sécurité sanitaire] pour mener une évaluation des risques des produits les plus utilisés contenant ces substances. »

Une phrase à lire attentivement. François Veillerette relève tout d’abord que seuls les « produits les plus utilisés » sont concernés. Et surtout, ils seront soumis à une « évaluation des risques ». « Cela signifie que l’on peut tolérer un produit dangereux s’il est peu présent dans l’environnement. Mais cette méthode ne fonctionne pas pour les PE, car leur impact n’est pas lié à la quantité, mais au moment d’exposition – la grossesse par exemple -, à l’effet cocktail – la plupart du temps on est exposé à plusieurs PE en même temps et leur impact est décuplé -, sans compter qu’ils ont un effet transgénérationel. » En résumé, l’exposition à la moindre petite molécule de PE au mauvais moment peut avoir des conséquences à très long terme…

« L’évaluation des risques, c’est exactement ce que veut l’industrie. Or, on avait obtenu avec le règlement européen de 2009 une possibilité d’interdire les PE sur la base de leur dangerosité : si un produit est dangereux pour la santé, on ne le met pas sur le marché. Remplacer le danger par le risque, c’est une capitulation idéologique majeure », regrette encore le porte-parole de Générations Futures.

Mais tout n’est pas terminé pour autant. Le texte approuvé hier doit désormais passer devant le Parlement Européen. Les ONG l’appellent à refuser cette définition des PE.

A voir ou à revoir …

ACTUALISATION…  LE MONDE | :

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L’écrivaine japonaise Michiko Ishimure.

Une grande dame s’est éteinte : Michiko Ishimure, écrivaine qui révéla aux Japonais les souffrances des victimes de la maladie de Minamata (intoxication par le mercure) est morte le 10 février à Kumamoto. Elle avait 90 ans. (She died early Saturday due to acute exacerbation of Parkinson’s disease.) Elle fut la voix des 10 000 personnes qui ont été officiellement atteintes de cette maladie affectant le système nerveux central.

A l’écoute des victimes

Michiko Ishimure rompit cette conspiration du silence qui contribua à contaminer la mer pendant des décennies. Elle ne fut certes pas seule à militer pour que la lumière soit faite et que les victimes soient dédommagées mais, par son empathie pour celles-ci, la trilogie qu’elle publia en 1959, Mer de souffrance, terre de lumière (Paradise in the Sea of Sorrow : Our Minamata Disease, University of Michigan, 2003) eut un retentissement particulier, s’inscrivant dans ce que l’on appellerait aujourd’hui la « narration littéraire documentaire ».

Née le 11 mars 1927 dans le village de Kawaura sur l’île Amakusa, elle avait grandi à Minamata (département de Kumamoto, dans le Kyushu) sur la rive opposée de la mer de Shiranui. Institutrice, elle avait découvert en se rendant à l’hôpital, où avait été hospitalisé son fils, les premiers malades souffrant de cette maladie mystérieuse qui n’épargnait pas les enfants, dont beaucoup naissaient avec des infirmités motrices et cérébrales lourdes. Un faisceau de symptômes (poissons morts, chats pris de spasmes convulsifs…) allait permettre de conclure à un empoisonnement de la mer. La maladie fut reconnue en 1956 mais,

jusqu’en 1968, l’usine chimique Chisso qui déversait du méthyle-mercure dans la mer et l’État, nièrent toute responsabilité.


10 janv. 2013

En 1907, le fondateur de la compagnie Chisso, Jun Noguchi, installe une usine pétrochimique à Minamata, au sud-ouest du Japon. La main-d’œuvre est principalement locale mais les cadres dirigeants sortent des plus hautes universités japonaises. À partir de 1932, cette usine rejette de nombreux résidus de métaux lourds dans la mer dont du mercure. L’oxyde de mercure est utilisé comme catalyseur pour la synthèse de l’acétaldéhyde CH3CHO. Vingt ans plus tard, les premiers symptômes apparaissent (de nombreux problèmes liés au système nerveux, par exemple la perte de motricité) et la première description de la maladie remonte à 1949. À cette époque, on considère l’entreprise Chisso comme un exemple de réussite économique : c’est une des rares entreprises qui ont su continuer à fonctionner durant la guerre.

Suite notamment à la consommation de poissons, on compta près de 900 décès de 1949 à 1965. La firme a par ailleurs reconnu 2 200 malades officiels mais a payé près de 10 000 personnes atteintes pour qu’ils arrêtent les poursuites judiciaires (22 000 dollars chacun). Des mères ne présentant aucun symptôme ont donné naissance à des enfants gravement atteints (malformations plus ou moins lourdes, handicaps divers ou multiples, enfants mort-nés…).

En 1959, le docteur Hajime Hosokawa, employé de la firme Chisso, acquit la certitude, suite à des expériences qu’il mena sur des chats, que les phénomènes observés étaient liés à la pollution par le mercure. On avait, en effet, remarqué que les chats du port devenaient fous jusqu’à se jeter dans la mer pour s’y noyer. Ceci apportait une note apocalyptique au mal qui touchait la ville, mais permit de faire le lien avec la population la plus touchée : les familles de pêcheurs. Les poissons tenaient une part importante dans l’alimentation de ces deux groupes.

Les déversements de mercure continuèrent jusqu’en 1966 où un procédé de synthèse plus économique (et accessoirement moins polluant) fut mis en place. Durant toute cette période (1932-1966), environ 400 tonnes de mercure furent rejetées dans la baie.

À partir de 1977, les boues contaminées furent traitées et stockées.

En 1993, le mariage du prince héritier Naruhito avec la petite-fille de Yutaka Egashira, président de Chisso à l’époque des faits, provoqua une indignation passagère au Japon.

Il fallut attendre 1996 pour que l’État propose un compromis pour indemniser l’ensemble des victimes.

A la date de 2009, 53 ans après le début officiel de la maladie (mai 1956), plus de 13 000 malades ont été reconnus par l’entreprise et l’État :

2 955 personnes reconnues par les comités préfectoraux ;
51 personnes, à l’issue de la décision de la Cour suprême en 2004 ;
10 353, lors du compromis politique de 1995/96.
Mais près de 25 000 sont encore en attente d’une décision :

6 103 attendent une décision du système de reconnaissance ;
17 780 reçoivent un certain suivi médical, mais il ne donne pas droit à une indemnisation et une reconnaissance de jure ;
1 509 sont encore en procès avec l’État.
Et par-delà ce décompte, il reste difficile de savoir exactement combien de personnes ont été touchées.

Il existe, à long terme, une augmentation sensible du nombre de leucémies.

Extrait du documentaire « Les Voies du Chat », 2009 de Myriam Tonelotto, éditions La Bascule

DE L’AMIANTE DANS L’EAU DU ROBINET? SELON DES CHERCHEURS, LE RISQUE DE CANCER EXISTE

Sud-Ouest – le 16/05/2017 :

EAU ROBINET

En Italie, dans la région de la Toscane, des concentrations de 700 000 fibres par litre ont été constatées dans l’eau potable. Aucune mesure de ce type n’a encore été effectuée en France

En France, une partie des canalisations sont en fibrociment. Faut-il s’inquiéter ?

C’est une étude qui est passée quasiment inaperçue. Et pourtant, ses conclusions pourraient contraindre les pouvoirs publics à investir des sommes colossales pour éviter un nouveau scandale sanitaire. L’amiante, qu’on savait cancerogène en cas d’inhalation, aggraverait également les risques de maladie en cas d’ingestion. Or, en France comme un peu partout dans le monde, l’eau du robinet transite potentiellement par des canalisations en fibrociment, un matériau aussi appelé amiante-ciment.

En mars dernier, les scientifiques de l’hôpital de Bisceglie, en Italie, ont publié leurs résultats dans la revue « Epidemiologia & Prevenzione« . Jusqu’alors, aucune recherche n’était parvenue à établir de corrélation entre l’amiante ingérée et le développement de cancers. « Il est très improbable que l’amiante émis par les conduits en amiante-ciment soit relié au développement du cancer » avait par exemple écrit un chercheur dans le « Journal of the Royal College of Physicians of London« , en 1988.

Cancer gastro-intestinal et colorectal

Dans leur étude intitulée « Ingestion d’amiante et cancer gastro-intestinal : un danger possible sous-estimé », les médecins de Bisceglie ont découvert que l’amiante ingéré aurait des effets nocifs sur des organes tels l’estomac, le côlon, le foie et même le placenta. Les risques de cancers gastriques et colorectaux seraient donc réels, proportionnellement à la quantité de fibres ingérées. Or, des mesures ont révélé des concentrations parfois ahurissantes de fibres d’amiante dans l’eau du robinet en Toscane, jusqu’à 700 000 fibres par litre.

Pascal Humeau, fondateur de la société Conseil et Formation Amiante basée à Lyon, ne s’est pas montré particulièrement surpris par les conclusions de l’étude italienne. « Nous nous sommes toujours inquiétés du risque pathogène de l’amiante ingérée. Dans les années 80, des recherches canadiennes avaient conclu qu’il n’y avait aucun danger. Mais il ne faut pas oublier qu’il s’agissait d’un pays où le lobbying pour l’amiante était important. »

Reste à connaître le seuil de dangerosité, c’est-à-dire la limite maximum tolérable de fibres d’amiante dans l’eau potable. « N’oublions pas que pour l’amiante inhalée, une seule fibre peut suffire à déclencher certaines maladies », rappelle son collègue Thierry Dufour. Or, les plus petites fibres mesurent 0,02 microns. Elle sont indétectables sans analyse scientifique poussée.

Près de 35 000 kilomètres de canalisations en amiante

En France, le réseau de distribution d’eau potable compose un linaire de plus de 800 000 kilomètres. Une grosse moitié de ces canalisations ont plus de trente ans, et 10% ont même dépassé les 50 ans. L’ennui, c’est qu’environ 4% de ce réseau vétuste est constitué de tuyaux en amiante-ciment, ce qui représente entre 32 000 et 35 000 kilomètres.

Les tuyaux en fibrociment ont été assez largement utilisés pour l’adduction en eau potable jusqu’au milieu des années 80, l’amiante ayant été interdite à partir de 1997, « avec des dérogations jusqu’en 2003, excepté dans le BTP », ajoute Pascal Humeau.

On imagine ainsi l’altération des tuyaux, par l’effet d’une érosion mécanique libérant des fibres dans le réseau. « L’amiante n’est pas un matériau éternel », insiste Thierry Dufour, citant notamment les toitures en fibrociment, qui se détériorent avec les intempéries et les pollutions, et qu’il est nécessaire de remplacer à terme.

Ce qui est déjà coûteux en surface l’est encore plus en sous-sol, les canalisations étant toujours enterrées. Le chantier de remplacement du réseau défectueux pourrait ainsi présenter un coût exorbitant. On parle-là de plusieurs milliards d’euros. 

Des collectivités peu informées

« Le problème, c’est que les collectivités ne sont bien souvent même pas au courant que leurs adductions en eau potable sont en amiante », fait remarquer Pascal Humeau. « Bien souvent, les dossiers techniques n’ont pas été bien tenus et il existe très peu de traçabilité. Le seul moyen de savoir si une canalisation est en amiante est de réaliser des prélèvements sur les tuyaux, ou éventuellement de retrouver un marquage Eternit (producteur numéro 1 d’amiante-ciment jusqu’à son interdiction, NDLR) ».

En revanche, nul n’ignore que l’amiante-ciment a été largement utilisé dans les réseaux d’évacuation des eaux usées. La question qui se pose alors est la suivante : les fibres présentes dans l’eau sont-elles éliminées de manière efficace par les stations d’épuration ou bien sont-elles remises en circulation dans le réseau d’adduction en eau potable ?

Le scandale sanitaire de l’amiante n’a peut-être pas encore livré tous ses secrets.

LES DÉCHETS ENVAHISSENT LE GAVE DE PAU

Sud-Ouest – le :

En images : les déchets envahissent le Gave de Pau

Geoffroy Cassagne de l’association Pose Ta Graine en lien avec Surfrider , montre l’état des bords du gave de Pau. – Crédit photo : David Le Déodic

L’ancienne décharge communale de Bordes, en bord de gave, se déverse dans la rivière. Les crues ont eu raison de son mur de protection

L’ancienne décharge communale de Bordes est située à quelques hectomètres de l’usine Turbomeca. 60 000 m3 de déchets ménagers et industriels se sont agglomérés ici entre 1950 et 1998. 

Aujourd’hui inactive, la décharge s’est ouverte sur le gave à la faveur des violentes crues des dernières années. Celle de juin 2013 a littéralement soufflé le mur de protection qui contrecarrait les assauts de la rivière sur cette zone.

Sud Ouest

Près de 5 millions d’euros

La mairie de Bordes a été mise en demeure par la préfecture à l’automne : elle doit fournir un diagnostic complet et présenter une solution de dépollution. Ces travaux sont en cours et risquent de coûter près de 5 millions d’euros.

L’association Pose ta graine et son partenaire Surfrider sensibilisent depuis plusieurs mois au sujet de cette catastrophe écologique.

Cartons, plastiques, vêtements, chutes de chantiers et déchets industriels s’échappent chaque jour de l’ancienne décharge et s’étalent partout en aval sur le Gave de Pau. Visite avec Geoffroy Cassagne, de l’association  Pose ta graine.

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Crédit photo : David Le Déodic

LA COMMISSION EUROPÉENNE AUTORISE DE NOUVEAU … DES PESTICIDES INTERDITS

Reporterre – le 16 septembre 2016 :

Pendant l’été, la Commission européenne a préparé le terrain pour rendre caduque sa propre interdiction de certains produits phytosanitaires toxiques !

arton10481-30b86Le « protocole » dérogatoire, élaboré au nom de « la santé des plantes » par l’Autorité européenne de sécurité des aliments, concerne les herbicides, mais fongicides et insecticides ne sont pas en reste.

Glufosinate, flumioxazin… Ces herbicides, encore sur le marché, devaient être interdits en vertu du règlement de 2009 sur les pesticides. Devaient ! Car, à la demande de la Commission européenne, il semblerait que ces substances actives, reconnues toxiques par les mêmes instances, soient réhabilitées très prochainement en cas de « danger grave pour la santé des plantes ».

L’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), « qui ne ferme jamais ses bureaux pendant l’été », précise-t-elle à Reporterre, a publié un communiqué le 1er juillet. Ou plutôt un « protocole » qui vise à mettre en œuvre une dérogation pour ces herbicides sur le point d’être rayés de la carte. Autrement dit à les autoriser à nouveau.

« Un artifice utilisé à mauvais escient »

Cette volte-face est rendue possible grâce à l’article 4.7 du règlement N°1107/2009 du Parlement et du Conseil européens sur les « critères d’approbation des substances actives ». Ce 7e paragraphe prévoit en effet des exceptions à l’utilisation de produits dangereux « lorsque, sur la base d’éléments de preuve documentés inclus dans la demande, une substance active est nécessaire pour contrôler un danger phytosanitaire grave qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens disponibles, y compris par des méthodes non chimiques ».

L’article 4.7 du règlement N°1107/2009 sur les critères d’approbation des substances actives.

Quel est donc ce « danger phytosanitaire grave » sur lequel s’appuierait ici l’Efsa ? « Un danger grave pour la santé des plantes », nous a répondu l’un de ses porte-parole, sans autre précision. Soit, mot pour mot, la formule utilisée dans le dit « protocole ».

« L’article 4.7 du règlement 1107/2009 précise que l’on peut déroger à cette interdiction s’il y a un danger grave pour la santé de la plante, observe François Veillerette, le directeur de Générations futures. Mais cela ne peut pas être valable pour les herbicides, puisqu’ils ne traitent pas les maladies des plantes… Ils servent à éradiquer les mauvaises plantes ! Ils font appel à un artifice utilisé à mauvais escient. »

Dans le cadre de sa surprise estivale, l’Efsa n’envisage pas de méthode non chimique tel que le désherbage mécanique. « On recule une fois de plus. Je ne sais pas comment il est possible de faire une chose pareille aussi bien en termes scientifiques que légaux, ajoute le porte-parole de Générations futures. Le travail a déjà été fait par les évaluateurs de risques de l’Europe. Personne aujourd’hui ne peut dire que ces produits ne sont pas dangereux ! »

Selon l’Efsa, « il est improbable que le glyphosate présente un danger cancérogène pour l’homme »

L’association donne des exemples des risques associés à certains des herbicides concernés, comme le glufosinate (malformations congénitales) et le flumioxazin (toxique pour la reproduction et pour les organes endocriniens).

Le hic, c’est que l’Efsa n’a pas toujours fait preuve de rigueur scientifique selon six ONG européennes, qui ont porté plainte contre elle, contre Monsanto et contre l’Institut fédéral allemand d’évaluation des risques (BfR), en mars 2016, à propos de l’herbicide le plus vendu au monde sous le nom de Roundup. L’agence soutient mordicus « qu’il est improbable que le glyphosate présente un danger cancérogène pour l’homme ». Cette conclusion s’inspire de l’évaluation réalisée par le BfR. Selon les associations, parmi lesquelles Générations futures et Pesticide Action Network (PAN) Europe, cette analyse est erronée. L’OMS a quant à elle reconnu le glyphosate comme un « cancérigène probable ».

Selon Hans Muilerman, de PAN Europe, ce « protocole » des herbicides démontre une fois de plus que cette demande « n’est fondée ni sur des faits ni sur la science » : « Nous avons envoyé plusieurs lettres au commissaire
Andriukaitis
[chargé de la santé et de la sécurité alimentaire] sur le sujet et avons reçu des réponses sans contenu. Les Verts lui ont aussi posé des questions au début de l’année et il devient clair que c’était une décision politique d’inclure les herbicides dans la dérogation. » Reporterre a eu accès à ces deux documents, virtuoses de litanies en références réglementaires, qui ne cessent de renvoyer à la réponse précédente, ne nomment pas le problème et ne répondent jamais à la question.

Réponse de M. Andriukaitis , commissaire européen chargé de la santé et de la sécurité alimentaire, à la lettre de Hans Muilerman, de PAN Europe.

Seule la Suède semble s’être opposée à cette idée de dérogation

De son côté, dans sa réponse, l’Autorité européenne de sécurité des aliments nous a bien demandé de préciser que les herbicides ne sont pas les seuls à être concernés par cette demande de dérogation : « Notez que l’Efsa a publié un premier protocole sur les herbicides, mais doit en délivrer deux autres sur les insecticides et les fongicides. » Et d’ajouter : « Le protocole n’est pas un document légalement contraignant, mais plutôt un outil » à l’usage de la Commission européenne et des États membres.

Certes, ces derniers auront le dernier mot, mais ils s’appuieront sur l’avis rendu par l’Efsa. Pour le moment, seule la Suède semble s’être opposée à cette idée de dérogation. Les autres États sont restés silencieux. La réponse de la France se fait attendre.