RIVERAINS VICTIMES DES PESTICIDES, CONNAISSEZ VOS DROITS !

allef-vinicius-ig-seteales-104790-unsplashChaque année de mars à octobre, les épandages des pesticides reprennent et impactent négativement le quotidien de riverains. À l’occasion de la clôture de la Semaine pour les alternatives aux pesticides, Générations Futures met à jour sa
brochure d’information dédiée aux droits des riverains et riverains victimes des pesticides
.

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QUELS EFFETS SUR LA SANTÉ ?
L’utilisation et l’exposition aux pesticides ont
des conséquences pour la santé qui ne sont
plus à démontrer. Il est avéré que chez
les professionnels (agriculteurs, salariés de
l’agroalimentaire, etc.), il y a un risque accru de
développer certaines pathologies :
  • 5 fois plus de risques de développement de la maladie de Parkinson
  • 2,6 fois plus pour la maladie d’Alzheimer
  • Un risque accru de lymphome, de leucémie, de cancers du cerveau, du sein, de la prostate et du testicule, de troubles de la fertilité, de malformations génitales, de puberté précoce, de dépression, etc …
QUI EST CONCERNÉ ?
ob_43c622_penetration-pesticidesLes professionnels sont concernés, mais les riverains aussi. Les pesticides épandus à proximité de zones d’habitation contaminent les maisons et les corps.

Tous les renseignements sur la brochure suivante (cliquez sur le lien) :

Brochure d’information dédiée aux droits des riverains et riverains victimes des pesticides.

SUICIDE CHEZ LES AGRICULTEURS : LES PESTICIDES MIS EN CAUSE

Newsweek – le 10 Avril 2014 :

a856bb59848488ff3274293ddb6b9db5Dans un article publié dans le magazine américain Newsweek en avril dernier, l’écrivain et réalisateur Max Kutner soulève la question d’un lien potentiel entre l’exposition aux pesticides et les niveaux élevés de suicides chez les agriculteurs. 

Aux-États-Unis, les agriculteurs ont un taux de suicide deux fois plus élevé que la population générale. En France, un agriculteur meurt par suicide tous les 2 jours,

indique-t-il. Le chiffre serait plutôt d’un par jour selon certaines analyses.

Les agriculteurs vivent souvent de grandes difficultés liées aux évolutions actuelles du travail agricole. Mais un autre facteur pourrait s’ajouter: celui de l’exposition aux pesticides. 

Une étude publiée par la psychologue Lorrann Stallones de l’Université d’État du Colorado et ses collègues dans la revue Environmental Health Perspectives (EHP) en 2008 montrait un lien entre l’exposition aux pesticides et la dépression. Les travaux de ces chercheurs ont montré que les agriculteurs en contact avec les pesticides développent des symptômes physiques comme la fatigue, des engourdissement, des maux de tête et des troubles de la vision, ainsi que des symptômes psychologiques comme l’anxiété, l’irritabilité, des difficultés de concentration et la dépression, résume Kutner.

Selon une recherche rapide que nous avons effectuée, une étude publiée ce mois-ci dans la même revue par John D. Beard de l’Université de Caroline du Nord et ses collègues montre aussi des liens entre l’exposition à plusieurs pesticides spécifiques et la dépression. 

En 2013, une analyse de la littérature scientifique publiée par les chercheurs Carmen Freire et Sergio Koifman dans l’International Journal of Hygiene and Environmental Health (IJHEH) indiquait que certaines études montrent un lien entre l’exposition aux pesticides et soit la dépression, soit le suicide. L’analyse montrait la pertinence de mener de plus amples recherches pour explorer ces relations dans des études incluant de plus grands nombres de travailleurs en utilisant des évaluations détaillées de l’exposition et des évaluation d’autres sources potentielles de stress psychologique.

PESTICIDES ET DÉPRESSION : analyse dans l’Agricultural Heath Study

JLE.com –  Mai-Juin 2015 :

Cette analyse dans la population de l’Agricultural Health Study contribue à combler le manque de connaissances concernant les effets de l’exposition chronique aux pesticides sur le risque de dépression. Quelques molécules sont identifiées, qui pourraient faire l’objet d’investigations plus poussées chez l’animal et dans d’autres populations humaines.

Télécharger le PDF de l’analyse

Plus de 52 000 agriculteurs d’Iowa et de Caroline du Nord ont été recrutés pour participer à l’Agricultural Health Study (AHS) entre 1993 et 1997 à l’occasion d’une demande ou d’un renouvellement d’autorisation d’application de pesticides. Le questionnaire d’inclusion comportait la question suivante : « Un médecin vous a-t-il déjà dit que vous aviez une dépression ? ». La question était reposée plus précisément (dépression nécessitant un traitement médicamenteux ou une sismothérapie) dans un second questionnaire d’entrée adressé au domicile, qui a été retourné par 44 % des participants. Ceux-ci ont été réinterrogés par téléphone entre 2005 et 2010 (en moyenne 12,1 ans après l’inclusion) sur leurs antécédents de dépression et l’âge qu’ils avaient la première fois que ce diagnostic avait été posé.

Bien que cette collecte d’informations à deux reprises seulement ne permette pas de réaliser une véritable analyse longitudinale (ce qui serait important pour une maladie dont le cours évolutif peut être émaillé de guérisons et de rechutes), elle a permis de classer les 1 702 cas de dépression inclus dans cette étude (8 % d’une population totale de 21 208 hommes) en trois groupes. Le premier rassemblait 474 sujets qui avaient déclaré un diagnostic de dépression à l’entrée (dans l’un et/ou l’autre des deux questionnaires) sans confirmation au moment du suivi. Le deuxième groupe (n = 540) était constitué des hommes qui avaient rapporté un diagnostic de dépression aux deux temps (ce qui évoque le caractère chronique de la maladie) ou uniquement lors de l’entretien de suivi mais en signalant un âge au premier diagnostic inférieur à l’âge d’entrée. Le troisième groupe (n = 688) incluait les hommes indemnes de dépression au départ.

Analyses réalisées

L’association entre l’exposition aux pesticides et la dépression a été examinée pour 10 classes de pesticides (les quatre classes fonctionnelles : fumigants, fongicides, herbicides et insecticides ; et six classes chimiques : herbicides phénoxy et triazine, carbamates, organochlorés, organophosphorés et pyréthrinoïdes) et pour 50 substances individuellement.

Les sujets ont été classés exposés lorsqu’ils avaient personnellement utilisé le produit (pour préparer le mélange ou pour l’appliquer) et une analyse « ever versus never-use » a été réalisée. L’exposition aux pesticides a également été estimée quantitativement, en nombre de jours d’utilisation cumulés, calculés à partir du nombre d’années d’utilisation et de la fréquence d’utilisation dans l’année. Quatre catégories ont été défi nies : jusqu’à 56 jours (catégorie de référence), entre 57 et 225 jours, entre 226 et 457 jours, et plus de 457 jours.

Les auteurs ont également recherché des associations entre la dépression et un antécédent d’intoxication aiguë diagnostiquée par un médecin ou un épisode d’exposition accidentelle massive signalé par les sujets. De telles associations ont précédemment été rapportées dans l’AHS, ainsi que dans une cohorte d’agriculteurs du Colorado et dans une étude transversale chez des travailleurs dans des bananeraies au Costa Rica.

Les modèles prenaient en compte les données manquantes et les sorties d’étude ainsi que les facteurs de confusion potentiels suivants : l’âge au moment de l’inclusion, un diagnostic de diabète, le niveau d’études et l’État de résidence.

Principaux résultats

La dépression est associée, dans chacun des trois groupes, à l’utilisation (« everuse ») d’un fumigant ou d’un insecticide organochloré. Des associations positives sont mises en évidence avec le phosphure d’aluminium et le dibromure d’éthylène (fumigants), avec la dieldrine (organochloré) ainsi qu’avec les herbicides phénoxy et les insecticides organophosphorés diazinon, malathion et parathion. Les odds ratio (OR) les plus élevés concernent, dans le premier groupe (dépression déclarée à l’entrée uniquement) la classe des insecticides organochlorés (OR = 1,9 [IC95 = 1,5- 2,4]), dans le deuxième groupe (dépression aux deux évaluations) la classe des fumigants (OR = 1,8 [1,5-2,3]), et dans le troisième groupe (dépression déclarée au suivi) le phosphure d’aluminium (OR = 1,6 [1,1-2,2]). D’autres associations significatives, avec des organochlorés notamment (chlordane, dichlorodiphényltrichloroéthane [DDT], dieldrine, heptachlor et lindane) sont mises en évidence dans les premier et deuxième groupes seulement. Par ailleurs, toujours dans ces deux groupes uniquement, la dépression est associée au nombre de jours d’utilisation cumulés d’un pesticide quelconque (avec une tendance dose-réponse plus nette dans le premier groupe : OR successifs égaux à 1,2 [0,9-1,6], 1,4 [1-1,9] et 1,6 [1,2-2,2]), ainsi qu’à un antécédent d’intoxication aiguë (OR = 4,2 [2,7-6,6] dans le premier groupe et 2,5 [1,4-4,4] dans le deuxième) ou d’exposition accidentelle (respectivement OR = 2,3 [1,8-3,1] et 2,2 [1,6-2,9]). L’observation d’associations, moins nombreuses et/ou fortes chez les sujets qui n’avaient pas déclaré de dépression à l’inclusion, reste à expliquer. Des erreurs de classement sont possibles mais plutôt entre le premier et le deuxième groupes. Les auteurs postulent ainsi que certains participants n’ont pas déclaré qu’ils étaient toujours déprimés au moment du suivi parce que le questionnaire était administré par téléphone (alors qu’il s’agissait de questionnaires papier à l’entrée). Une causalité inverse (la dépression augmente l’exposition aux pesticides) est concevable, par exemple parce que les sujets déprimés font moins attention à se protéger quand ils manipulent des pesticides. Toutefois, l’utilisation de gants de protection n’était pas inversement associée à la dépression et l’ajustement sur le port de gants n’a pas modifié les résultats. L’utilisation de données d’exposition collectées à l’entrée a pu obscurcir les associations avec des dépressions survenues au cours du suivi, du fait du décalage entre l’évaluation de l’exposition et l’évaluation clinique, surtout pour des insecticides organochlorés dont l’usage a beaucoup diminué.

Laurence Nicolle-Mir

Publication analysée :

Beard J1, Umbach D, Hoppin J, et al. Pesticide exposure and depression among male private pesticides applicators in the Agricultural Health Study. Environ Health Perspect 2014; 122: 984-91.

 

1 Department of Epidemiology, Gillings School of Global Public Health, University of North Carolina at Chapel Hill, États-Unis.

TCHERNOBYL : LES MALADES DE LA THYROÏDE VEULENT EN FINIR AVEC L’OMERTA EN FRANCE

BASTA Mag – 27 avril 2016

Palpitations, agressivité, prise de poids, fatigue constante, problèmes de libido, dépression, fausse couche… De plus en plus de citoyens français se voient diagnostiquer, après un long parcours médical, un problème thyroïdien. L’Association française des malades de la thyroïde mène un long combat pour faire reconnaître le rôle de la catastrophe de Tchernobyl dans l’augmentation de ces pathologies. Après plusieurs échecs judiciaires, 30 ans après la catastrophe nucléaire, l’association vient de publier une bande dessinée pour mettre en lumière la gestion désastreuse en France de l’après-Tchernobyl et l’omerta des autorités publiques sur les risques pour la santé.

 

« Encore un problème de thyroïde ! Vous pouvez dire merci à Tchernobyl. » Nombreux sont les malades de la thyroïde à avoir entendu cette phrase dans le cabinet de leur médecin. Pourtant, officiellement, Tchernobyl n’a eu aucune conséquence sanitaire dans l’Hexagone. En mars 2011, la Cour d’appel prononce un non-lieu dans le procès intenté par l’Association française des malades de la thyroïde (AFMT) contre le Professeur Pierre Pellerin, fondateur et directeur du Service central de protection des rayonnements ionisants, ancien organisme public dépendant du ministère de la Santé [1]. L’AFMT, aux côtés de 51 malades de la thyroïde et de la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (Criirad), accusent les pouvoirs publics d’avoir minimisé l’ampleur de la pollution radioactive liée à la catastrophe de Tchernobyl. Ils estiment que cette pollution est responsable d’une augmentation des maladies thyroïdiennes en France.

Dans son jugement, en 2012, la Cour de Cassation estime qu’ « il est, en l’état des connaissances scientifiques actuelles, impossible d’établir un lien de causalité certain entre les pathologies constatées et les retombées du panache radioactif de Tchernobyl » [2]. Mais les malades ont décidé de ne pas en rester là. Après avoir vu tous leurs recours légaux rejetés [3], l’AFMT vient de publier une bande dessinée – Tchernobyl, le nuage sans fin – dans laquelle elle dévoile certains secrets de l’instruction. L’enjeu pour les malades de la thyroïde : « Cerner comment les responsables politiques ont utilisé leurs pouvoirs pour la défense de l’industrie nucléaire civile et militaire, à tout prix et contre toute vérité ». Un site internet vient compléter et fournir « des références sourcées et indiscutables » aux faits évoqués dans la bande dessinée, extraites « des milliers de pages des dossiers des perquisitions » menées par la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy. Un important travail effectué par l’association, pour tenter d’assembler les pièces de ce gigantesque puzzle et les rendre accessibles à tous.

Omerta sur la carte de la contamination radioactive de l’air

Parmi les sujets abordés dans cette BD, les mensonges sur le « nuage » de Tchernobyl. Suite à l’explosion du réacteur n°4 de la centrale de Tchernobyl en Ukraine, le 26 avril 1986, des rejets radioactifs s’élèvent jusqu’à plusieurs kilomètres d’altitude et donnent naissance au sinistre nuage qui va balayer l’Europe. Quatre jours plus tard, le journal télévisé d’Antenne 2 présente le parcours du nuage, et ajoute un panneau « Stop » à la frontière française !

Les services de Météo France réalisent pourtant des analyses quotidiennes de la situation météorologique de la France après le 26 avril, faisant mention des températures et des précipitations. « Ce dernier critère étant un des plus importants pour ce qui est des retombées radioactives potentielles », souligne le directeur général de Météo France lors de son audition en avril 2002 [4]. Mais ni le SCPRI ni aucun autre organisme ne les sollicitent pour leur demander des prévisions, indique-t-il. Alors que les données de Météo France montrent bien que le nuage a balayé toute la France, le SCPRI demande le 7 mai 1986 à l’ensemble des stations météorologiques de communiquer, « tous les jours jusqu’au lundi 12 mai », sur un « retour à la normale sur l’ensemble du territoire, y compris le Sud-Est » [5].

Des mesures quotidiennes de la contamination radioactive de l’air au niveau du sol sont également transmises par les centrales nucléaires françaises au SCPRI, après le 26 avril [6]. « Mais aucune information n’est transmise au public », déplore l’AFMT. Pour défendre le droit à l’information, la Criirad réalise dans les années 2000 des mesures radiologiques montrant que plusieurs communes de l’Est, de la Corse à l’Alsace, ont des niveaux élevés de contamination durable. En cause : une forte pluviosité lors du passage du nuage« La contamination durable, mesurable dans le sol, est essentielle pour établir la preuve de la contamination », souligne André Paris, géologue et agronome de formation, qui a réalisé bénévolement 3000 mesures de 1998 à 2001 pour étayer son Atlas des contaminations. « Mais la carte de contamination des sols n’est pas la carte de dangerosité de la radioactivité, nuance t-il. Les scénarios de consommation et d’exposition des individus doivent être regardés de très près ».

Aucune préconisation sanitaire après Tchernobyl

Dans les jours qui suivent l’explosion du réacteur, plusieurs pays prennent des mesures de prévention. Les Pays-Bas interdisent la consommation de lait. La Suède, la République fédérale allemande et la Pologne prohibent les fruits et légumes frais. L’Italie interdit la consommation de légumes verts pour les enfants et les femmes enceintes, et distribue de pastilles d’iode. Mais en France, aucune mesure n’est prise. Le directeur du SCPRI affirme, dans son intervention au journal télévisé de TF1 le 29 avril 1986, que l’accident « ne menace personne actuellement, sauf peut-être dans le voisinage immédiat de la centrale ». Des affirmations reprises par les ministères de la Santé, de l’Agriculture, de l’Environnement, de l’Industrie, de l’Intérieur, comme le rappelle cette planche extraite de la BD :

Certains préfets veulent pourtant prendre des mesures. Le 13 mai 1986, le préfet du Haut-Rhin prend un arrêté qui interdit pendant dix jours la mise sur le marché des épinards produits dans le département [7]. Le niveau de contamination de ces épinards atteint les 2600 becquerels (bq) / kg, soit plus de quatre fois le niveau de la norme européenne – celle-ci est fixée à 600 Bq/kg. Mais les résultats sont seulement transmis à la répression des fraudes. Le 23 mai, Charles Pasqua, le ministre de l’Intérieur, adresse un courrier à l’ensemble des préfets. Il souligne notamment que « certaines inquiétudes manifestées par des femmes enceintes pour leur enfant à naitre demeurent totalement injustifiées et sans fondement médical. Aucune modification des habitudes alimentaires des adultes ou des enfants n’est donc souhaitable » [8]. Il n’y aura plus de retrait d’épinards ni d’aucun produit en France à partir de cette date.

Selon les pièces du dossier d’instruction révélées par l’AFMT, c’est toute la chaine alimentaire qui est contaminée. La Direction des services vétérinaires de la Drôme alerte notamment sur la contamination élevée en césium du foin [9], qui pourrait se traduire à terme par le dépassement des limites réglementaires pour le lait et la viande. L’Institut national de recherche agronomique, l’Inra, propose alors une expérimentation consistant à ajouter du chlorure de potassium dans les foins contaminés. Un test autorisé par le préfet de la Drôme à la condition que les résultats d’analyses demeurent confidentiels. « On aurait pu donner l’ordre de maintenir le bétail dans les étables et de le nourrir avec le stock de foin non contaminé, souligne Martial Château, du réseau Sortir du nucléaire. Au lieu de cela, l’État a préféré l’absence de précautions. » Les préoccupations économiques et commerciales prennent le pas sur toute considération sanitaire.

Quels liens entre la pollution radioactive et les cancers de la thyroïde ?

La thyroïde, glande située à la base du cou, fixe l’iode radioactif émis lors d’accidents nucléaires. Le cancer de cette glande était relativement rare il y a 25 à 30 ans. L’InVS, Institut national de veille sanitaire, relève que l’incidence de ce cancer a beaucoup augmenté partout dans le monde, y compris dans l’Hexagone. En 2015, 10 100 nouveaux cas de cancers de la thyroïde ont été diagnostiqués en France [10]. Un médicament, le Lévothyrox, incontournable pour les problèmes de thyroïde, voit ses chiffres de vente exploser. 66 milliards de microgrammes sont aujourd’hui consommés chaque année, selon les données obtenues par l’AFMT. « Un français sur dix, voire un sur huit est tributaire des hormones thyroïdiennes », rappelle l’association. L’InVS reconnaît une augmentation indéniable de ce cancer, mais l’explique par l’amélioration des diagnostics. Et ajoute que cette augmentation est constatée dans des zones non touchées par le nuage radioactif.

Certaines médecins comme le docteur Sophie Fauconnier s’opposent à cette version des faits. « L’Isère, qui bénéficie d’un registre des cancers ancien, enregistre la plus forte augmentation d’incidence des cancers de la thyroïde : 800 % d’augmentation en 20 ans, pour atteindre le niveau le plus haut avec la Corse pour la période 2003-2006 », observe-t-elle. Elle rappelle également la forte augmentation des pathologies thyroïdiennes en Corse. « L’analyse de l’expertise des fichiers du Dr Vellutini, seul endocrinologue en Haute Corse ayant exercé avant et après 1986, révèle une augmentation de 117 % dans la proportion de consultants pour des problèmes thyroïdiens, par rapport aux autres pathologies endocriniennes après 1986. » En clair, le nombre de personnes consultant leur médecin pour des problèmes thyroïdiens a plus que doublé après 1986. « L’absence de registre de cancers dans chaque département rend impossible une étude nationale », déplore Charlotte Mijeon, du réseau Sortir du nucléaire.

Aucun enseignement tiré de Tchernobyl ?

En juillet 2013, une étude italienne [11] fait état d’une forte augmentation en Corse des maladies de la thyroïde, dont des cancers, après le passage du nuage radioactif de Tchernobyl en 1986. Mais cette étude est aussitôt jugée « non concluante » par la ministre de la Santé Marisol Touraine. « On donne l’impression qu’on a tout réglé », dénonce Martial Château, du réseau Sortir du nucléaire : en février 2016, la ministre de l’Écologie Ségolène Royal se dit prête à donner son feu vert pour prolonger la durée de vie des réacteurs nucléaires français de 40 à 50 ans [12].

Au Japon, suite à l’accident de Fukushima en mars 2011, un programme de détection des cancers thyroïdiens par échographie a été mis en place pour la population. « Nous en sommes, en février 2016, à 167 enfants de moins de 18 ans atteints d’un cancer de la thyroïde, ou suspectés de l’être, sur un échantillonnage de 370 000 individus – pour un taux naturel de 1 pour 1 million », précise la sociologue française Cécile Asanuma-Brice, qui vit au Japon (voir son témoignage). Une étude comparative, publiée dans la revue internationale Epidemiology, constate une multiplication par 50 des cancers de la thyroïde chez les moins de 18 ans dans la région de Fukushima. Des faits qui confirment « l’urgence à arrêter des réacteurs », selon Martial Château. « Nous sommes le pays le plus nucléarisé du monde par habitant », rappelle t-il [13]. « Ces non-décisions risquent de nous coûter extrêmement cher. »