« On veut pas la boucler »…

Collectif ariégeois
« On veut pas la boucler »
ON VEUT PAS LA BOUCLER Cliquez ici pour lire tous les témoignages

Extraits :

« Parce que nous ne pouvons pas toujours la boucler.
Parce que nous avons choisi d’être éleveurs en montagne
avec 34 chèvres et 2 boucs.
Nous connaissons chacune de nos bêtes,
leur pis, leur caractère, leur défaut,
leur prénom.
Oui parce que nos bêtes ont un nom,
certaines ont même décidé d’y répondre.
Parce que l’argumentation des autorités
sanitaires ne tient pas la route :
Quand les boucles et bracelets électroniques sont si facilement échangeables et
manipulables,
alors la traçabilité est illusion.
Pour nous, si traçabilité, il doit y avoir,
elle se trouve dans notre bonne conscience et notre conviction à bien produire.
Parce que c’est la dernière chose que l’on
peut nous imposer avant la fin de notre
dignité et par respect pour nos bêtes.
Parce que l’idée du geste nous remue les tripes…
Et pour toutes les autres raisons défendues par nos amis éleveurs, parents, consommateurs.
Nous refusons l’obligation du bouclage électronique de nos bêtes.»
 
Tobias et Pauline

« Base-élèves, livret de compétence, évaluations, révisions, RAS, élève à risque.. C’est la nouvelle poésie de l’école..
Ça sonne bon la prose militaire et la communication d’entreprise…
L’enjeu est de taille, finir de faire de nous ce qu’ils veulent.. De
bons collaborateurs, des techniciens zélés. En promesse, le bonheur
des riches. En coulisses, la guerre. Mais chchch, il faut pas faire
peur aux enfants..
Les enfants, il faut les travailler, les régler, les surveiller.. Évalués,
notés, corrigés, améliorés, fichés.. Et surtout, les adapter le plus tôt
possible aux machines.. Que la technologie soit en eux.. Et pour ça,
faut du rêve, petit, du rêve..
Sur la couverture du cahier de maths, il y a des enfants spationautes
qui filent vers l’espace.. Les livres, ils racontent la vie façon Walt
Disney, le père Noël, le gentil petit randonneur, et autres contes du
pays des blancs où les pauvres et les petits noirs viennent trouver refuge.. Féérie de l’enfance.. Attendrissement volontaire obligatoire..
Et moi, bêtement, malgré moi, j’en ai froid dans le dos..
Moi qui aimerais les voir rentrer de l’école en racontant qu’avec
Mouloud le maçon, ils ont appris les gestes pour bâtir un mur en
pierres et chaux.. Qu’après les lettres et la grammaire, ils ont fait
leur tour des bois pour chercher et reconnaître les arbres, et les
plantes, leurs usages traditionnels et de maintenant.. Que demain,
ils monteront voir Aimé et ses vaches à l’estive, là haut..
J’aimerais qu’ils apprennent à travailler le fer, le bois, la terre, petit
à petit, geste après geste, outil après outil.. Qu’ils développent ces
savoirs de l’œil, de la main, du corps entier, ces connaissances de la
matière, en même temps qu’ils abordent les théories scientifiques..
Qu’ils passent autant de temps avec ceux qui font qu’avec les livres..
Qu’ils fassent par eux-mêmes.. Et qu’ils apprennent à faire
avec la nature autour d’eux, ce qu’elle peut, et peut pas..Et eux,
là-dedans, ce qu’ils peuvent, ou pas, aiment, ou pas..
Qu’aux travaux de calcul, succède l’après-midi au potager, aux ruches, aux bêtes… J’aimerais qu’ils dessinent dehors.. Qu’ils cherchent
tranquillement leurs mots, propres.. Qu’ils trouvent des vérités qui
tiennent debout, pas si loin, pas si abstraites, si on regarde bien..
Que l’histoire arrête sa leçon, et qu’on leur donne nos récits communs, parfois contraires, sur les temps passés, sciences et légendes
à l’appui.. Et qu’on commence par leur raconter la vie de ceux qui,
justement, n’ont pas fait l’Histoire, comme par hasard, ni rois, ni illustres, ni savants.. Ces «pauvres», ces «illettrés» qui ont, siècle après
siècle, ici et partout dans le monde, apprivoisé la matière sans la casser, inventé nos fabrications les plus humaines. Beauté pas machinale,
créée juste là où se rencontrent les éléments, l’homme, la femme, et
tout ce qui vit, ce qui est.. Gens des montagnes, ou ailleurs des mers,
des plaines, des déserts, qui n’ont jamais éliminé d’autres peuples, ni
voulu les réduire en esclavage, ni les racketter, ni se faire des royaumes ou des empires..
Ni voulu tous les ors du monde, tout le pétrole, l’uranium.. Terres rares et
gaz de schiste.
L’électricité pour la télé, les métaux rares pour les portables.. Les terres, les plantes, les animaux, les mers, le Groënland, le
ciel..Tout tout, plus plus.. C’est la chanson des ingénieurs.. Tout tout
tout.. Les ogres sont parmi nous.. Que vont ils trouver sur mars les
petits spationautes ? Mais chchch, il faut laisser rêver les enfants..
J’aimerais qu’à l’école, ils apprennent que, partout dans le monde
existent des maquis contre cette guerre là.. Des maquis touaregs contre la mine française d’uranium.. Des maquis indiens pour garder
leurs forêts et leurs vies.. Des maquis.. Pas des terroristes..
Qu’il y a partout.. Des gens comme nous
Qui veulent vivre à leur manière
Pas se goinfrer.. Pas obéir
Alors oui, je veux continuer à refuser la base-élèves et le livret de
compétences, et les évaluations.
Refuser que nos enfants soient les soldats de leur monde parfait, les
touristes de leur monde de guerres..
Pour que les enfants soient des enfants.. Et nous, des grands.»
Karin de Burge