RIVERAINS VICTIMES DES PESTICIDES, CONNAISSEZ VOS DROITS !

allef-vinicius-ig-seteales-104790-unsplashChaque année de mars à octobre, les épandages des pesticides reprennent et impactent négativement le quotidien de riverains. À l’occasion de la clôture de la Semaine pour les alternatives aux pesticides, Générations Futures met à jour sa
brochure d’information dédiée aux droits des riverains et riverains victimes des pesticides
.

Générations-futures_riverains-et-pesticides
QUELS EFFETS SUR LA SANTÉ ?
L’utilisation et l’exposition aux pesticides ont
des conséquences pour la santé qui ne sont
plus à démontrer. Il est avéré que chez
les professionnels (agriculteurs, salariés de
l’agroalimentaire, etc.), il y a un risque accru de
développer certaines pathologies :
  • 5 fois plus de risques de développement de la maladie de Parkinson
  • 2,6 fois plus pour la maladie d’Alzheimer
  • Un risque accru de lymphome, de leucémie, de cancers du cerveau, du sein, de la prostate et du testicule, de troubles de la fertilité, de malformations génitales, de puberté précoce, de dépression, etc …
QUI EST CONCERNÉ ?
ob_43c622_penetration-pesticidesLes professionnels sont concernés, mais les riverains aussi. Les pesticides épandus à proximité de zones d’habitation contaminent les maisons et les corps.

Tous les renseignements sur la brochure suivante (cliquez sur le lien) :

Brochure d’information dédiée aux droits des riverains et riverains victimes des pesticides.

La maladie de Parkinson d’un ex-employé arboricole reconnue d’origine professionnelle

Le Monde – le 11 mars 2019 :

heather-gill-1348534-unsplash.jpgMarcel Geslin, un ancien employé arboricole mort en 2018 à 74 ans, a obtenu lundi 11 mars la reconnaissance par la justice de l’origine professionnelle de sa maladie de Parkinson. « Ce n’est pas qu’une victoire pour l’honneur. Nous souhaitons qu’elle contribue à faire évoluer la législation sur les maladies professionnelles liées aux produits phytosanitaires, afin que ce qui est arrivé à mon frère n’arrive plus », a commenté Michel Geslin, frère et tuteur de Marcel, qui a mené le combat administratif pour obtenir cette reconnaissance devant le tribunal des affaires de Sécurité sociale (TASS) du Maine-et-Loire.Employé pendant trente-sept ans dans la même entreprise arboricole à Loiré, à l’ouest d’Angers, où il a passé toute sa vie, Marcel Geslin était préposé à l’entretien des vergers, la taille, l’éclaircissage, la cueillette… « Il ne manipulait pas lui-même les produits phytosanitaires. Mais comme tous les employés à l’époque il travaillait dans les rangs pendant et après les traitements », rapporte Michel Geslin.

Apparus en 2008 après son départ en retraite, ses troubles ont été diagnostiqués « de type Alzheimer » avant d’être requalifiés en « maladie de Parkinson » quelques années plus tard, entraînant l’ouverture d’une demande de reconnaissance en maladie professionnelle provoquée par les pesticides.

Aucune donnée statistique publique

« Cette reconnaissance nous a été refusée une première fois en 2017 parce que le certificat initial de son médecin traitant n’avait fait mention que de “troubles de mémoire”. Alors même que la MSA [Mutualité sociale agricole] disposait de tous les avis des spécialistes », regrette Michel Geslin. Un deuxième refus a été opposé à la famille en 2018 pour des questions de délai d’instruction. C’est l’avis du Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Bretagne, où le cas de Marcel Geslin a été délocalisé, qui s’est révélé décisif.

« C’est un cas emblématique car il montre que les organismes de protection sociale agricole, bien que parfaitement informés, préfèrent laisser filer. Pour qui veut faire reconnaître sa maladie, c’est un parcours du combattant », assure Michel Besnard, porte-parole du Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest, lequel revendique 14 reconnaissances auprès des TASS de la région depuis sa création il y a quatre ans.

fancycrave-347292-unsplash.jpgA l’échelle nationale, il n’existe aucune donnée statistique publique sur les maladies professionnelles liées aux produits phytosanitaires. En 2017, Patrice Heurtaut, directeur de la santé et de la sécurité au travail de la MSA avait expliqué qu’elles représentaient « 2 % des maladies professionnelles déclarées au titre du régime agricole ». Phytovictimes, autre association d’aides aux victimes professionnelles, a recensé 429 dossiers depuis sa création, en 2011, dont 92 pour des maladies de Parkinson.

LES PESTICIDES UNE NOUVELLE FOIS MIS EN CAUSE DANS LA MALADIE DE PARKINSON

Le Figaro – le 23/10/2017 :

Une récente étude montre que cette maladie touche davantage les agriculteurs et les riverains des terrains agricoles que le reste de la population.

Quel est le point commun entre les agriculteurs et les riverains des terrains agricoles? Ils ont un risque accru de développer une maladie de Parkinson! Selon deux études récemment publiées par une équipe de chercheurs français, ces personnes ont un risque un peu plus élevé, respectivement de 13% et 8,5% d’être atteintes par cette maladie neurodégénérative. Chez les agriculteurs retraités (60-84 ans), cette différence est encore plus marquée puisqu’ils sont 18% de plus à souffrir de la maladie par rapport aux personnes de leur tranche d’âge. Les scientifiques pointent du doigt l’exposition élevée aux pesticides de ces populations, dont certains sont connus pour leurs propriétés neurotoxiques.

Maladie professionnelle

Depuis 2012, l’exposition aux pesticides est d’ailleurs considérée en France comme un facteur de risque de la maladie de Parkinson. La maladie peut même être reconnue comme une maladie professionnelle des professions agricoles. Pourtant, jusqu’à récemment, aucune étude n’avait encore exploré l’incidence (le nombre de nouveaux cas par an) de cette maladie chez les exploitants agricoles en France. C’est précisément le sujet qu’a choisi d’étudier Sofiane Kab lors de sa thèse de Santé publique et d’épidémiologie.

Son travail, réalisé en collaboration avec des chercheurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), a donné lieu à la publication de deux études dans des revues internationales. Pour parvenir à ces résultats, le jeune chercheur et ses collègues ont comparé les données de la Mutualité sociale agricole – un régime d’assurance maladie spécifique du monde agricole – avec celles des autres régimes de l’assurance maladie.

«Il faut rester prudent car la maladie de Parkinson est multifactorielle, met en garde le Dr Alexis Elbaz, neurologue, épidémiologiste à l’Inserm et directeur de la thèse de Sofiane Kab. Pour le moment, on peut seulement dire que la maladie de Parkinson est un peu plus fréquente chez les agriculteurs, probablement à cause de leur exposition à des hauts niveaux de pesticides. Mais il existe peut-être d’autres facteurs de risque». Les données suggèrent également une possible association, certes moins significative que pour Parkinson, avec la maladie de Charcot (également appelée sclérose latérale amyotrophique).

Le cas de la viticulture

Sofiane Kab et ses collègues sont allés encore plus loin, en se demandant si une exposition non professionnelle à plus faible dose telle qu’elle existe en milieu rural jouait un rôle dans la survenue de Parkinson. «La fréquence de cette maladie est effectivement un peu plus élevée au sein des riverains qui vivent dans les cantons où il y a le plus de terres agricoles, en particulier dans ceux où la proportion de terres agricoles allouées à la viticulture est la plus importante», explique Alexis Elbaz. La viticulture est l’une des cultures qui nécessite le plus de pesticides. «Mais ces résultats demandent à être confirmés par des études plus précises auprès des personnes», poursuit-il. «Et la maladie de Parkinson reste une maladie peu fréquente et l’augmentation de risque observée est faible».

C’est en 1983 qu’un lien entre la maladie de Parkinson et les pesticides a été détecté pour la première fois, de façon totalement fortuite. Cette année-là, la Californie a fait face à une «épidémie» de syndromes parkinsoniens survenue chez de jeunes toxicomanes. Ces derniers avaient tous consommé une drogue frelatée par le MPTP, une neurotoxine qui, en détruisant certains neurones, provoque les symptômes permanents de la maladie de Parkinson . À l’époque, les scientifiques avaient remarqué que la structure du MPTP était très proche de celle d’un herbicide, le paraquat. Par la suite, de nombreuses études internationales ont confirmé l’existence d’un lien entre l’exposition professionnelle aux pesticides et la maladie de Parkinson.

D’autres études s’apprêtent à être lancées par l’Inserm, en collaboration avec Santé Publique France, afin d’identifier les pesticides qui pourraient être à l’origine d’un risque augmenté de maladie de Parkinson.

Sources:

Kab S, Moisan F, Elbaz A. Farming and incidence of motor neuron disease: French nationwide Study . Eur J Neurol. 2017;24(9):1191-5.

Kab S, Spinosi J, Chaperon L, Dugravot A, Singh-Manoux A, Moisan F, Elbaz A.Agricultural activities and the incidence of Parkinson’s disease in the general French population . Eur J Epidemiol 2017;32(3):203-16.

Sofiane Kab. Relation entre les caractéristiques agricoles et deux maladies neurodégénératives, la maladie de Parkinson et la sclérose latérale amyotrophique . Thèse de doctorat de Santé publique et d’épidémiologie.

A voir ou à revoir …

ACTUALISATION…  LE MONDE | :

Michiko Ishimure - minamata - chiso.jpg

L’écrivaine japonaise Michiko Ishimure.

Une grande dame s’est éteinte : Michiko Ishimure, écrivaine qui révéla aux Japonais les souffrances des victimes de la maladie de Minamata (intoxication par le mercure) est morte le 10 février à Kumamoto. Elle avait 90 ans. (She died early Saturday due to acute exacerbation of Parkinson’s disease.) Elle fut la voix des 10 000 personnes qui ont été officiellement atteintes de cette maladie affectant le système nerveux central.

A l’écoute des victimes

Michiko Ishimure rompit cette conspiration du silence qui contribua à contaminer la mer pendant des décennies. Elle ne fut certes pas seule à militer pour que la lumière soit faite et que les victimes soient dédommagées mais, par son empathie pour celles-ci, la trilogie qu’elle publia en 1959, Mer de souffrance, terre de lumière (Paradise in the Sea of Sorrow : Our Minamata Disease, University of Michigan, 2003) eut un retentissement particulier, s’inscrivant dans ce que l’on appellerait aujourd’hui la « narration littéraire documentaire ».

Née le 11 mars 1927 dans le village de Kawaura sur l’île Amakusa, elle avait grandi à Minamata (département de Kumamoto, dans le Kyushu) sur la rive opposée de la mer de Shiranui. Institutrice, elle avait découvert en se rendant à l’hôpital, où avait été hospitalisé son fils, les premiers malades souffrant de cette maladie mystérieuse qui n’épargnait pas les enfants, dont beaucoup naissaient avec des infirmités motrices et cérébrales lourdes. Un faisceau de symptômes (poissons morts, chats pris de spasmes convulsifs…) allait permettre de conclure à un empoisonnement de la mer. La maladie fut reconnue en 1956 mais,

jusqu’en 1968, l’usine chimique Chisso qui déversait du méthyle-mercure dans la mer et l’État, nièrent toute responsabilité.


10 janv. 2013

En 1907, le fondateur de la compagnie Chisso, Jun Noguchi, installe une usine pétrochimique à Minamata, au sud-ouest du Japon. La main-d’œuvre est principalement locale mais les cadres dirigeants sortent des plus hautes universités japonaises. À partir de 1932, cette usine rejette de nombreux résidus de métaux lourds dans la mer dont du mercure. L’oxyde de mercure est utilisé comme catalyseur pour la synthèse de l’acétaldéhyde CH3CHO. Vingt ans plus tard, les premiers symptômes apparaissent (de nombreux problèmes liés au système nerveux, par exemple la perte de motricité) et la première description de la maladie remonte à 1949. À cette époque, on considère l’entreprise Chisso comme un exemple de réussite économique : c’est une des rares entreprises qui ont su continuer à fonctionner durant la guerre.

Suite notamment à la consommation de poissons, on compta près de 900 décès de 1949 à 1965. La firme a par ailleurs reconnu 2 200 malades officiels mais a payé près de 10 000 personnes atteintes pour qu’ils arrêtent les poursuites judiciaires (22 000 dollars chacun). Des mères ne présentant aucun symptôme ont donné naissance à des enfants gravement atteints (malformations plus ou moins lourdes, handicaps divers ou multiples, enfants mort-nés…).

En 1959, le docteur Hajime Hosokawa, employé de la firme Chisso, acquit la certitude, suite à des expériences qu’il mena sur des chats, que les phénomènes observés étaient liés à la pollution par le mercure. On avait, en effet, remarqué que les chats du port devenaient fous jusqu’à se jeter dans la mer pour s’y noyer. Ceci apportait une note apocalyptique au mal qui touchait la ville, mais permit de faire le lien avec la population la plus touchée : les familles de pêcheurs. Les poissons tenaient une part importante dans l’alimentation de ces deux groupes.

Les déversements de mercure continuèrent jusqu’en 1966 où un procédé de synthèse plus économique (et accessoirement moins polluant) fut mis en place. Durant toute cette période (1932-1966), environ 400 tonnes de mercure furent rejetées dans la baie.

À partir de 1977, les boues contaminées furent traitées et stockées.

En 1993, le mariage du prince héritier Naruhito avec la petite-fille de Yutaka Egashira, président de Chisso à l’époque des faits, provoqua une indignation passagère au Japon.

Il fallut attendre 1996 pour que l’État propose un compromis pour indemniser l’ensemble des victimes.

A la date de 2009, 53 ans après le début officiel de la maladie (mai 1956), plus de 13 000 malades ont été reconnus par l’entreprise et l’État :

2 955 personnes reconnues par les comités préfectoraux ;
51 personnes, à l’issue de la décision de la Cour suprême en 2004 ;
10 353, lors du compromis politique de 1995/96.
Mais près de 25 000 sont encore en attente d’une décision :

6 103 attendent une décision du système de reconnaissance ;
17 780 reçoivent un certain suivi médical, mais il ne donne pas droit à une indemnisation et une reconnaissance de jure ;
1 509 sont encore en procès avec l’État.
Et par-delà ce décompte, il reste difficile de savoir exactement combien de personnes ont été touchées.

Il existe, à long terme, une augmentation sensible du nombre de leucémies.

Extrait du documentaire « Les Voies du Chat », 2009 de Myriam Tonelotto, éditions La Bascule

DEUX SALARIÉS DANS L’ENFER DES PESTICIDES

LE MONDE | 23.09.2016

C’est une victoire amère et cher payée. Mais une victoire incontestable.

5002417_7_94d0_portrait-de-laurent-guillou-et-stephane_00b8c10be829a3b16f7e6a9aff9e3227En proposant, jeudi 22 septembre, 101 750 euros d’indemnités à Stéphane Rouxel et 111 190 euros à Laurent Guillou, le tribunal des affaires de Sécurité sociale (TASS) des Côtes-d’Armor reconnaît l’importance du préjudice subi par ces deux ex-salariés de l’entreprise Nutréa – spécialisée dans l’alimentation animale et filiale de la coopérative agricole Triskalia, qui en détient 55 % –, sur le site de Plouisy, près de Guingamp (Côtes-d’Armor).

Cette décision intervient à l’issue d’un marathon judiciaire, l’accident du travail à l’origine du syndrome d’hypersensibilité multiple aux produits chimiques s’étant déroulé en 2009. Elle marque une étape importante dans le dossier des intoxications par les pesticides.

« C’est la première fois que des salariés de l’agroalimentaire, atteints d’hypersensibilité, arrivent à faire reconnaître la “faute inexcusable” de l’employeur et obtiennent l’indemnisation de leur préjudice »,

avance l’avocat des deux hommes, François Lafforgue.

La société Nutréa, précise le TASS, est donc condamnée à rembourser à la Mutualité sociale agricole (MSA) « l’intégralité des conséquences financières imputables à la faute inexcusable de l’employeur », ainsi que les frais de justice des deux victimes.

« Ce sont des lanceurs d’alerte »

Cette décision, si elle ne répond pas aux demandes financières de Stéphane Rouxel et de Laurent Guillou – ils réclamaient 360 000 euros chacun pour leurs souffrances physiques et morales –, est une première. « Ce sont des lanceurs d’alerte, ils défrichent le terrain », souligne Serge Le Quéau, de l’Union syndicale Solidaires-Bretagne, soutien indéfectible depuis le début de l’affaire. « Cette brèche ouverte encouragera d’autres salariés, inquiets de perdre leur emploi, à prendre la parole », se félicite aussi Nadine Lauverjat, de l’association Générations futures.

Derrière le cas devenu emblématique des deux Bretons, « de nombreux cas de Parkinson, de lymphome, de séminome, de maladie pulmonaire, ont touché des salariés agricoles, des paysans ou encore des techniciens d’espaces verts », témoigne le Collectif de soutien aux victimes de pesticides de l’Ouest.

Stéphane Rouxel et Laurent Guillou, âgés respectivement de 50 ans et 46 ans, souffrent de céphalées, de nausées, de diarrhées, d’irritations des voies aériennes ou encore de brûlures cutanées

PESTICIDES : LES RISQUES SUR LES AGRICULTEURS INSUFFISAMMENT ÉVALUÉS

Sud-Ouest – le 28/07/2016

plus-d-un-million-de-professionnels-du-secteur-agricole-sont-potentiellement-exposes-aux-pesticides-en-franceL’exposition des travailleurs agricoles aux pesticides ne peut être évaluée, faute de données suffisantes. 

Les données sur l’exposition des travailleurs agricoles aux pesticides sont insuffisantes pour évaluer les risques encourus et certaines sont même fournies par des organismes ayant un intérêt économique à la vente de ces produits, déplore l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses).

« Les données relatives aux expositions aux pesticides des personnes travaillant dans l’agriculture sont lacunaires et aucune organisation en France n’est en charge de les produire« , regrette l’Anses. L’accès à ces informations est en partie soumis à des exigences de confidentialité « parfois interprétées de façon excessive, empêchant de traiter correctement les enjeux de santé publique », ajoute-t-elle.

Parkinson reconnue comme maladie professionnelle

En 2013, une revue des études publiées réalisée par l’Inserm avait conclu à une « présomption forte » de lien entre la fréquence de certaines maladies (lymphomes non-hodgkiniens, myélomes multiples, maladie de Parkinson) chez certains professionnels (agriculteurs ou fabricants) et la manipulation de pesticides. Depuis 2012, la maladie de Parkinson est même reconnue comme maladie professionnelle chez les agriculteurs.

Un « renforcement des actions » est nécessaire

« Plus d’un million de professionnels du secteur agricole sont potentiellement exposés aux pesticides » en France, l’un des pays européens qui en utilise le plus, rappelle l’agence.

L’agence préconise « le renforcement des actions de conseil et de formation des utilisateurs menées dans un cadre indépendant« . Concernant les équipements de protection des travailleurs agricoles, elle suggère notamment d’évaluer leur efficacité « à l’aide d’études de terrain indépendantes et en conditions réelles« .

PESTICIDES : LE PROCHAIN SCANDALE SANITAIRE

Atteint d'une pathologie du sang, Dominique Marchal est le premier agriculteur dont le cancer a été reconnu maladie professionnelle par la Sécu. Sa demande d'indemnisation a été rejetée par la cour d'appel de Metz

Atteint d’une pathologie du sang, Dominique Marchal est le premier agriculteur dont le cancer a été reconnu maladie professionnelle par la Sécu. Sa demande d’indemnisation a été rejetée par la cour d’appel de Metz
afp

Touchés de plein fouet, les agriculteurs atteints de paraplégies, cancers… participent peu à peu à lever le tabou des pesticides en tentant de faire reconnaître leur pathologie en maladie professionnelle. L’association Phyto-Victimes les accompagne sur ce chemin semé d’embûches face à l’agrochimie.

Les pesticides ? Une nouvelle façon de produire. Le progrès. Le productivisme. Dominique Marchal, comme la plupart des agriculteurs, y a cru dur comme fer. Fraîchement sorti d’une école agricole en 1976, il s’installe en GAEC (groupement agricole d’exploitation en commun) dans une exploitation céréalière et en élevage avec son père et deux de ses oncles, à Serres, en Meurthe-etMoselle. Désherbage, protection insecticide, fongicide…

À lui la tâche des traitements des semis. En 2002, apparaissent les premiers signes du mal. Le nom est donné : le syndrome « myéloprolifératif », une maladie du sang proche du cancer. Bigre, à 44 ans ! « C’est mon épouse qui a entamé les démarches auprès de nos organismes agricoles. Mais les portes se sont toutes fermées », relate l’agriculteur. Pour la Mutuelle sociale agricole (MSA), il fallait faire le lien entre sa maladie et l’utilisation du benzène contenu dans les produits utilisés à la ferme, sans qu’il en soit fait mention sur les étiquettes. Débutent alors de longues années de procédures judiciaires.

Quatre ans plus tard, après confirmation par un toxicologue que plus de la moitié des produits utilisés par Dominique Marchal contenaient bien du benzène, le tribunal des affaires sociales d’Épinal reconnaît la maladie professionnelle. Une première. Une vraie révolution dans le monde agricole. L’affaire est médiatisée. Un céréalier charentais le contacte. C’est Paul François.

« Il voulait connaître les démarches que j’avais effectuées. Il venait d’être intoxiqué par l’herbicide Lasso, de la firme Monsanto, alors qu’il inspectait la cuve d’un pulvérisateur. » Depuis, l’agriculteur souffre de graves problèmes neurologiques et immunologiques. Lui aussi veut faire reconnaître sa maladie. Et lance en parallèle une procédure contre le semencier américain.

En septembre dernier, la cour d’appel de Lyon confirmait la condamnation de Monsanto. Là aussi, c’est une première en France. « Une immense victoire » contre la puissante firme agroalimentaire, « au bout de huit ans de combat, de harcèlement et de souffrance », explique Paul François. Mais Monsanto ne lâche pas l’affaire et se pourvoit en cassation. Quant à Dominique Marchal, lorsqu’il décide de se tourner vers la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI)­ attaquer tous les fabricants étant mission impossible ­, la cour d’ap pel de Metz estime que le lien entre les produits utilisés et sa maladie n’est pas suffisamment établi. Coup de massue. « Il faudra retour ner en cassation. C’est une affaire interminable, épuisante… » Paul François sait aussi que le combat n’est pas terminé. Qu’il sera long, et coûteux.

« IL FAUT INTERDIRE EN PRIORITÉ LES PRODUITS LES PLUS NOCIFS ET VIRER LES LOBBYISTES PRÉSENTS DANS LES MINISTÈRES. » P.FRANÇOIS, PHYTO-VICTIMES

Avec d’autres agriculteurs victimes des pesticides, des avocats, des scientifiques, Paul François crée l’association PhytoVictimes en 2011. Elle entend aider les professionnels à faire reconnaître leurs pathologies et leurs droits en tant que malades des suites d’une exposition aux pesticides. Sans ce réseau, beaucoup d’agriculteurs, souvent isolés, n’oseraient pas entamer des démarches difficiles.

« ON VEUT CULPABILISER LES AGRICULTEURS »

C’est le cas de Laurence Ferrand. Son mari, viticulteur en Charente, est mort il y a quatre ans d’un cancer de la vessie et de la prostate. « Il avait 40 ans lorsqu’il est tombé malade. Un cancer, si jeune, ce n’était pas normal. Les médecins de l’hôpital ont fait le lien avec sa profession et les pesticides qu’il utilisait. Mon beaupère avait entendu parler de l’association PhytoVictimes. Nous l’avons contactée. » Commence le parcours du combattant devant les tribunaux face à une MSA volontairement dans le déni. La reconnaissance sera pourtant obtenue en 2012, quelques mois après le décès de Frédéric Ferrand. « Une chape de silence pesait sur le monde agricole qui se dissipe peu à peu, constate maître François Lafforgue, l’avocat de PhytoVictimes. Les agriculteurs prennent conscience qu’ils sont les premières victimes. Le système leur laissait penser qu’ils allaient sauver la planète en utilisant des pesticides, en produisant plus. Aujourd’hui, ils se sentent dupés, floués par les fabricants. » Actuellement, l’association prend en charge 250 dossiers de demande de reconnaissance en maladie professionnelle. Elle répond à deux ou trois appels quotidiens. « Le tabou se lève peu à peu », reconnaît lui aussi Paul François. Car l’histoire est complexe.

Depuis des décennies, les fabricants de produits phytosanitaires promettent à grand renfort de publicité aux agriculteurs des lendemains qui chantent. Performance, tranquillité, sécurité riment avec épandage de pesticides. Pendant longtemps, rien n’indiquait, sur les bidons utilisés, la dangerosité des produits. Pendant longtemps, les agriculteurs ont versé à mains nues des pesticides dans leur cuve, ont déambulé en plein épandage sans masque ni combinaison. Aujourd’hui, l’Union de l’industrie de la protection des plantes, l’UIPP, le lobby des fabricants de pesticides, renvoie les agriculteurs victimes aux précautions qu’il fallait prendre pour manipuler ces produits… « On continue de rendre coupables les agriculteurs, tempête Paul François. Et certains préfèrent cacher leur maladie plutôt que d’être stigmatisés. Moi-même, j’ai fait la promotion de la chimie. C’était le contexte qui voulait ça. Il faut accepter de s’être trompé, que cette erreur a eu des conséquences sur votre santé, celle de vos enfants, celle de vos voisins…

POUR LA MISE EN PLACE D’UN FONDS D’INDEMNISATION

C’est d’une grande violence. » Dominique Marchal témoigne de ces agriculteurs épandant sans masque lorsqu’ils s’approchent des lotissements, de peur d’effrayer les riverains s’ils arborent une tenue de cosmonaute et de se faire traiter d’empoisonneurs. « Aujourd’hui, reprend l’agriculteur, les firmes se protègent avec quantité de pictogrammes sur tous les bidons. Mais lorsque votre médecin vous prescrit un médicament, vous lui faites confiance. Vous n’allez pas lire la notice. » Et puis, rétorque Paul François, « quel agriculteur a les moyens d’appliquer vraiment toutes les préconisations ? » Des dizaines d’études épidémiologiques menées sur toute la planète prouvent que les utilisateurs de pesticides sont plus souvent atteints par certains cancers (estomac, prostate, vessie, cerveau, lèvres, lymphomes, leucémie, sein…) que la population générale. Une étude française montre que chez des agriculteurs hommes, le risque de développer la maladie de Parkinson est multiplié par 5,6 et celui de contracter la maladie d’Alzheimer par 2,4 par rapport à des groupes non exposés.

RAPPORTÉ À L’HECTARE CULTIVÉ, LA FRANCE EST LE PAYS EUROPÉEN LE PLUS GOURMAND EN PESTICIDES.

Le rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) sur « l’exposition aux pesticides des personnes travaillant dans l’agriculture », qui devrait être rendu public par le ministère de l’Agriculture ce 1er juin, devrait confirmer une réalité inquiétante. Or, dans une interview accordée à « Libération », en 2011, Jean-Charles Bocquet, directeur de l’UIPP affirmait : « On ne s’empoisonne pas aujourd’hui avec les pesticides. » En mars 2015, cinq nouveaux pesticides étaient pourtant classés cancérogènes « probables » ou « possibles » pour l’homme par l’agence du cancer de l’Organisation mondiale de la santé. L’herbicide glyphosate, l’un des plus utilisés dans le monde, et les insecticides malathion et diazinon sont parmi les « probables » et les insecticides tétrachlorvinphos et parathion dans les « possibles ». Phyto-Victimes l’affirme et le revendique: aujourd’hui, il est possible de classer les produits les plus dangereux. Il faut les interdire en priorité et les remplacer par des solutions naturelles. « Un jour, le gouvernement devra bien arrêter de faire le jeu des firmes de l’agrochimie et virer tous les lobbyistes présents dans les ministères », insiste Paul François. L’agriculteur qui tente progressivement de convertir son exploitation en bio ne décolère pas contre le syndicat FNSEA, qui défend « un système basé sur l’agroalimentaire et l’agrochimie et non sur une agriculture durable ».

Il serait pourtant grand temps de changer de pratiques. Au troisième rang derrière les États-Unis et le Japon, la France représente le pays européen le plus gourmand en pesticides rapporté à l’hectare cultivé. Pire. Malgré les engagements du « Grenelle de l’environnement » de 2008 et du plan Écophyto qui prévoyait une baisse de moitié du recours aux produits phytosanitaires en dix ans, les gouvernements n’ont pas réussi à faire baisser l’usage des pesticides en France. Au contraire.

Les dernières statistiques, publiées le 8 mars par le ministère de l’Agriculture, témoignent d’une nouvelle hausse de l’usage des phytosanitaires : 2014 enregistre une croissance de 9,4 % par rapport à l’année précédente, ayant elle-même connu une augmentation de 9 % par rapport à la précédente…

Pour l’heure, l’association PhytoVictimes réclame la mise en place d’un fonds d’indemnisation pour les victimes des pesticides, comme cela a été fait pour les victimes de l’amiante ou des essais nucléaires. « Nous retrouvons des similitudes avec l’amiante, constate maître Lafforgue : des périodes de latence importantes entre l’exposition et la survenance des pathologies, une désinformation organisée par les fabricants à travers un lobby, une dangerosité des produits masquée, l’absence d’informations sur les mesures de protection à prendre… » Les pesticides, scandale sanitaire des prochaines années ? C’est à craindre.

10 ANS DE MOINS D’ESPÉRANCE DE VIE POUR LES DOCKERS D’AUJOURD’HUI

En première ligne des victimes de pesticides, les agriculteurs et les salariés agricoles. Mais pas seulement. L’exposition concerne aussi les salariés de l’agroalimentaire, ceux œuvrant dans les usines de traitement du bois ou encore des milliers de travailleurs ­ dockers, douaniers, déclarants en douane, magasiniers, chauffeurs routiers, logisticiens ­ qui ouvrent au quotidien des conteneurs et y pénètrent pour des contrôles ou de la manutention. Une étude publiée par des chercheurs allemands et néerlandais montrait, en 2008, que 97 % des conteneurs testés au débarquement dans les ports de Hambourg et de Rotterdam présentaient des traces de gaz toxiques. Dans 30 % des cas, les concentrations étaient supérieures aux normes de sécurité. En mars 2011, un docker du port de Nantes, atteint d’un cancer du rein, prend conscience que beaucoup de ses collègues sont malades. Sur 140 contactés, 87 ont contracté des maladies, dont plus de 80 % de cancers. 35 sont morts. À Saint-Nazaire, sur 160 dockers, 43 sont tombés malades et 17 sont morts. Des cancers similaires à ceux des agriculteurs. Fongicides et pesticides régulièrement utilisés sur les denrées alimentaires ou végétales exposent gravement les travailleurs du port. Les dockers d’aujourd’hui ont une espérance de vie de 10 à 12 ans inférieure à ceux des générations précédentes. Effarant.

PESTICIDES, ALLIÉS DE L ‘AGRICULTURE INTENSIVE

Si l’usage du soufre remonte à la Grèce antique, il faudra attendre 1913 pour que la chimie débarque dans nos champs avec les premiers engrais azotés. Et, en 1948, avec l’adoption du plan Marshall par la France, l’avenir est au progrès made in America. Tout s’accélère. Les États-Unis débarquent avec leurs tracteurs et leurs nouvelles molécules. Car à la sortie de la guerre, l’industrie se retrouve avec d’énormes stocks de produits qui étaient censés « tuer les ennemis ». L’agriculture lui rachète ces pesticides. L’agriculture intensive et industrielle était née, toujours plus avide d’engrais chimiques et d’intrants. Tant et si bien que la France se place aujourd’hui au premier rang des consommateurs de pesticides en Europe. Grandes exploitations céréalières, producteurs d’oléagineux et viticulteurs en sont les premiers utilisateurs.