ABATTOIRS : LA SOUFFRANCE ANIMALE N’EST PAS ACCEPTABLE !

Sud-Ouest – le 18/11/2019 :

Des passages de la vidéo de L214 d’une durée totale de 2 h 30 ont été diffusés pendant le procès.

Des passages de la vidéo de L214 d’une durée totale de 2 h 30 ont été diffusés pendant le procès. Crédit photo : PHOTO CAPTURE D’ÉCRAN L214

L’association animaliste L214 a été condamnée ce lundi pour avoir placé des caméras dans l’abattoir de Mauléon en mars 2016. Des images qui avaient conduit à la condamnation de l’établissement pour « mauvais traitements aux animaux ». Retour sur la chronologie de l’affaire

Association L214, communiqué de Presse :

L214 condamnée pour avoir permis de filmer les conditions d’abattage à Mauléon-Licharre. L214 fait appel de cette décision

Le tribunal correctionnel de Pau a rendu aujourd’hui sa décision concernant les poursuites à l’encontre de l’association L214 pour atteinte à l’intimité de la vie privée de salariés, suite à la diffusion des conditions de mise à mort des animaux dans l’abattoir de Mauléon-Licharre en 2016. Les juges ont relaxé L214 pour la diffusion des images mais l’ont condamnée à 5 000 euros d’amende

pour complicité d’atteinte à l’intimité de la vie privée.

Le tribunal a également condamné l’association à verser 1 500 € à chacun des trois salariés de l’abattoir. L’association fera appel de cette décision.

L’objectif de L214 est de dénoncer un système qui met à mort 3 millions d’animaux chaque jour dans les abattoirs. Sa volonté est – et a toujours été – de dénoncer un système et non des personnes.

Pourtant, dans son travail d’information, L214 est confrontée à un problème : comment montrer la réalité des pratiques routinières d’un abattoir sans que des personnels des établissements n’apparaissent sur les images ? C’est mission impossible.
Soucieuse de préserver autant que possible les personnes, pour chaque enquête, L214 est attentive à flouter les visages, à accompagner les images avec pédagogie et mesure : faire prendre conscience de l’horreur que nous faisons subir aux animaux, démontrer que cette violence est institutionnalisée et que les ouvriers présents sur les images ne sont que des rouages d’une machine réglée à 2 400 mises à mort à la minute.
Si les salariés doivent répondre de leurs actes devant la justice, L214 s’est toujours attachée à faire peser la responsabilité sur nos choix de société ou sur des dysfonctionnements qui incombent le plus souvent aux abattoirs et aux services de l’État.

Les images récupérées par L214 avaient permis au tribunal de Pau de condamner en octobre 2018 l’abattoir de Mauléon-Licharre et son ancien directeur pour délit de tromperie sur la qualité du produit, abattage sans équipement conforme et abattage sans personnel qualifié, ainsi que quatre de ses employés pour mauvais traitements sur les animaux. Ces images avaient également conduit à la création d’une commission d’enquête parlementaire sur les abattoirs à l’Assemblée nationale et avaient poussé l’ex-ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll à ordonner des inspections dans tous les abattoirs de boucherie en France. Cet audit avait révélé que

80 % des chaînes d’abattage présentaient des non-conformités.

Pour Brigitte Gothière, cofondatrice et porte-parole de l’association : « Cette décision nous semble profondément injuste : l’intention de l’association n’a jamais été de stigmatiser les salariés mais bien de défendre les animaux. Si nous pouvions informer et faire prendre conscience de l’horreur qui se déroule derrière les murs des abattoirs autrement qu’en filmant clandestinement, évidemment, nous le ferions. D’ailleurs, nous préférerions sincèrement ne rien avoir à filmer ! Mais il faut se rendre à l’évidence : jusqu’à présent, seules les images ont permis de mettre en lumière la violence inouïe qui se déroule quotidiennement dans les abattoirs.Cette violence touche également les salariés chargés de faire le sale boulotpour une société prompte à les tenir responsables afin de mieux s’affranchir de ses propres responsabilités.

Pour mettre fin à ce système injuste, cruel, effroyable pour les animaux et les humains et désastreux pour l’environnement, nous continuerons de divulguer ce que les industries agroalimentaires cherchent à nous cacher. »

AGNEAUX DE PÂQUES OU QUAND LA TRADITION ENGENDRE UNE INÉVITABLE SOUFFRANCE

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Les brebis pleurent pendant plusieurs jours la perte de leur petit

Chaque année, les fêtes juives, chrétiennes et musulmanes génèrent l’exécution en masse d’ovins au nom de la religion, de la culture ou de la tradition. Pourtant, la souffrance, la violence et le sang sont à l’opposé des messages de joie, de paix et d’amour que portent Pessah pour les juifs, Pâques pour les chrétiens et l’Aïd el-Kebir pour les musulmans. (One Voice)

Des millions d’agneaux sont tués à travers le monde pour des pratiques qui sont devenus plus commerciales que croyances. (…)

Des convois de milliers d’agneaux vont affluer en quelques jours vers les établissements d’abattage, et c’est là que tout dérapera inexorablement cette année encore : la réalité de ce qui va être demandé aux abattoirs est matériellement et humainement impossible.

Et pourtant, ce constat est loin d’être nouveau mais malheureusement, il se perpétue chaque année à Pâques : à vouloir satisfaire à tout prix une demande commerciale, beaucoup trop d’abattoirs vont fermer les yeux sur leur incapacité à absorber ce flux d’animaux à tuer dans des délais incompressibles, et par conséquent fermer les yeux sur les manquements graves qu’ils vont une nouvelle fois cautionner… (…)

-Des contrôles défaillants lors d’une période que nous savons extrêmement critique

(…) Carence des contrôles vétérinaires de manière générale, mais plus encore lors de périodes clairement identifiées comme critiques : Noël, Pâques, vacances d’été.
De cadences déjà trop élevées en temps normal, nous passons lors de ces pics d’activité à des cadences démentielles : c’est tout simplement inimaginable.

Cette insuffisance de la part des services de l’État engendre une situation que nous savons aujourd’hui dramatique pour ces millions d’agneaux. Mais on continue… (…)

Les agences d’intérim recrutent à tour de bras du personnel pour faire face à cette demande massive en provenance des abatteurs. Et comme toujours, faute de candidats expérimentés et formés, on se contentera d’un personnel inexpérimenté qui, bon gré malgré, sera formé « sur le tas ». Mais le tas c’est quoi ? Ce sont des agneaux…  (…)

-Un système n’engendrant que de la souffrance :

souffrance des hommes, souffrance des animaux, souffrance de nos concitoyens. Car oui, tout le monde souffre dans cette mécanique en théorie bien huilée. L’Industrialisation de la mise à mort que nous nous efforçons de solutionner en proposant des alternatives souhaitables se porte au mieux, rentabilité oblige.

Face à cela, nous sommes en droit de nous demander tout simplement : est-ce une fatalité ? Est-ce une fatalité que d’imposer un système tayloriste aux hommes, aux animaux et par prolongement, aux consommateurs ? Peut-on sacrifier des valeurs, l’éthique, sur l’autel de la rentabilité économique ? Il semblerait que oui, au moins pour certains…

Dans cette industrie opaque, la souffrance des hommes et des animaux résulte de facteurs complémentaires : l’absence de contrôles et de sanctions efficaces, la disparition de la capacité d’indignation devant des tâches quotidiennes devenues banales,  l’absence de transparence de la part des abattoirs, un matériel trop souvent défaillant, des locaux vétustes et non conçus pour accueillir un tel flux d’animaux, l’impossibilité pour les employés d’exercer un droit de retrait sous peine d’être licenciés etc. Et tout au bout de cette chaine opaque, il y a le consommateur final. Celui qui va cautionner ou non une industrie, un système, un mécanisme, des faits. (…)

Un « sacrifice religieux » a-t-il encore du sens lorsqu’il devient industrialisé ?

Nécessairement, la question des traditions religieuses et des sacrifices d’animaux qu’elle engendre au XXIe siècle s’impose à nous. (…)

Dans ces systèmes d’abattage industrialisés, cette logique n’existe pas : la mort n’est rien de plus qu’une étape industrielle où l’animal perd soudainement sa dimension d’être sensible.  (…)

Au cœur de cette industrie, nous sommes très éloignés d’une quelconque forme de religiosité. Et pourtant, une majorité des consommateurs justifient encore leur acte d’achat en le rattachant à une forme de spiritualité, quelle que soit d’ailleurs la religion.
Justification ? Absence de compassion ? Volonté de ne pas assumer la réalité en face ? Chacun est en droit de se faire sa propre opinion mais cette question sociétale sera centrale dans les années à venir car le rapport aux animaux qui nous nourrissent évolue profondément.

Un système industriel qui anéantit le travail des petits éleveurs

Beaucoup présentent de manière unilatérale les éleveurs comme complices de ce système industriel. Et pourtant, certains le refusent, certains ne souhaitent plus que la fin de vie de leurs animaux se termine dans les abattoirs. Ils nous le disent avec leurs mots : non, la mort de leurs animaux ne doit plus être un acte dénué de sens moral.

Alors pour ceux-là qui souhaitent que ce passage soit le plus digne possible, il n’existe pas de solution puisque les abattoirs mobiles sont interdits en France. Abattre à la ferme c’est aujourd’hui s’exposer à de lourdes sanctions financières et pénales.

Des témoignages que nous avons pu collecter attestent du désarroi de bon nombre d’entre eux : abandonner les agneaux, les chevreaux à l’abattoir, c’est accepter de les voir stockés dans des caisses par centaines dans l’attente de l’abattage.

D’autres nous exposent le stress et l’angoisse de leurs agneaux, car selon la configuration des lieux, de trop nombreux animaux peuvent voir ce qu’il se passe pour leurs congénères et anticiper ce qui va leur arriver. (…)

Ces dérives sont identifiées, clairement évitables, mais le système telle une véritable « machine à broyer » poursuit inlassablement son objectif de rentabilité.
Nous sommes en droit de nous demander qui, à part les défenseurs de la cause animale, se souciera des conditions dans lesquelles a été abattu l’agneau de Pâques ?

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Nous voulons des caméras dans les abattoirs et des personnes indépendantes pour les visionner

ANIMAL CROSS – Pétition – le 14 mars 2018 :

PÉTITION ANIMAL CROSS   –   Stop à la souffrance animale

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Le 9 avril prochain, la proposition de loi Falorni qui obligeait les abattoirs à installer des caméras et qui a été abandonnée dans le projet de loi agricole issu des Etats généraux de l’alimentation va de nouveau être soumise aux parlementaires.

Soutenons MASSIVEMENT cette proposition de loi en signant cette pétition et DEMANDONS D’Y ADJOINDRE UN PLUS VITE L’ACCÈS AUX VIDÉOS PAR DES PERSONNES INDÉPENDANTES QUI NE SOIENT NI DES PERSONNES IMPLIQUÉES DANS L’ABATTOIR, NI LES SERVICES DE L’ÉTAT.

PÉTITION ANIMAL CROSS – CLIQUEZ ICI pour signer


ABATTOIR SUISSE.jpgAUTRE PÉTITION : L’association suisse romande PEA dévoile une nouvelle enquête vidéo tournée dans un abattoir suisse romand. Animaux traînés de force, tentant désespérément de s’enfuir, brutalisés, tués devant les yeux de leurs congénères, étourdissements ratés, veau égorgé conscient… Ces images révèlent la souffrance injustifiable que cachent les murs des abattoirs suisses. Pas vraiment mieux que chez nous…

CLIQUEZ ICI pour signer cette autre pétition

SOUFFRANCE ANIMALE (et autres mesures du projet de loi agroalimentaire)

LE MONDE ECONOMIE | :

  • Bien-être animal

db8d55b_2319-1pp7oev.rztv.jpgLe texte donne l’autorisation aux associations de défense des animaux de se constituer partie civile. De plus, le délit de maltraitance est étendu aux entreprises de transport d’animaux vivants et aux abattoirs. Les sanctions sont doublées et passent à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. Enfin, les personnes qui dénoncent des mauvais traitements peuvent bénéficier des dispositions relatives aux lanceurs d’alerte.

Toutefois, l’installation de la vidéosurveillance dans les abattoirs, promise par le précédent gouvernement et jamais mise en application, n’est pas retenue.

  • Usage des produits phytosanitaires

La loi souhaite éviter toute incitation commerciale pouvant conduire à l’utilisation inappropriée des produits phytosanitaires. Les rabais, remises et ristournes seront donc interdits dans les contrats de vente (sauf pour les produits de biocontrôle), sous peine d’une amende pouvant atteindre 75 000 euros. Elle donne au gouvernement la possibilité de légiférer par ordonnance, dans un délai de six mois, afin de séparer l’activité de conseil et de vente des produits phytosanitaires. Une séparation capitalistique des deux activités sera imposée. Le dispositif de certificat d’économie de produits phytosanitaires mis en place par le précédent gouvernement sera pérennisé, avec un nouveau calendrier.

  • Restauration collective et gaspillage

Le texte évoque l’amélioration de la qualité des repas dans la restauration collective. L’objectif politique annoncé est d’atteindre 50 % de produits bio, locaux ou sous signe de qualité d’ici à 2022. Un objectif qui ne sera pas inscrit dans la loi, mais fixé par décret en Conseil d’Etat. La notion de produits locaux n’existant pas dans le code des marchés publics, elle est remplacée par celle du coût du cycle de vie. (…)


 

LE CONSEIL D’ÉTAT ANNULE UN ARRÊTÉ INTERDISANT LA REPRODUCTION DES DAUPHINS EN CAPTIVITÉ

seaworld-show-dolphins.jpgLa plus haute juridiction administrative française, le Conseil d’État, a annulé ce lundi un arrêté ministériel interdisant la reproduction des dauphins en captivité, comme le demandaient trois parcs marins dont le Marineland d’Antibes, sur la riviera française. Le conseil d’État a jugé que l’arrêté signé en mai par l’ex-ministre socialiste de l’Environnement Ségolène Royal avait « été pris au terme d’une procédure irrégulière ».

(…) Le Conseil d’État a relevé que lors des premières consultations, du conseil national de la protection de la nature notamment, « l’interdiction ne s’appliquait qu’aux orques » et avait ensuite été élargie à tous les grands dauphins, sans nouvelle consultation.

Pour l’instance, la version du texte « finalement adoptée constituait une question nouvelle » et aurait dû faire l’objet de nouvelles consultations. Le Conseil d’État relève que l’interdiction « menace la pérennité » des parcs animaliers et juge, « compte tenu de l’importance et de l’ampleur des changements apportés au projet soumis à la consultation du public », que « les modifications apportées à l’arrêté dénaturent le projet soumis à consultation publique« . « Une nouvelle consultation était donc requise », conclut la plus haute juridiction administrative.


Sud-Ouest – le

TOROS : FRANCE ET ESPAGNE S’UNISSENT

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André Viard, Yves Ugalde (à g.) et Olivier Baratchart (à d.) avec leurs homologues espagnols à Madrid. photo dr

L’Union des villes taurines de France et son homologue espagnole se sont réunis à Madrid pour renforcer la culture taurine

Une volonté politique partagée

L’Union des villes taurines de France (UVTF) actuellement présidée par le Bayonnais Yves Ugalde et l’Observatoire national des cultures taurines (ONCT) présidé par André Viard

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Signez ici la PÉTITION POUR L’ABOLITION DEFINITIVE DE LA CORRIDA en France

SOUFFRANCE ANIMALE : «L’objectif n’est pas d’éviter de la douleur à l’animal, mais de sécuriser le travail du tueur»

Libération – le 16 mai 2016 :

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Les vidéos insoutenables diffusées par l’association L214 ont ravivé l’indignation face à la souffrance faite aux animaux. Un ex-inspecteur des services vétérinaires livre son expérience dans les abattoirs, qui l’a conduit à abandonner ce métier.

Des abattoirs où on ne laisse même pas à l’animal le temps de mourir avant de le découper, où on lui inflige d’ultimes blessures pour soi-disant l’anesthésier, où les procédés sont pensés pour protéger le «produit» mais jamais pour éviter la souffrance… Martial Albar, 43 ans, a travaillé plus de douze ans dans cet univers. Aujourd’hui consultant en sécurité alimentaire, il raconte la routinière mise à mort des animaux.

Vous avez travaillé dans de nombreux abattoirs en tant que technicien supérieur. Quelles étaient vos missions ?

Entre 2 500 et 3 000 agents du ministère de l’Agriculture travaillent dans les abattoirs, ainsi que 500 inspecteurs de la santé publique vétérinaire. Les agents sont des contrôleurs sanitaires ou des techniciens supérieurs spécialisés. Leur rôle est essentiellement d’ordre sanitaire et consiste à inspecter les carcasses et les organes des animaux qui viennent d’être abattus en vue de déclarer les viandes propres ou impropres à la consommation. Seuls ces agents de l’État peuvent procéder à la saisie vétérinaire quand la viande est impropre à la consommation. Les contrôles, l’estampillage sur chaque carcasse, absorbent les trois quarts du temps.

Les vidéos diffusées par l’association L214 semblent montrer que l’étourdissement des animaux fonctionne mal. Comment cette étape se déroule-t-elle concrètement ?

Certains abattoirs utilisent des caissons de CO2 qui asphyxient les cochons. Mais généralement, pour eux comme pour les moutons et les chèvres, on utilise l’électronarcose. Deux pinces mécaniques sont appliquées par un opérateur sur les tempes des agneaux, des moutons, des chevreaux ou des chèvres, et envoient une décharge électrique à l’animal. Pour les cochons, c’est le même système, mais automatique : une pince mécanique vient leur serrer la tête et envoie l’électricité.

Il n’y a pas à ma connaissance d’étude sur la perte de sensibilité à la douleur qu’induit l’électronarcose. Autrement dit, rien ne prouve que l’animal ne ressent pas ce qui se passe ensuite. Ce système d’étourdissement, comme les autres procédés, est avant tout utilisé afin de favoriser le travail de l’homme pour la mise à mort car après avoir reçu la décharge, l’animal tombe à plat, inerte.

Comment se déroule cette mise à mort ?

Après avoir reçu le choc électrique, l’animal est suspendu par une patte arrière sur la chaîne d’abattage qui le transporte jusqu’au poste de saignée. Dans tous les abattoirs que j’ai connus, presque systématiquement, les animaux reprennent conscience avant d’être saignés car trop de temps s’est écoulé depuis le choc électrique. L’électronarcose, ce procédé franchement archaïque, provoque ainsi une souffrance supplémentaire et inutile à l’animal avant d’être tué…

Qu’en est-il pour les vaches et les veaux ?

On leur applique sur le front un pistolet à tige perforante qui perce l’os frontal et leur cerveau. C’est le seul procédé, peu coûteux et pratique, qui est utilisé pour faire tomber un animal de 800 kg. Car là encore, le but recherché n’est pas d’anesthésier l’animal, mais bien de l’immobiliser. Parler d’anesthésie est un pur mensonge, une tromperie. L’objectif n’est pas d’éviter de la douleur à l’animal, mais de ne pas abîmer le «produit» et de sécuriser le travail du tueur. D’ailleurs, dans de nombreux abattoirs, du courant électrique est appliqué à l’aide de pinces sur les lèvres des bovins au moment de la saignée : ce choc les tétanise, limite le mouvement des pattes et permet donc d’éviter des accidents.

Comment se déroule la saignée ?

Cette opération consiste à trancher les carotides et les jugulaires pour que l’animal perde son sang. Les cochons sont saignés différemment : on ne laisse pas couler leur sang, on le pompe. On leur enfonce un trocart dans la gorge pour récupérer le sang qui servira à faire du boudin, des saucisses pour les hot-dogs ou même des produits cosmétiques. Ensuite, le cochon est échaudé : il est trempé dans l’eau bouillante pour préparer le brûlage des poils. Pour les bovins, le tueur ouvre souvent complètement la gorge pour accélérer la perte de sang avant d’enlever le «masque», c’est-à-dire la peau de la tête de la vache. Ensuite on lui sectionne les extrémités des deux pattes avant. J’ai vu des vaches encore vivantes et donc parfaitement sensibles à ce stade-là.

Et après la saignée ?

Dans tous les cas, la mort met du temps à venir. Le tueur est censé attendre que cette mort arrive avant de continuer à «travailler le produit», mais ce n’est pas du tout ce qui se passe. J’ai vu des cochons encore conscients quand ils entraient dans l’échaudeuse, le bain d’eau bouillante. Pareil pour les chèvres et les chevreaux, les agneaux et les moutons : après la saignée, on leur sectionne les quatre avant-pattes pour commencer à retirer leur peau, et bien souvent, quand l’opérateur attaque ça, l’animal n’est pas complètement mort.

Que faudrait-il faire selon vous pour éviter ces agonies ?

Sectionner la moelle épinière au niveau des premières vertèbres cervicales. Cela entraînerait une insensibilité totale de l’animal et permettrait une mise à mort par saignée sans souffrance. Mais en 2016, en France, on n’est toujours pas capables de tuer des animaux sans les faire souffrir.

Comment se déroule un abattage rituel par rapport à la procédure classique ?

Généralement, les moutons sont suspendus par une patte arrière et égorgés en pleine conscience. Les vaches et les veaux sont quant à eux placés dans des dispositifs mécaniques de contention, des sortes de cages rotatives qui se referment sur eux et se retournent. L’animal se retrouve les pattes en l’air, la tête enserrée dans un système qui fait tendre son cou. Le sacrificateur tranche profondément sa gorge, puis le piège se retourne à nouveau, l’animal tombe, parfois il tente de se relever, alors que sa tête ne tient plus que par la colonne vertébrale, avec des projections de plusieurs mètres… Ces scènes dépassent l’entendement.

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué durant ces années de travail dans cet univers ?

Les agneaux. Avant d’être abattus, quand ils sont parqués, ils pleurent comme des bébés. On se croirait dans une crèche. Et quand on s’approche d’eux, ils veulent téter nos doigts parce qu’ils ont faim… C’est une pure horreur. Comme ils sont petits et qu’ils se manipulent facilement, il est fréquent que les opérateurs leur fracassent la tête pour aller plus vite, ou bien ne les électrocutent pas, comme on l’a vu dans une des vidéos diffusées par l’association L214. Je repense aussi à un cochon arrivé moribond dans un abattoir. J’ai appelé un saigneur pour l’égorger sur place, à l’extérieur, mais l’animal était tellement faible que son sang ne s’écoulait pas. Il a mis dix minutes à mourir.

Les vétérinaires présents dans les abattoirs ne sont-ils pas censés veiller au «bien-être» animal ?

Les vétérinaires sanitaires contractuels (des libéraux mandatés par l’État) et les inspecteurs de la santé publique vétérinaire assistent peu à la mise à mort des animaux et n’ont pas envie d’embêter les abattoirs avec des questions de souffrance animale. Parfois même, ils ne viennent que l’après-midi, lorsque les abattages sont terminés, comme je l’ai vu à Megève, en Haute-Savoie. Dans les abattoirs, ceux qui commencent à s’émouvoir sont très vite mis à l’index, même par leurs propres collègues. On se moque de leur sensiblerie. Car c’est un milieu viril, hein, pas le monde des Bisounours, comme ils disent… J’ai entendu fréquemment ces réflexions : «De toute façon, ils sont là pour mourir»… Personnellement, j’ai démissionné en 2012 après une douzaine d’années passées dans ce milieu. Pourtant, j’étais fonctionnaire d’État, j’avais la sécurité de l’emploi, je n’avais qu’à attendre la retraite…

Les cadences imposées au personnel expliquent-elles en partie toute cette souffrance animale ?

Les cadences sont en effet élevées : par exemple, un bovin était abattu toutes les trois minutes à Bonneville, l’un des sites où j’ai travaillé… En Bretagne, dans certains grands établissements, un porc est abattu toutes les six secondes ! Pourtant, les cadences sont loin de tout expliquer. Même si les métiers dans un abattoir restent durs, depuis vingt ans les conditions de travail se sont beaucoup améliorées, les étapes se sont mécanisées, les salariés sont davantage protégés, moins mis à l’épreuve. En revanche, rien n’a bougé pour les animaux. Rien n’est pensé pour leur éviter de souffrir.

Mais ni les éleveurs ni les consommateurs ne veulent voir l’horreur, et au final, nous sommes tous complices de cette barbarie.

EN SUÈDE, UN ABATTOIR MOBILE POUR ÉVITER LA SOUFFRANCE ANIMALE

Reporterre – le 8 juin 2016  :

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En France, les scandales dans les abattoirs ont provoqué une réflexion et une mission d’enquête parlementaire a été lancée. Elle pourrait s’inspirer d’une expérience suédoise : une entreprise y pratique l’abattage à la ferme, érigeant la viande « éthique » et sans souffrance en modèle économique.

Une longue ferme rouge se détache au bord du lac Siljan, au beau milieu de la Suède. Dans les dernières bruines fraîches du matin, un petit groupe de vaches poursuit sa procession. Elles quittent leur étable pour un enclos circulaire en ferraille, adossé à un grand camion. Bertil Back, leur éleveur, vient les chercher une à une, pour les mener dans l’exigu compartiment arrière du semi-remorque. Quelques tapes sur la croupe de la bête et des encouragements suffisent pour qu’elle s’y engouffre. Moins d’une minute plus tard, un claquement aigu retentit — celui du pistolet à étourdissement — suivi du bruit sourd du bœuf qui s’effondre.

Depuis un an et demi, les trois camions d’Hälsingestintan parcourent la campagne suédoise pour abattre les bovins dans leurs fermes. C’est une première en Europe : un abattoir mobile complètement autonome, où les vaches sont étourdies, tuées, dépecées et débitées en moins de 20 minutes. Dans le camion, cinq employés s’affairent.

Accompagner ses animaux au seuil de la mort

Pour Britt-Marie Stegs, la fondatrice et actuelle directrice d’Hälsingestintan, l’objectif est clair. Il s’agit de limiter le stress des animaux provoqué par les heures de transport et d’attente dans l’abattoir. La viande produite, assure-t-elle, est alors de meilleure qualité. « Quand l’animal est stressé, il produit des hormones qui rendent la viande dure et malodorante. »

Et Britt-Marie sait ce qu’est un animal heureux. Elle a grandi dans une ferme de la province d’Halsingland, connue pour ses exploitations traditionnelles. « En Suède, j’ai vu toutes sortes de choses horribles à propos de la production de viande, et notamment de la chair importée d’Afrique du Sud où les vaches étaient élevées dans d’énormes usines. En créant cet abattoir mobile, j’ai voulu donner à tous les consommateurs la possibilité d’acheter la viande que je mangeais moi, dans ma ferme. »

Bertil Back a recouru à l’abattoir mobile pour la première fois.

« C’est la première fois que je fais appel à cette entreprise. Avant je vendais mes bêtes à un abattoir situé à cinq minutes d’ici. Mais Hälsingestintan me paie mieux », déclare Bertil Back. À la tête d’un troupeau de 300 bœufs, l’agriculteur est honnête sur les raisons qui l’ont poussé à opter pour l’abattoir mobile. Mais derrière le calcul de la rentabilité de son bétail, l’éleveur se dit pourtant « nerveux ». C’est la première fois qu’il accompagne ses animaux au seuil de la mort.

Ce matin là, Britt-Marie Stegs fait son tour d’inspection. « Tous les éleveurs avec qui nous travaillons sont heureux, au fond, de voir ce qui arrive à leurs animaux. Vous voyez, il n’y a que quelques mètres à parcourir entre l’étable et le camion. » Puis, elle montre du doigt une vache, qui attend calmement son tour.

Le camion peut abattre une trentaine de vaches par jour.

Le camion peut abattre une trentaine de vaches par jour.

Anna, la fille de Britt-Marie, échange quelques mots avec l’éleveur. C’est elle qui reprendra le flambeau dans quelques années. « J’adore les animaux, et je vous avoue que ce n’est pas facile, ces quelques secondes où on leur prend la vie. » Mais pour la trentenaire, montrer ce processus est indispensable. Dès ses premiers jours, l’entreprise a joué la carte de la transparence absolue. « Nous sommes les seuls à montrer tout le processus de production de la ferme au supermarché. Les gens ne sont pas habitués à cela. Au début, nous avions des journalistes tous les jours. »

Débattre des méthodes d’élevage

Aujourd’hui, Hälsingestintan abat environ 5.000 vaches par an dans près de 35 fermes. Un chiffre à relativiser compte tenu des 400.000 bêtes abattues en Suède chaque année. Mais Anna choisit ses fournisseurs avec précaution. « Nous regardons comment ils travaillent, si les bovins sont bien nourris, sortis régulièrement dans les champs, et habitués à la présence de l’homme. C’est pour cela que nous les payons mieux. »

Et pour renforcer ce lien avec les éleveurs, l’entreprise les rassemble trois fois par an pour débattre des méthodes d’élevage. En effet, la Suède est un pays très étendu et les fermes du Nord ne fonctionnent pas du tout comme celles du Sud. Plus encore, les éleveurs n’ont que peu de prise sur le marché de la viande. « Il y a toute la chaîne de l’agroalimentaire qui coupe les fermiers des consommateurs finaux. C’est pour toutes ces raisons que nous les réunissons pour débattre de questions essentielles : quoi produire ? comment produire ? C’est aussi l’occasion de parler d’autre chose que d’argent. »

Marie-Britt Stegs, PDG de l’entreprise Hälsingestintan.

À l’heure des scandales en France mais également dans le reste de l’Europe, la question de la généralisation du modèle se pose, évidemment. Au sein de son entreprise, Britt-Marie a déjà pour projet d’acheter un camion supplémentaire, pour abattre d’autres bêtes, comme des moutons ou des cochons. Et pourquoi pas, dans un futur proche, exporter le concept même de l’abattoir mobile. « Nous recevons beaucoup de questions de la part d’entreprises du monde entier, de l’Allemagne à l’Australie en passant par la Russie et l’Afrique du Sud. »


Face à une demande de plus en plus concernée par le bien-être de l’animal, la viande éthique s’érige en modèle économique. Mais si le leitmotiv de Britt-Marie est de « rendre accessible à tous une viande de qualité », elle reste bien plus chère que les viandes bon marché. L’écart du prix au kilogramme varie de 1 euro — pour les steaks hachés — à 10 euros pour les pièces de choix. Mais un tel modèle économique table sur un changement des habitudes alimentaires. « Nous n’avons pas besoin de 200 grammes par jour de viande. 100 grammes de temps en temps suffisent. Il faut absolument sortir de ce système qui recourt à l’usage massif d’antibiotiques résistant aux bactéries. Produire de la viande à bas coût, c’est détruire la planète. »

L214 DÉNONCE LES MÉTHODES DE GAZAGE DES COCHONS

PÉTITION

Le Figaro – le 08/06/2017 :

XVMb216837e-4c50-11e7-9fe8-035f9d604401L’association anti-abattoirs dénonce cette fois la méthode d’étourdissement des porcins par asphyxie au CO2, une méthode «longue et douloureuse». Cette diffusion intervient alors que deux militants sont convoqués lundi au tribunal après avoir été arrêtés alors qu’ils venaient récupérer ces mêmes images.

Un peu plus d’une semaine après avoir alerté sur les conditions d’un élevage de poules en Vendée, l’association L214 dégaine une nouvelle vidéo dénonçant le «gazage» de cochons dans un élevage porcin à Houdan, dans les Yvelines. L’organisation qui milite contre la maltraitance et l’exploitation animales a choisi de diffuser ces nouvelles images alors que doit débuter, lundi, le procès de deux militants jugés pour avoir pénétré par effraction dans l’établissement afin de les obtenir.

En décembre 2016, deux militants de L214, dont son cofondateur Sébastien Arsac, avaient été interpellés de nuit dans cet abattoir des Yvelines alors qu’ils venaient récupérer les caméras filmant l’endormissement au CO2 des porcs avant abattage. Les deux militants sont convoqués lundi devant le tribunal correctionnel de Versailles, pour «violation de domicile» et «tentative d’atteinte à la vie privée par fixation, enregistrement ou transmission de l’image».

L’association a déjà diffusé, en février, des premières images tirées de cette opération. Elles montraient des porcs obligés d’avancer dans un couloir étroit par un employé muni d’un battoir et d’un pistolet électrique. L’organisation avait porté plainte pour «maltraitance» contre l’abattoir de Houdan auprès du tribunal de grande instance de Versailles. Une enquête est en cours.

Une méthode d’étourdissement longue et douloureuse

Cette fois, cette nouvelle vidéo commentée par l’humoriste Guillaume Meurice montre l’étape de l’endormissement au CO2. Elle est filmée à l’aide d’une GoPro – une caméra portative et résistante – «placée à l’intérieur même d’une des nacelles de gazage», précise L214. Les images donnent à voir la longue agonie de deux cochons plongés dans le puits de dioxyde de carbone. Ils restent pleinement conscients pendant plusieurs minutes, tentant visiblement par tous les moyens de s’enfuir ou de respirer.

Les images montrent la longue agonie de deux cochons plongés dans le puits de CO2.

L’association fustige «une méthode d’étourdissement systématiquement longue et douloureuse pour les cochons». De façon générale, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) recommande que dans ce type de procédés, le gaz ou mélange de gaz utilisés ne soient pas «désagréables» et que la durée de l’exposition soit «assez longue pour entraîner la mort de l’animal». Surtout, dans le cas de Houdan, souligne L214, «la configuration particulière de la machine utilisée allonge encore la durée de l’asphyxie des cochons».

L’association interpelle sur ce point le ministre de l’Agriculture, Jacques Mézard, en s’appuyant sur UNE  PÉTITION demandant l’abandon de cette méthode. Elle l’est encore dans six abattoirs français, souligne L214.

Le directeur de l’établissement nie tout manquement

«Notre machine à CO2 est en règle, elle a été homologuée avec l’aide de l’association de protection animale OABA (Oeuvre d’assistance aux bêtes d’abattoir)», a réagi jeudi le directeur de l’abattoir de Houdan, Vincent Harang. «Mais il faut savoir que l’endormissement au CO2 ne sera jamais instantané», a insisté auprès de l’AFP l’abatteur. «Je suis prêt à discuter et je veux bien tout changer, mais ça coûte 300.000 euros», lance-t-il, en référence au sujet d’un éventuel passage à l’étourdissement électrique. «Que L214 me fasse un don et je change ma machine!»

L’association réaffirme de son côté, à l’approche de l’audience, «la légitimité de son action en vertu du droit d’informer». La diffusion de cette nouvelle vidéo intervient par ailleurs deux jours avant la Marche pour la fermeture des abattoirs, organisée à l’initiative de l’association.

L214 a publié depuis 2013 plus d’une dizaine de vidéos montrant notamment des dysfonctionnements dans des abattoirs à travers la France, dans le but affiché de «démontrer l’impact négatif de la consommation de produits animaux».


LE MONDE | 08.06.2017: 

L’association L214 dénonce l’étourdissement des animaux par asphyxie. Deux de ses membres comparaîtront le 12 juin devant la justice.

Les images sont glaçantes. On y voit des cochons chercher de l’air pendant d’interminables secondes tout en poussant des cris stridents, avant de s’effondrer, inertes.

(…) L’association L214, qui diffuse cette nouvelle vidéo, jeudi 8 juin, demande l’interdiction d’une pratique qui entraîne de « graves souffrances pour les animaux », en provoquant « réactions de fuite, hurlements, convulsions, détresse respiratoire… ». L’ONG, qui lutte contre la fin de toute exploitation animale, publie ces images

40 secondes de panique

(…) « Cette vidéo montre la réalité du gazage, qui est une monstruosité, dénonce Sébastien Arsac. On ne pourra plus évoquer l’image réconfortante des cochons qui s’endorment avant d’être saignés. Ils vivent au contraire un cauchemar éveillé. » Si cette pratique est légale, il estime qu’elle « contrevient au principe de l’étourdissement des animaux, qui doit les plonger dans l’inconscience avant leur mort et non les faire souffrir ».

Selon les calculs de l’association, les cochons attendent entre 35 et 40 secondes, dans la panique et les convulsions, avant de sombrer. Le système employé est tel que les porcs ne peuvent pas être immédiatement étourdis : il faut imaginer un « manège » avec sept nacelles, qui marquent un arrêt à chaque fois que deux cochons montent à bord. De sorte que les animaux mettent plus d’une demi-minute avant d’atteindre le fond de la fosse, là où la concentration de CO2 est de 90 %, le niveau nécessaire pour les étourdir rapidement.

Le PDG de l’abattoir de Houdan, Vincent Harang, qui « traite » quelque 140 000 porcs par an, réfute ces chiffres. « C’est sûr, l’endormissement de l’animal n’est pas instantané. Mais il se produit au bout de 10 à 20 secondes en moyenne », affirme-t-il au Monde. « Pour aller plus vite, poursuit-il, il faudrait revoir les machines et il y en aurait pour 300 000 euros ».

Soulignant que son installation est « agréée et homologuée », il défend le procédé du gazage. « Avec des méthodes d’étourdissement électriques, explique-t-il, les animaux deviennent durs comme du béton, tous leurs muscles se tendent et ils présentent parfois des fractures, tant le choc est violent. La saignée est alors beaucoup plus difficile. Avec le CO2, le corps est relâché et le personnel peut opérer dans de bien meilleures conditions. Du reste, les abattoirs du nord de l’Europe procèdent de cette façon. »

4,3 millions de cochons concernés

Cette pratique n’est utilisée que par six abattoirs en France, sur les 157 qui tuent des porcs. Mais comme trois d’entre eux sont de taille importante (notamment un des ateliers de découpe de la société Kermené dans les Côtes-d’Armor, qui fournit Leclerc), la méthode concerne malgré tout 4,3 millions de cochons sur les 24 millions tués par an, soit 18 %.

La majorité (82 %) sont étourdis par une autre technique, celle de l’électronarcose, avec laquelle un courant électrique traverse le cerveau des animaux. L’étourdissement, s’il est bien pratiqué, est instantané.

Mais selon l’Institut national de recherche agronomique (INRA), on observe de 13 % à 14 % d’échecs sur les cochons, dus notamment à des problèmes de positionnement des électrodes. « Dans le cas du gazage, c’est pire : c’est 100 % des animaux qui souffrent », note Sébastien Arsac.

Pourquoi alors utiliser le gazage ? Le mouvement est parti de l’Europe dans les années 1990. Les pays du Nord (Allemagne, Danemark, Hollande) se sont massivement dotés de puits à CO2, la Commission européenne poussant en faveur de cette technologie.

« Les experts la jugeaient plus acceptable car moins violente que l’électricité », explique un spécialiste de la filière porc, qui ne veut pas être cité. Parmi les autres arguments évoqués : des gains de coûts pour les grosses structures et une plus grande facilité pour conduire les cochons vers les postes d’étourdissement dans la mesure où ils restent en groupe.

« Grande souffrance »

En France, de nombreux professionnels n’ont pas voulu adopter cette méthode en raison du coût de l’investissement (1,5 million d’euros), mais aussi de sa complexité et des atteintes au bien-être animal. « Le CO2 est un gaz aversif [provoquant une réaction d’évitement ou de retrait de l’animal] qui, pendant les 15 à 20 secondes que dure l’inhalation, plonge l’animal dans une grande souffrance jusqu’à la phase d’induction, où il bascule dans l’inconscience », reconnaît Pierre Frotin, ingénieur à l’Institut de la filière porcine, cité par le rapport de la Commission d’enquête parlementaire sur les abattoirs.

Depuis le scandale de l’abattoir d’Alès (Gard), en octobre 2015, qui avait déjà alerté sur le sort de cochons agonisant sous l’effet du gaz, la filière s’interroge : doit-elle abandonner cette méthode d’étourdissement ?

La question n’est pas tranchée. Le ministère de l’agriculture, dans son plan d’action prioritaire en faveur du « bien-être animal », indique « soutenir les recherches de techniques alternatives (alternative au CO2 notamment) ». Jeudi 8 juin, L214 a adressé au nouveau ministre de l’agriculture et de l’alimentation, Jacques Mézard, une lettre réclamant « l’interdiction de l’étourdissement des cochons au CO2 ».

Dès 2004, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) avait pointé le « problème du bien-être [animal] » posé par cette technique. Le sujet avait également fait débat lors du vote de la proposition de loi du député de Charente-Maritime Olivier Falorni sur les abattoirs, en janvier. L’Assemblée nationale avait rejeté les amendements qui demandaient l’interdiction du gazage mais elle avait voté la remise d’un rapport sur le sujet dans les six mois. Le texte n’a pas encore été voté par le Sénat. Il reviendra aux futurs parlementaires de se saisir du dossier.’

LA JUSTICE SANCTIONNE POUR LA PREMIÈRE FOIS UN OUVRIER D’ABATTOIR POUR DES ACTES DE CRUAUTÉ

LE MONDE | 28.04.2017

Le principal prévenu a été condamné, vendredi, à huit mois de prison avec sursis. Deux autres employés n’ont pas été sanctionnés, pour cause de prescription.

C’est un jugement inédit. Pour la première fois, la justice a prononcé une peine contre un abattoir et l’un de ses employés. L’établissement est situé au Vigan, un paisible village cévenol marqué au fer rouge par un scandale de maltraitance animale.Fondation-Bardot-la-video-de-l-abattoir-d-Ales-ne-fait-que-reveler-son-quotidienabattoir-vaches-bovins-suspendus-gorge-tranchee

Vendredi 28 avril, le tribunal de grande instance d’Alès (Gard) a condamné le principal prévenu, un ancien employé de la structure gérée par la communauté de communes du pays viganais, à huit mois de prison avec sursis et 2 000 euros d’amende pour des actes de cruauté et des mauvais traitements sur des animaux.

Marc S. s’est aussi vu interdire d’exercer en abattoir pendant cinq ans. Il a également été sanctionné au civil : il devra verser 6 300 euros à dix associations de défense des animaux parties civiles dont L214, la Société protectrice des animaux (SPA) ou la Fondation Brigitte Bardot. Si « les faits reprochés sont d’une particulière gravité », le tribunal a prononcé une peine plus faible que les réquisitions du procureur en raison du jeune âge du prévenu (24 ans), « confronté à la pratique d’un métier difficile », et de son absence de casier judiciaire.

Ses deux coprévenus, salariés du Vigan, ont été relaxés en raison d’une prescription des faits, le tribunal estimant que les dates des vidéos ne pouvaient pas être clairement établies. La communauté de communes du pays viganais devra quant à elle payer une amende de 3 750 euros.

Animaux saignés conscients

Les faits, révélés par une vidéo de l’association L214 en février 2016, avaient suscité l’émoi et l’indignation collective, débouchant sur une remise en cause de la filière, la création d’une commission d’enquête parlementaire et le vote d’une proposition de loi pour instaurer la vidéosurveillance dans les abattoirs.

Les images, tournées entre juin 2015 et février 2016 en caméra cachée, montraient des moutons violemment jetés contre des enclos, des employés riant en électrocutant ou en brûlant des cochons avec une pince à électronarcose – destinée à les étourdir –, des animaux saignés toujours conscients, ou encore un porcelet se détachant à plusieurs reprises de la chaîne d’abattage.

« C’est une réponse pénale ferme, qui envoie un message clair à l’ensemble des exploitants d’abattoirs : “Vous devez faire respecter les règles” », se réjouit Me Hélène Thouy, l’une des deux avocates de L214, qui se félicite de l’interdiction temporaire d’exercer pour Marc S., permettant « de prévenir d’éventuelles récidives ».

Une appréciation à l’opposé de celle de Me Yvon Goutal, qui défendait la communauté de communes. « La sanction est très raisonnable, pour des faits qui étaient mesurés », juge-t-il, se disant « satisfait qu’il n’y ait pas de condamnation de l’abattage dans son ensemble ».

« Caractère sadique »

Le procureur de la République d’Alès, Nicolas Hennebelle, avait relevé 31 infractions dans cette affaire. Le 24 mars, au terme de deux jours de procès très médiatisés, il avait requis un an de prison avec sursis et 3 400 euros d’amende contre Marc S. Il demandait aussi des amendes de 600 euros contre Nicolas G., de 150 euros contre Gilles E., et, enfin, de 6 000 euros contre la communauté de communes.

« La difficulté de ce métier la fatigue, le stress peut expliquer en partie les comportements illégaux, mais ne les excuse pas », avait défendu le procureur. Quand Marc S. porte des coups de pince à électronarcose sur le museau d’une brebis, il lui fait subir une « souffrance physique évidente », et « les rires accréditent le caractère sadique », relevait-il, avant de conclure qu’à ses yeux, ces actes étaient « totalement gratuits ».

« On vit la mort cinq jours sur sept, dix heures par jour. Oui, on rigole entre nous, mais on ne veut pas faire de mal aux animaux », avait rétorqué le jeune homme à la barre. Il avait retrouvé du travail dans un atelier de découpe depuis septembre 2016 mais il se disait las : « Cette histoire m’a détruit. J’ai été obligé de changer de département, de région. Je suis usé. J’ai même reçu des lettres de menace chez mes grands-parents. »

« Marc S. est aussi sapeur-pompier. Alors peut-être qu’il lui est arrivé de s’égarer avec des bêtes, mais il lui arrive aussi de sauver des hommes. (…) Il est entré à l’abattoir en apprentissage à 15 ans, quand il n’était qu’un gamin », a défendu de son côté Me Aude Widuch, l’une des avocates du prévenu. Et son confrère, Me Guilhem Deplaix, d’ironiser : « A cet âge, quand certains obtiennent des CDD [contrats à durée déterminée] d’assistants parlementaires, lui commence un CAP [certificat d’aptitude professionnelle] comme boucher. »

« Abattoir éthique et paysan »

« Ce dossier n’est pas seulement celui de dérapages d’opérateurs, mais aussi d’un manque de vigilance sur les règles d’abattage (…) et sur le matériel défaillant », avait par ailleurs estimé le procureur, visant la communauté de communes.

Pourtant, la structure, l’une des plus petites de France, était spécialisée dans la vente directe et certifiée bio. On y traitait chaque année 300 tonnes de viande, provenant d’animaux d’une petite centaine d’éleveurs des Causses et des Cévennes qui travaillent en circuit court.

Ses locaux avaient été modernisés en 2010 et en 2014. L’établissement a depuis partiellement rouvert en mars 2016, après avoir licencié le principal prévenu, Marc S., refusé de renouveler le contrat d’un autre salarié et investi dans du matériel.

Aujourd’hui, l’abattoir essaie surtout de se maintenir à flot. Fin décembre 2016, la communauté de communes a décidé d’arrêter les frais, après avoir effacé une ardoise de près de 300 000 euros. Un groupement d’une cinquantaine d’éleveurs de la région, d’associations et de consommateurs, constitués en société coopérative d’intérêt collectif, doit reprendre l’établissement en septembre, sous la forme d’une location avec promesse de vente au bout de vingt ans.

« On veut en faire un abattoir éthique et paysan, une structure de proximité. Nous allons pratiquer l’abattage de nos propres bêtes, maîtriser le processus de A à Z, pour être sûrs que cette étape du circuit de distribution soit faite dans le respect de l’animal, explique Stéphane Thiry, éleveur de bovins en agriculture biologique à Bez-et-Esparon (Gard), qui préside l’association pour la promotion de l’abattoir du Vigan. Donner la mort à des animaux ne peut pas être joyeux mais peut se faire dans de bonnes conditions. »

PLONGÉE AU CŒUR DES ABATTOIRS

Reporterre – le 6 février 2017

Le journaliste Geoffrey Le Guilcher a passé deux mois dans la peau d’un boucher d’abattoir. Son livre, Steak Machine, raconte cette immersion clandestine au cœur d’une usine bretonne. Il démontre que les conditions de travail déplorables provoquent la souffrance animale.

Un type de dos est en train d’égorger une vache. Les deux pattes avant de la bête sont prises dans des anneaux de métal afin d’éviter les coups de sabot. Il tranche la gorge de l’animal au-dessus d’une rigole pleine de sang. Il fait ça d’un tout petit geste, de la pointe de son couteau, en un rien de temps. Il affûte son couteau, la vache suspendue et ouverte à la gorge se met à remuer violemment sa seule patte libre. Son pis ballote dans sa dernière danse. La vache bouge ainsi cinq à six secondes, puis s’arrête.

Au cœur de l’abattoir breton où il travaille depuis plus de deux mois, Albert assiste à une scène de tuerie ordinaire. Dans cette usine, deux millions d’animaux sont abattus chaque année. La tuerie, ce lieu secret où se passe la mise à mort, est entourée de murs et interdite au public. Mais percer le mystère des abattoirs, c’est justement la mission que s’est fixée Albert, alias Geoffrey Le Guilcher. Le journaliste indépendant s’est fait employer par une de ces entreprises de la mort. Crâne rasé, CV falsifié, passé inventé de jeune maçon fils d’éleveur, Albert Le Guilcher a ainsi travaillé quarante jours sur la chaîne de découpe. À l’arrivée, un livre, Steak Machine, paru le 2 février aux éditions de la Goutte d’or.

Geoffrey Le Guilcher.

« L’immersion me paraissait le meilleur moyen de tout vivre à fond, de partager le quotidien des ouvriers », explique-t-il à Reporterre. Et de comprendre ce chiffre aberrant : une mise à mort sur cinq est ratée. 20 % des bêtes sont mal étourdies ou mal saignées. Depuis la diffusion des vidéos de L214, la question de la maltraitance animale s’est retrouvée sur le devant de la scène médiatique et politique. « Mais très peu de personnes ne sont penchées sur les hommes et les femmes qui tiennent les couteaux, observe Geoffrey Le Guilcher. J’ai donc voulu aller voir si ces usines à viande ont enfanté des hommes-monstres. Aller tenir le couteau avec eux et raconter ces mains qui assomment, tuent et découpent des êtres sensibles toute la journée », écrit-il. Le journaliste choisit un abattoir breton auquel il donne le doux nom de Mercure, afin de préserver l’anonymat des personnes rencontrées. Une entreprise industrielle, qui génère un milliard d’euros de chiffre d’affaires annuel et abat quotidiennement 600 bœufs et 8.500 porcs.

« Vu la rapidité sur la chaîne, il est impossible de bien faire son boulot » 

Dès les premiers jours, il découvre des conditions de travail déplorables. Les giclées de sang, le bruit assourdissant, les odeurs écœurantes, les doigts qui se bloquent, le dos qui se raidit. « Les habitants de Mercure ont muté. Musculature hors-norme au niveau des avant-bras, poignets et mains. Je les appelle des hommes-crabes », raconte-t-il. Au fil des 160 pages de son enquête, il dévoile un univers impitoyable, « viril et taiseux », où les patrons font leur loi. Un lieu « qui crée des handicapés » : « 90 % des salariés souffrent de troubles musculo-squelettiques », nous indique-t-il. En cause d’après lui, la cadence effrénée : une vache saignée par minute.

Avec son couteau, Rémi coupe d’énormes bouts de gras. Gras jaune et mou pour les vaches laitières, blanc et dur pour les taureaux. Il les jette par-dessus la nacelle ; ils atterrissent dans un entonnoir en Inox du format d’une voiture. Entre chaque vache, Rémi rince ses gants ensanglantés sous un robinet à sa gauche. Puis il se tourne vers la droite et passe le couteau dans l’affûteur rapide, puis dans le stérilisateur. Pendant ce temps, il en utilise un autre pour dégraisser la carcasse suivante. « On fait du 63 vaches à l’heure quand on est au taquet », me crie-t-il à l’oreille. Le bruit sur la chaîne est assourdissant. Rémi porte un casque antibruit. Une sonnerie — un « tululu » de camion qui recule — annonce la prochaine carcasse.

L’auteur révèle également dans son ouvrage une enquête des Mutuelles sociales agricoles (MSA) bretonnes réalisée entre 2001 et 2004 : le rapport Stivab (santé et travail dans l’industrie de la viande). Les chercheurs y décrivent des conditions de travail physiquement très astreignantes, des contraintes articulaires et posturales, un surcroît de pathologies cutanées, de maladies infectieuses, et un risque accru de cancers. Surtout, le rapport établit un lien entre la cadence soutenue, les méthodes managériales et les problèmes de santé. « Mais les patrons de la filière viande n’ont pas apprécié l’étude et fait pression pour qu’elle ne sorte pas », rapporte Geoffrey Le Guilcher. Pour tenir la journée et chasser les cauchemars la nuit, les ouvriers recourent régulièrement à des anxiolytiques, des calmants ou des drogues en tout genre. Cette organisation quasi militaire, qui a inspirée Henri Ford lui-même, « mène inéluctablement au traitement indigne des hommes »… et des bêtes.

Abattoir en France, 2007.

Car, outre les graves problèmes de santé, ce rythme infernal engendre aussi de la souffrance animale. « Vu la rapidité sur la chaîne, il est impossible de bien faire son boulot », témoigne Geoffrey Le Guilcher. Ainsi, parmi les anecdotes sordides entendues dans l’abattoir, il y a celle de cette ouvrière qui se retrouve devant un bœuf qui remue encore alors qu’il est saigné, avec les quatre pattes coupées. Ainsi, un veau sur quatre et une vache sur six quittent la saignée sans être morts. Et c’est bien là le cœur du propos du journaliste : montrer que la souffrance humaine et la souffrance animale sont liées et indissociables. « Les bouchers et les tueurs ne sont pas de mauvais bougres ni des sadiques. Ce sont des gens très humains, défoncés par leur travail. » D’ailleurs, beaucoup quittent rapidement leur poste. Ceux qui restent sont motivés par des primes, la stabilité que procure un CDI mieux payé que la moyenne, et la peur du chômage.

La « lâcheté des élus » 

Alors que faire ? La proposition de loi « relative au respect de l’animal en abattoir », adoptée en première lecture par les députés le 12 janvier, ne résout en rien le problème, d’après Geoffrey Le Guilcher. « Ce texte entérine un statu quo, estime-t-il. La vidéosurveillance ne va rien changer, à part accroître la pression sur les salariés : seuls les vétérinaires y auront accès, or ils peuvent déjà se rendre dans les tueries. » Il dénonce la « lâcheté des élus », notamment du ministre de l’Agriculture, qui ont préféré choisir un sparadrap symbolique plutôt que de s’attaquer au fond du problème. Pour l’auteur de Steak Machine, des solutions existent pourtant : développer des petites structures locales ou mobiles, augmenter les moyens des services vétérinaires, protéger les salariés des abattoirs qui dénoncent les cas de maltraitance par un statut de lanceur d’alerte. Renforcer la formation aussi, car « le stage sur le bien-être animal que doivent suivre les tueurs ne dure que 7 h et reste très théorique ».

Mais le journaliste pointe également la schizophrénie des consommateurs, qui demandent un meilleur traitement des animaux tout en mangeant de la viande deux fois par jour. « Il faut consommer moins de viande afin que la production ne soit plus industrielle », avance-t-il. Pour lui, l’équation est simple : « Tant que les animaux seront abattus en quantité industrielle, il n’y aura pas de viande propre, et les ouvriers continueront à être traités comme des numéros. » Depuis qu’il s’est essayé au couteau, Geoffrey Le Guilcher est quant à lui devenu « semi-végétarien », car l’odeur émanant du ventre de Mercure, « ce parfum de mort », comme il l’écrit, est restée gravée dans sa mémoire.

Porté par une petite maison d’édition indépendante, les éditions de la Goutte d’or, Steak Machine retrace un travail d’investigation journalistique poussé, en mode gonzo. Le livre n’est pas qu’une agrégation de témoignages et de chiffres, il transpire de vécu. L’odeur du sang, le bruit strident de la scie, le stress des ouvriers… tout y est. Cette immersion au cœur des usines à viande donne des clés aux citoyens pour se saisir de ce sujet central. Tandis que Jean-Paul Bigard, patron du plus grand groupe français de viande, assure que « sa politique vise à faire en sorte que le client ne fasse plus du tout le lien entre la vache et le steak », Geoffrey Le Guilcher nous embarque et nous réintègre dans cette énorme machine à steaks.

ABATTOIR D’Alès : BRIGITTE BARDOT DEMANDE UNE «SURVEILLANCE SÉVÈRE»

Le Figaro – le 16/10/2015

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«Le scandale de l’abattoir d’Alès n’est que la partie visible de l’atroce assassinat de millions d’animaux qui se perpétue jour après jour dans l’indifférence des partis politiques», s’indigne Brigitte Bardot. «Les images tournées à Alès montre une réalité qui n’a rien d’exceptionnel. Ce qui est exceptionnel, c’est d’avoir pu tourner des images à l’intérieur d’un abattoir», alerte Christophe Marie, porte-parole de la Fondation Brigitte-Bardot. «C’est un milieu où la transparence n’existe pas, le monde des abattoirs est très opaque», déplore le défenseur des animaux. «Le problème, c’est que les abattoirs sont fermés: au public, aux associations, aux journalistes… C’est donc aujourd’hui très difficile de savoir ce qu’il s’y passe. Et quand on ne se sent pas observer ni surveiller, les dérapages sont plus fréquents», explique le représentant de la Fondation.

«Les abattages tels qu’ils sont encore pratiqués rappellent les méthodes employées dans les camps nazis», ajoute la militante de la cause animale avant d’accuser l’État, le ministère de l’Agriculture et les services vétérinaires d’être «responsables et coupables des tortures infligées aux animaux».

Étiquetage obligatoire du mode d’abattage

Proposition de résolution de la sénatrice Sylvie Goy-Chavent

En réponse à cette indignation générale, la sénatrice Sylvie Goy-Chavent a diffusé auprès des sénateurs, ce jeudi après-midi, une proposition de résolution concernant le manque de transparence et de contrôle des abattoirs. La proposition, soutenue par la Fondation Brigitte-Bardot, «tend à la création d’une commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français». La sénatrice UDI de l’Ain, également rapporteure de la «mission commune d’information sur la filière viande en France et en Europe» rédigée en 2013 au lendemain du scandale de la viande de cheval, prône ainsi «l’instauration d’un étiquetage obligatoire du mode d’abattage, selon des modalités non stigmatisantes» qui serait appliqué à toutes les viandes, brute et transformée.

Brigitte Bardot réclame pour sa part qu’une «surveillance sévère» soit exigée dans tous les abattoirs de France et que «toutes les exactions (soient) sévèrement punies». Sylvie Goy-Chavent se positionne également en faveur d’un plus grand contrôle des abattoirs et de la présence de davantage de vétérinaires indépendants dans ces établissements pour veiller à un meilleur respect des règles en vigueur. Déjà en 2013, le rapport qu’elle a dirigé préconisait «d’imposer des contrôles physiques des vétérinaires au poste d’abattage, pour toutes les espèces et suivre les incidents d’étourdissement ou d’égorgement». Mais le ministre de l’Agriculture n’avait donné aucune suite à ce rapport.

L’OABA, l’Oeuvre d’Assistance aux Bêtes d’Abattoirs, est également favorable à une plus grande transparence dans ces établissements. Ainsi, l’association demande que, début novembre, la Brigade Nationale d’Enquêtes Vétérinaires et la Mission d’Audit Sanitaire de la Direction Générale de l’Alimentation soient saisies aux fins d’inspections dans tous les abattoirs. «Le ministre de l’Agriculture nous promet pour la période 2015-2020, une stratégie de la France pour le bien-être des animaux. Il est urgent qu’elle débute par un contrôle renforcé de tous nos abattoirs», alerte Jean-Pierre Kieffer, vétérinaire et président de l’OABA.

Une industrialisation de la filière viande

Selon les associations et observateurs, cette opacité sert avant tout les intérêts financiers de la filière. Après avoir visité de nombreux abattoirs en France dans le cadre de sa mission d’information sur la filière viande, Sylvie Goy-Chavent met en cause «une industrialisation de la filière viande qui rend plus difficile de savoir ce qu’il se passe dans les abattoirs». Un constat également partagé par la Fondation Brigitte-Bardot: «Le problème c’est que la France a fermé de nombreux abattoirs de plus petites tailles pour faire de l’abattage intensif. Chaque abattoir est ainsi tenu de respecter un rendement minimum. L’intérêt économique prime sur la souffrance animale et la sécurité sanitaire», indique Christophe Marie.

Pour améliorer la situation, la Fondation Brigitte-Bardot prône «la mise en place de labels assurant un certain niveau de vie pendant l’élevage mais également durant leur abattage. Dans l’absolu, il y a une demande de la part du consommateur. De petites structures spécialisées dans l’abattage d’une espèce animale et dotées de matériel adapté à l’abattage d’un animal permettraient également limiter la souffrance animale. Mais dans l’immédiat, la solution est de diminuer la consommation de viande», estime le porte-parole de la Fondation Brigitte-Bardot.