NOTRE-DAME-DES-LANDES sous le choc de l’évacuation brutale et violente

Pour Vandana Shiva, la Zad montre « comment cultiver le futur »

Évacuation de la ZAD : les journalistes tenus à l’écart

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Les autorités ont empêché les médias de travailler normalement, allant jusqu’à proposer des images « clés en main ».


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5 jours de résistance à l’intervention militaire

arton14536-8cf7d13 avril 2018: l’opération militaire reprend au petit matin.

Malgré l’annonce de l’arrêt des expulsions par la préfète jeudi soir, les interventions militaires ont repris ce vendredi matin. Officiellement, pour déblayer et dans le cadre d’opération de police judiciaire. Sur place, grenades et gaz continuent d’emplir le bocage.

(…) Les étuis sont entassés quelques dizaines de mètres en arrière, près des Fosses noires, par « Maquis », 70 ans, qui évalue à 322 000 euros le coût des grenades lancées depuis le début de la semaine. Reprochant aux forces de l’ordre de polluer le site et de gaspiller l’argent du contribuable. (article Le Monde)

Soutiens venus hors de la ZAD

Les zadistes ont été rejoints par d’autres manifestants, comme Jean-Claude K., 56 ans, officier de port à Saint-Nazaire.

« Je suis là parce que je suis choqué par la façon dont ça se passe depuis le début de la semaine. Cela pouvait se régler en quelques semaines, quelques mois. Le président Macron a dit qu’il allait faire autrement, mais là, on voit bien que rien n’a changé. Le discours sur les droits de l’homme, le “vivre ensemble”, c’est du baratin. »

NOTRE-DAME-DES-LANDES : UN ATTERRISSAGE MAITRISÉ

LE MONDE – le : DTxKjkDX0AE8Aq1

Pour sortir de l’impasse dans laquelle se trouvait le dossier de l’aéroport NDDL, Emmanuel Macron et Edouard Philippe ont procédé à une analyse coûts-bénéfices approfondie.

L’on ignore si, à leurs moments perdus, le président de la République et le premier ministre pratiquent ce nouveau loisir en vogue que sont les ­« escape games » : ce jeu en équipes consiste à relever quelques défis et à résoudre un certain nombre d’énigmes permettant de trouver la sortie d’un espace clos dans un temps limité. Emmanuel Macron et Edouard Philippe y seraient sans aucun doute performants, si l’on en juge par la manière dont ils viennent de dénouer ­l’invraisemblable pataquès de Notre-Dame-des-Landes.

En effet, cela fait un demi-siècle que ce site a été retenu pour construire un nouvel aéroport régional, à une vingtaine de kilomètres au nord de Nantes. Une zone d’aménagement différé (ZAD) a été créée dès 1974 pour l’accueillir. Mis en sommeil, le projet a été relancé en 2000 par le gouvernement Jospin et déclaré d’utilité publique en 2008 par le gouvernement Fillon.

Objet de quelque 180 recours (tous écartés par la justice), soutenu par bon nombre des élus locaux, approuvé à 55 % par les habitants de Loire-Atlantique lors d’une consultation en juin 2016, cet aménagement se heurtait à une opposition virulente : quelques centaines de « zadistes » radicaux qui occupent les lieux depuis des années et des militants écologistes (mais pas seu­lement) qui jugeaient le futur aéroport surdimensionné, excessivement coûteux et nuisible pour l’environnement. Bref, le dossier était dans l’impasse.

Pour en sortir, le gouvernement, premier ministre en tête, a donc tranché, sur la base d’un rapport d’experts qui lui a été remis il y a un mois et après d’intenses consultations avec toutes les parties prenantes. Mercredi 17 janvier, il a annoncé l’abandon du projet Notre-Dame-des-Landes et préconisé le ­développement et la modernisation de l’actuel aéroport de Nantes. Qu’elle relève d’une réelle hésitation ou d’une soigneuse mise en scène, cette décision repose, en tout cas, sur une analyse coûts-bénéfices approfondie.

Coûts politiques

FRANCE-POLITICS-AIRPORT-AVIATION-ENVIRONMENTLes coûts possibles sont surtout politiques. Le candidat Macron avait dit, durant la campagne présidentielle, son intention de respecter le résultat de la consultation de 2016. Cela valait approbation du projet de nouvel aéroport. L’abandonner aujourd’hui revient à renier cet engagement et à bafouer la démocratie, martèle donc désormais la droite, trop heureuse de trouver enfin un angle d’attaque contre cet insaisissable président. Et pour faire bon poids, elle ajoute le défaut d’autorité de l’État qui a préféré ­capituler devant quelques « zadistes » au détriment de l’intérêt général supposé. Quant aux élus locaux, largement favorables au projet, ils s’insurgent contre le mépris dont ils s’estiment victimes.

A l’inverse, le gouvernement souligne avec énergie, et non sans raison, que sa décision est courageuse, ferme et raisonnable. De fait, contrairement à ce qu’avaient fait ses prédécesseurs depuis des années, il a enfin tranché plutôt que de laisser pourrir davantage encore ce dossier. Il a clairement averti les occupants illégaux du site qu’ils devraient quitter les lieux, appelés à retrouver leur vocation agricole, d’ici au printemps – et cela n’est pas sans risques. Il s’engage enfin à ouvrir rapidement le chantier du développement de l’aéroport existant pour répondre aux besoins de la région et il ne doute pas que, passé leur frustration, les élus locaux s’y associeront.

Sur un terrain aussi miné que le bocage nantais, l’atterrissage était périlleux. Il a été habilement maîtrisé.

SUR NOTRE-DAME-DES-LANDES, LE GOUVERNEMENT LANCE UNE MÉDIATION à L’ISSUE INCERTAINE

LE FIGARO – le 18/05/2017

Emmanuel Macron, Édouard Philippe et Nicolas Hulot ont tous les trois fait valoir le respect du «oui» exprimé lors de la consultation de juin 2016 sur le projet de nouvel aéroport. Mais derrière cette posture commune, les positions diffèrent, laissant penser qu’un abandon est possible à l’issue de la médiation annoncée jeudi.

La réaction des pro-aéroport n’a pas tardé. Moins d’une heure après l’annonce de la composition du gouvernement d’Édouard Philippe, mercredi, le collectif qui réunit les collectivités et associations favorables au projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes a publié un communiqué relatif au projet. «Emmanuel Macron, Édouard Philippe et Nicolas Hulot ont tous confirmé vouloir lancer les travaux de l’Aéroport du Grand Ouest. Une bonne nouvelle pour les régions de l’Ouest et également pour la démocratie», se félicite le Syndicat mixte aéroportuaire (SMA). Le président, le premier ministre et le ministre de la Transition écologique ont en effet exprimé leur souci de faire respecter les décisions prises. Sur le fond du dossier, pourtant, tous les trois ont un avis différent. L’issue de la médiation annoncée jeudi par le premier ministre reste par conséquent incertaine.

Une volonté affichée de faire respecter le «oui»

Emmanuel Macron n’a pas exprimé d’opinion tranchée sur le fond du dossier, comme nous le rappelions avant le second tour. Il a cependant critiqué la gestion d’un projet «très mal emmanché» et qui «relève d’un modèle qui n’a sans doute plus cours aujourd’hui». S’il l’avait pu, il aurait souhaité le «remettre à plat» et en «questionner les fondamentaux économiques et les principes». Mais la tenue d’une consultation locale en juin 2016 a changé la donne. «Sur ce sujet, vous ne pouvez pas décider que la voie démocratique n’a aucun sens», faisait valoir Emmanuel Macron en tant que candidat. Il confirmait le 5 avril: «Il y a eu un vote. Mon souhait est de le respecter et de faire l’aéroport.»

Édouard Philippe n‘a pas détaillé sa position vis-à-vis du nouvel aéroport. Lors de la primaire de la droite, il était le porte-parole d’Alain Juppé, lui-même favorable au projet. Interrogé à ce titre par Franceinfo en octobre 2016, le futur premier ministre disait espérer un début des travaux «avant mai ou juin 2017», c’est-à-dire sous le mandat de François Hollande. «On a le droit d’être contre l’aéroport», soulignait-il, mais «la question fondamentale que pose Notre-Dame-des-Landes est une question beaucoup plus large que l’aéroport à cet endroit». À savoir: «Comment est-ce qu’en France, on fait passer une décision?» Édouard Philippe concluait sur la nécessité de porter à bien un projet validé politiquement et juridiquement: «Une fois que la décision est politiquement prise, une fois que les juges se sont prononcés en disant: “On peut le faire”, il faut la mettre en œuvre. Sinon vous ruinez le système.»

Nicolas Hulot, à la différence du président et du premier ministre, a très clairement exprimé son opposition au projet. «Notre-Dame-des-Landes est un investissement archaïque», affirmait-il en 2012, jugeant «affligeant qu’au XXIème siècle, on envoie des forces de l’ordre face à des jeunes et des paysans qui se battent contre ce projet». «Ce projet de nouvel aéroport est vicié, gangrené. Il porte en lui les racines de la discorde. Jamais il ne se fera dans les conditions actuelles», écrivait-il dans une tribune trois ans plus tard, dans le contexte de la COP 21. À l’annonce de la consultation locale, sa fondation avait appelé «à renoncer à un projet surdimensionné plutôt que d’aller vers une consultation inutile». Deux mois plus tard, il s’était dit «profondément attristé» que la Loire-Atlantique ait placé le «oui» en tête lors de la consultation, organisée «en dépit du bon sens». Toutefois, «on ne peut pas demander d’aller voter et après, si le résultat ne nous plaît pas, ne pas en tenir compte. En ce qui me concerne, je m’incline», avait-il affirmé, concluant donc que le «oui» devait être respecté.

Une médiation aux conséquences incertaines

Emmanuel Macron et Nicolas Hulot ont par ailleurs tout deux défendu l’idée d’une médiation: «Donnons-nous du temps pour écouter sincèrement les arguments, y compris économiques, et nommons un médiateur qui soit une autorité incontestable», défendait l’écologiste en 2012. Une commission de dialogue avait par la suite été mise en place par le gouvernement Ayrault et avait conclu à l’utilité du projet. Cinq ans plus tard, ce n’est pas autre chose que défendait Emmanuel Macron: «Je vais nommer un médiateur pour six mois maximum pour faire baisser la pression», annonçait-il le 5 avril.

La position du futur chef de l’État sur les suites à apporter à cette médiation a cependant varié. Devant l’ONG écologiste WWF, il s’était montré ouvert à la modernisation de l’actuel aéroport et avait exclu une évacuation de la ZAD dans la «brutalité. Sur France 2, le 5 avril, il mentionnait en revanche une issue claire: «Si je n’arrive pas à convaincre, je ferai respecter les choses. Je prendrai mes responsabilités et je ferai évacuer la zone.»

Jeudi matin, le premier ministre a souligné que la médiation permettrait «d’étudier l’ensemble des options», laissant entendre qu’aucune issue n’est à écarter. De quoi laisser certains penser à un abandon possible du projet. Pour l’ancien ministre et directeur du WWF Pascal Canfin, «l’aéroport ne se fera pas avec Nicolas Hulot». «Nicolas Hulot va nommer un médiateur mais celui-ci aura uniquement pour rôle de trouver une alternative à Notre-Dame-des-Landes», a-t-il affirmé sur France Inter. Sylvain Fresneau, agriculteur «historique» de la ZAD, a lui aussi expliqué à BFMTV avoir du mal à imaginer que le ministre ne remette pas en cause le projet. «Si un écologiste comme lui dit “Ok, il faut bétonner 550 hectares de terres humides”, je ne comprendrais pas. Il y aurait un non-sens.» Seule certitude à ce stade: le gouvernement se donne six mois maximum pour trancher.

NOTRE-DAME-DES-LANDES : FIN DU CONTENTIEUX EUROPÉEN

LE MONDE | 28.04.2017

Bruxelles a classé sans suite la procédure d’infraction ouverte contre la France sur le projet de nouvel aéroport nantais.

C’est par son chapitre européen que le dossier de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes revient dans l’actualité. La Commission européenne a décidé, jeudi 27 avril, de ne pas poursuivre la France pour non-respect de la réglementation européenne, concernant le dossier du nouvel aéroport nantais. C’est un nouvel échec pour les opposants à ce projet, vieux de plus d’une cinquantaine d’années, qui ont perdu la quasi-totalité de leurs recours devant la justice.

Il y a trois ans, Bruxelles avait adressé à la France une mise en demeure pour manquement à l’obligation de prendre en compte dans un même document l’ensemble des impacts environnementaux de tous les chantiers concernant l’aéroport, mais aussi les infrastructures comme les transports ferroviaires, routiers, etc.

La Commission européenne précise qu’il ne s’agit en rien d’un jugement sur le bien-fondé politique ou économique du projet

En réponse à la demande européenne, l’Etat a donc ajouté un document spécifique concernant cette évaluation au nouveau schéma de cohérence territoriale (SCOT) de la métropole Nantes-Saint-Nazaire, adopté le 19 décembre. « Les autorités françaises nous ayant répondu de manière satisfaisante, conforme à la réglementation européenne, la procédure a été clôturée », explique Enrico Brivio, porte-parole du commissaire européen chargé de l’environnement, tout en précisant qu’il ne s’agit en rien d’un jugement sur le bien-fondé politique ou économique du projet.

Les partisans de la construction du nouvel aéroport se sont aussitôt réjouis. Le Syndicat mixte aéroportuaire du Grand Ouest « se félicite de la décision de l’Union européenne de classer sans suite la procédure, autorisant ainsi le début des travaux ». « C’est un moment important pour le projet : même si les recours n’étaient pas suspensifs, l’Europe restait la dernière possibilité – démocratique – pour les opposants de bloquer le projet », commente Alain Mustière, président de l’association Des ailes pour l’Ouest.

Pour autant, ce nouveau coup dur n’entame en rien la combativité des agriculteurs et des militants qui occupent le bocage à une vingtaine de kilomètres au nord de Nantes. « Je n’ai jamais cru que l’Europe bloquerait le projet. Le SCOT ne présente en rien les impacts environnementaux des différents projets, puisque bon nombre d’entre eux, comme la ligne à grande vitesse Nantes-Rennes, n’ont même pas de tracé. Il ne peut donc y avoir d’évaluation globale », avance Françoise Verchère, du Collectif d’élus doutant de la pertinence de l’aéroport (CéDpa).

La bataille judiciaire n’est pas finie

La bataille judiciaire n’est pas terminée. Au plan national, même si les procédures en cours ne sont pas suspensives d’un éventuel démarrage des travaux, elles sont encore nombreuses. Le SCOT est attaqué devant le tribunal administratif, tout comme le dernier arrêté préfectoral concernant une espèce protégée, le campagnol amphibie. Des recours sur les arrêtés concernant la loi sur l’eau et la réglementation sur les espèces protégées sont devant le Conseil d’Etat. Devant cette même juridiction, un recours contre la déclaration d’utilité publique de février 2008 a été déposé, sur la base du rapport commandé par la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, qui estime que l’étude des alternatives, en particulier le réaménagement de l’actuel aéroport Nantes-Atlantique, n’a pas été menée.

Enfin, les agriculteurs et habitants expropriés demandent à la justice la rétrocession de leurs terres et de leurs maisons, aucuns travaux n’ayant été entrepris, cinq ans après la date de l’arrêté d’expropriation qui date de janvier 2012, une procédure permise par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

François Hollande et ses gouvernements successifs, tout comme son prédécesseur, n’ont donc résolu le casse-tête de Notre-Dame-des-Landes. Ni en démarrant les travaux et en évacuant la ZAD ni en abandonnant le projet. Ce sera donc au futur président de la République de prendre ses responsabilités. Emmanuel Macron comme Marine Le Pen – elle se dit toujours opposée au projet – se sont néanmoins engagés à respecter le vote du 26 juin 2016 qui, à l’échelle du département, a donné la victoire du oui au nouvel aéroport, par 55,17 % des voix.

En réponse à cet argument, le CéDpa vient de publier un dossier dénonçant « l’illusion démocratique » de ce scrutin. Et, sur la ZAD, les occupants convient leurs soutiens à l’inauguration du « hangar de l’avenir », symbole de leur volonté de rester, et à un bal du 1er-Mai. Tout reste à faire…

NOTRE-DAME-DES-LANDES: «LE REFERENDUM ÉTAIT PIPÉ»

Reporterre – 27 juin 2016 :

Dimanche 26 juin, le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes a remporté plus de 55 % d’avis favorables lors d’une consultation organisée en Loire-Atlantique. Les opposants dénoncent un scrutin manipulé et rappellent que les recours juridiques contre le projet ne sont pas épuisés. Ils sont déterminés à poursuivre leur combat, malgré la menace d’expulsion qui pèse sur la Zad.

Les résultats définitifs de la consultation sur le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, qui s’est déroulée dimanche 26 juin en Loire-Atlantique, sont tombés aux alentours de 23 h. 55,17 % des votants se sont dits favorables au « projet de transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique sur la commune de Notre-Dame-des-Landes ». Le taux de participation dépasse les 50 %.

Ce résultat cache d’importantes disparités. A Notre-Dame-des-Landes, 73,6 % des votants ont glissé un bulletin « non » dans l’urne. De même que dans les communes alentours, comme à Grandchamps-des-Fontaines (66,57 %), Casson (63,53 %) ou Vigneux-de-Bretagne (69,42 %). À Nantes, le « oui » l’a emporté de justesse avec seulement cent voix d’avance.

A la Vache-Rit, on dénonce une consultation « illégitime »

« Il y a tout à la Zad, même des soirées électorales ! » Dans le hangar de la Vache-Rit, le QG des opposants, la retransmission d’une émission télé en direct a quelque chose d’incongru. Le brouhaha des zadistes, paysans et opposants rameutés par l’annonce des résultats couvre les commentaires des pro et anti-aéroport sur le plateau d’invités de la télévision.

Les mines sont soucieuses, quand d’autres rappellent que toute le monde a admis depuis des mois que l’issue de ce référendum ne change rien sur le terrain. Mais certains avaient le secret espoir que la consultation voie le Non l’emporter et que le gouvernement abandonne ainsi le projet. « On ne va pas faire des commentaires et des analyses sur le chiffre, encore moins commencer à détailler commune par commune. Cette consultation qui est plutôt un sondage grandeur nature est illégitime, un point c’est tout, dit un paysan. On pouvait s’y attendre. Ce n’est qu’un étape qui nous ramène à la situation d’avant ce « sondage » ».

Autour, les conversations vont bon train :

« Ce qui m’impressionne c’est le taux de participation : 51 %, j’aurais pas cru autant, dit un autre paysan.
– N’empêche que il y a des résultats paradoxaux, les communes impactées, autour de Notre-Dame-des-Landes et autour du site de l’actuel aéroport n’ont pas un vote inverse mais disent plutôt non à Notre-Dame-des-Landes, lâche un barbu hirsute.
– Oui, mais les résultats par commune, c’est de l’anecdote, d’intérêt purement local. L’objectif de ce vote c’était de chercher une légitimité. C’est bien joué. Et après on entend les pro-aéroport demander d’être « beau joueur », rétorque une trentenaire avec un beau coup de soleil sur le front.
– Mais non, finalement c’est peut être une bonne nouvelle : si le non l’avait emporté, l’abandon du projet aurait rendu très difficile la mobilisation unanime pour défendre la Zad, on aurait manqué de soutiens. Là c’est clair, on revient au rapport de force tel qu’il est en place depuis des mois, tente un barbu à lunettes rondes.
– Bonne nouvelle, bonne nouvelle, c’est vite dit : ça n’aurait pas été mal d’arracher une victoire, un retrait du projet, comme exemple pour d’autres luttes contre des grands projets inutiles », insiste un paysan.

Un mélange de déception, de détermination et de cohésion

Les visages disent un mélange de déception pour ceux qui ont voulu croire en une issue des urnes, et une détermination évidente, voire une nécessité de la cohésion pour des jours de résistance. Chacun a sa théorie sur les scénarios probables : intervention policière à l’automne ou surtout pas en cette période de début de campagne des présidentielles. Le bâton merdeux à refiler au prochains locataires de l’Élysée et de Matignon.

Dominique Fresneau, de l’ACIPA : « Le processus et le contenu de cette consultation étaient fondamentalement biaisés »

Une déclaration commune au mouvement est lue à deux voix par Mathilde la zadiste et Dominique Fresneau le président de l’Acipa : « Comme l’avaient démontré les différentes composantes du mouvement, le cadre, le processus et le contenu de cette consultation étaient fondamentalement biaisés. Celle-ci était basée sur une série de mensonges d’État et radicalement inéquitable. Il ne s’agissait pour nous que d’une étape dans la longue lutte pour un avenir sans aéroport à Notre-Dame-des-Landes.

 Cette lutte se poursuit dès ce soir. Nous savons que les attaques du gouvernement et des pro-aéroport vont se renforcer. De notre côté, nous n’allons pas cesser pour autant d’habiter, de cultiver et de protéger ce bocage. Il continuera à être défendu avec la plus grande énergie parce qu’il est porteur d’espoirs aujourd’hui indéracinables face à la destruction du vivant et à la marchandisation du monde. Nous appelons tous les soutiens et comités partout en France et au-delà à se mobiliser et à redoubler de vigilance dans les semaines et mois à venir. Il n’y aura pas d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes ». Avant d’appeler à converger massivement à Notre-Dame-des-Landes pour le rassemblement estival anti-aéroport, les 9 et 10 juillet.

« L’agglomération nantaise ne réclame pas à corps et à cris le départ de l’aéroport de Nantes-Atlantique »

Jointe par téléphone, Françoise Verchère, membre du Collectif d’élus doutant de la pertinence de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Cédpa) tire « des enseignements très intéressants » du résultat de la consultation : « Les communes situées à proximité du projet d’aéroport ont voté non. Mais dans d’autres communes, à qui on a dit qu’il n’était pas possible de garder l’aéroport de Nantes-Atlantique, le résultat est moins clair. Saint-Sébastien-sur-Loire a voté non et à Bouguenais, ma commune, très impactée par le bruit des avions, le score est serré. L’agglomération nantaise est loin de demander le départ de l’aéroport à corps et à cris. Cette consultation ne règle rien. »

Yves Riou, membre du collectif des Naturalistes en lutte, se dit « déçu mais pas étonné » par la victoire du « oui ». « Le référendum était pipé, assure-t-il. Le périmètre a été défini à partir de sondages favorables au projet. Les moyens des partisans et des opposants n’étaient pas équivalents. Des structures comme Des ailes pour l’Ouest avaient derrière eux une partie du patronat du BTP. Nous, nous avons fait campagne avec l’argent des militants. » Quant au document officiel d’information, « il ne reprenait pas les arguments des militants et était plus proche des pro que des anti-aéroports », accuse M. Riou.

Guy Bourlès, de la Ligue de protection des oiseaux (LPO), conteste lui aussi le bien-fondé de la consultation : « Il y a déjà eu un débat public en 2003, puis une enquête publique en 2006. Elle a recueilli de nombreux avis défavorables, mais on est passé outre. Et là, dix ans après, on demande de nouveau leur avis aux habitants ? Ces consultations n’ont pas de grand sens démocratique et ne permettent pas un choix éclairé formé sur la base d’information sûres. »

Des recours juridiques toujours en suspens

Les opposants vont poursuivre leur combat « de la même façon, avec des recours juridiques et des mobilisations de terrain », assure M. Bourlès. Les recours sur la loi sur l’eau et sur les espèces protégées sont toujours à la Cour administrative d’appel, qui pourrait trancher « en septembre ou octobre ». Une fois ces recours nationaux épuisés, les recours au niveau européen prendront le relais. Enfin, le projet doit faire l’objet d’une « évaluation environnementale globale » qui doit être validée en octobre, conformément au schéma de cohérence territoriale (Scot) de Nantes-Saint-Nazaire. « On est au milieu du gué », conclut l’opposant.

Pour François de Beaulieu, des Naturalistes en lutte, le résultat de la consultation « n’enlève rien au fait que ce projet est un mauvais projet, et qu’il tombera pour cette raison ». Par exemple, les mesures compensatoires prévues sont « infaisables » : « Pour compenser la destruction de zones humides et d’espèces protégées, les promoteurs doivent créer des prairies permanentes sur des terres agricoles dans le cadre de contrats avec des agriculteurs, explique-t-il. Ces mesures doivent être engagées avant le début des travaux, sinon le chantier ne peut pas démarrer. Mais les promoteurs sont incapables de trouver des paysans prêts à signer ces contrats, soit parce qu’ils sont opposés au projet, soit parce que ce n’est pas compatible avec l’organisation de leurs exploitations ! »

La compensation de la destruction de zone humide : une tâche impossible

Autre point épineux du dossier, la biodiversité. Le préfet de Loire-Atlantique a préparé un arrêté de dérogation permettant la destruction du campagnol amphibie. Mais entre-temps, les Naturalistes en lutte ont découvert à Notre-Dame-des-Landes d’autres espèces protégées, comme le triton de Blasius et la cicendie. « Le préfet va devoir prendre des arrêtés pour ces espèces, que nous attaquerons », prévient M. de Beaulieu.

Pour les partisans du projet, un « résultat incontestable »

Des ailes pour l’ouest : « Maintenant, il faut que les choses se fassent »

Des menaces balayées par les partisans du projet d’aéroport. « Ce résultat est incontestable, il n’est pas possible de continuer à s’opposer comme si la consultation n’avait pas existé, estime Pascal Bolo, premier adjoint à la maire de Nantes. Le territoire a gagné, l’agglomération et le grand Ouest vont pouvoir continuer à grandir avec une infrastructure moderne, correctement dimensionnée et conforme aux exigences de la COP21 ».

« Je n’ai jamais entendu parler de ces recours sur la loi sur l’eau et les espèces protégées, ni au niveau européen, déclare André Taméza, de l’association Des ailes pour l’Ouest. Le projet a déjà fait l’objet de 155 ou 156 recours qui ont tous été rejetés en appel. Il a été jugé comme conforme. Maintenant, il faut que les choses se fassent. » Le partisan du nouvel aéroport espère que le chantier « s’engage en novembre prochain ».

Reste la question de l’évacuation de la Zad. « Il faut une approche républicaine des choses. Les élus écologistes et les députés européens qui apportent leur soutien aux zadistes doivent appliquer la loi, juge M. Taméza. Il faut qu’ils leur demandent de rentrer chez eux, même si ce n’est pas facile. C’est à ceux qui ont allumé la mèche de l’éteindre. »

L’évacuation de la Zad ? « Bon courage ! »

Pascal Bolo se montre plus prudent. « Il n’y aura pas de début des travaux avant l’évacuation de la Zad, et l’on sait que cette évacuation va être compliquée, redoute-t-il. C’est pour cela que nous ne sommes pas dans une posture où nous posons un ultimatum au gouvernement. Il serait déraisonnable d’expulser la Zad dès la semaine prochaine. Mais j’espère quand même que l’attente ne va pas durer trop longtemps, parce qu’on donnerait l’impression aux gens de les avoir fait se déplacer pour voter et qu’ensuite il ne se passe rien. »

François de Beaulieu : « On ne chasse pas comme ça des centaines de personnes et des centaines d’animaux domestiques soutenus par des milliers de personnes », avertit de son côté François de Beaulieu. Nous verrons si l’exécutif arrive à évacuer les lieux, compte tenu de la résistance qui lui sera opposée et de l’absence de légitimité juridique du projet, tant que tous les recours ne seront pas épuisés. » Guy Bourlès l’affirme : « Localement, tout le monde est prêt pour cette échéance. Il va y avoir de la tension. Ségolène Royal l’a dit à Manuel Valls : bon courage ! »