𝐁𝐞́𝐚𝐫𝐧 𝐓𝐨𝐭𝐚𝐥 : Comment les anciens ou salariés de chez 𝐓𝐨𝐭𝐚𝐥𝐄𝐧𝐞𝐫𝐠𝐢𝐞𝐬 irriguent le tissu associatif

Sud-Ouest – le 28/10/2023 :

Michel Javault est président d’Habitat et Humanisme depuis juin 2022. Des fonctions qu’il occupait seulement six mois après la prise de sa retraite de chez TotalEnergies. © Crédit photo : Quentin Top/ « Sud Ouest »

Nombre de retraités du groupe TotalEnergies occupent des postes à responsabilité dans le monde associatif béarnais. Mais l’entreprise offre également du temps de travail de ses salariés à plusieurs structures

A tous les étages. On trouve d’actuels ou anciens salariés de TotalEnergies partout dans le monde associatif béarnais. À cela, tout d’abord, une raison évidente : l’entreprise est le plus gros employeur privé du Béarn.

Chez TotalEnergies, Michel Javault œuvrait au consulting interne, avant de devenir aujourd’hui président d’Habitat et Humanisme Pyrénées Adour. « Dans mon activité, j’accompagnais les équipes dans le changement ou pour donner un coup de main sur un projet », situe le retraité de 66 ans. Son poste l’a amené sur des terrains parfois surprenants, à l’instar de l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations au Gabon en 2017 en l’espace de quatre mois seulement. Une compétition dont TotalEnergies est le premier partenaire.

(…)

En politique aussi

En politique aussi, les actuels ou anciens de chez TotalEnergies sont représentés. « Je suis toujours dans les effectifs », souligne Patrice Laurent, maire de Mourenx et président de la Communauté de communes de Lacq Orthez. Celui qui a démarré comme opérateur dans la pétrochimie pour finir à la communication est en effet en congés sans solde depuis dix ans. « Je ne connais pas beaucoup de boîtes qui permettent cela, fait remarquer l’élu de 56 ans. J’ai abordé les dernières élections municipales avec une grande sérénité. Car ce n’était pas un enjeu de vie. »

À POLYTECHNIQUE, LA GREFFE AVEC TOTAL NE PREND PAS

Reporterre – le 28 janvier 2020 :

arton19509-634beEn décembre 2019, les élèves de la prestigieuse École polytechnique ont appris que Total allait délocaliser une partie de sa direction sur le campus. Nombre d’entre eux luttent depuis contre l’installation du groupe pétrolier, qui finance déjà une chaire d’enseignement.

  • Palaiseau (Essonne), reportage

C’est un réveil difficile pour les élèves de l’X, à l’aube de la construction d’un bâtiment du géant pétrolier et gazier Total au pied de leurs résidences et de leurs amphithéâtres. Le bâtiment, dont la construction doit débuter en début 2020, devrait accueillir la direction de la recherche et innovation de l’entreprise ainsi que des laboratoires de recherche, pour un effectif d’environ 250 personnes employées par le groupe. Il se situera à 50 mètres de la cantine de l’École polytechnique, fréquentée par l’ensemble du personnel, des chercheurs, des élèves et des professeurs, ainsi qu’à 200 mètres des logements des élèves.

« Jamais un centre de recherche privé et encore moins une direction d’entreprise entière ne se sont installés à l’intérieur du campus », dénoncent des élèves engagés contre la construction du bâtiment, dans une note récapitulative publiée début janvier 2020. Ils déplorent le manque de communication sur le projet. « C’est seulement en décembre 2019, alors qu’un article est publié dans le journal des élèves par un membre du Bureau des élèves pour présenter le bâtiment, que la majorité des élèves a entendu parler pour la première fois de ce projet. » Pourtant, Patrick Pouyanné, le PDG de Total et ancien élève de Polytechnique, fit officiellement part de son projet dès avril 2018, dans une lettre adressée à la direction de l’École, et celui-ci fut adopté le 21 juin 2018 en conseil d’administration par les administrateurs — dont Patrick Pouyanné fait partie.

« L’entreprise bénéficiera d’un accès privilégié aux élèves d’une école qui a vocation à former des ingénieurs au service de l’intérêt général »

L’entreprise finance également, depuis novembre 2018, une chaire d’enseignement, soit un programme de collaboration entre l’École et les industriels, intitulée « défis technologiques pour une énergie responsable ». La chaire est financée à hauteur de 3,8 millions d’euros par Total et concerne deux domaines de recherches : les matériaux et systèmes de stockage et les microréseaux intelligents. Et le programme comporte deux aspects : la recherche et l’enseignement, via des cours spécifiques dispensés à des étudiants. « Cette chaire est en principe un sujet distinct du bâtiment. Elle ne peut pourtant pas être détachée du dossier pour plusieurs raisons. Elle a été négociée en même temps que le bâtiment et elle est un autre élément de la présence de Total à l’École polytechnique », explique la note récapitulative des élèves.

La résidence des élèves de Polytechnique.

De nombreux élèves de l’X se sont exprimés contre la construction du nouveau bâtiment. Un vote sur la position des élèves vis-à-vis du projet a été organisé par le bureau des élèves en décembre. Rassemblant 70 % de participation, il a recueilli 61 % de voix contre et 20 % de voix pour. « Une telle proximité de Total pose des questions. L’entreprise bénéficiera d’un accès privilégié aux élèves d’une école qui a vocation à former des ingénieurs au service de l’intérêt général. Alors que les élèves auront leur rôle à jouer dans la politique énergétique française, en tant qu’ingénieur, conseiller ou décideur, l’influence directe et assumée de Total peut inquiéter », estiment-ils dans leur note.

Charles [*], un ancien élève de l’école qui continue de suivre ces questions, dit à Reporterre : « Ce projet représente une étape de plus dans le lobbying de Total auprès des écoles d’ingénieurs. Rien d’étonnant lorsque l’on sait que Total a beaucoup de mal à embaucher des cadres à cause de sa responsabilité dans le changement climatique. Ma lecture des choses, c’est que Total mène une opération de recrutement. » Par exemple, l’entreprise pourrait « profiter d’une forme d’inertie lorsque les élèves voudront chercher des stages : en chemin vers leur résidence, ils tomberont nez à nez avec le bâtiment ».

Un point de vue que partage Renan [*], un élève actuel de l’X qui se mobilise également contre la construction du bâtiment : « S’ils s’installent là, ce n’est pas anodin. Ils ne viennent pas pour jouer aux cartes — ils viennent là pour faire du lobbying. » Nombre d’élèves actuels ne semblent pourtant pas prêts à se laisser séduire par l’entreprise. Gaspard [*] ne pourrait « clairement pas y travailler à l’avenir. Total ne fait pas partie des acteurs de demain ». Alexandre [*], quant à lui, compte plutôt travailler dans la fonction publique. « Une entreprise comme Total me dérangerait en matière de valeurs », confie-t-il à Reporterre.

« Polytechnique ne peut pas prétendre former ses étudiant.es à construire le futur, tout en ouvrant grand les portes à un acteur qui ne leur en réserve aucun »

Pour Renan, « c’est très étonnant de voir la rétention d’information de l’administration. On n’a jamais eu de clarification concernant la différence entre la chaire et le bâtiment. J’émets énormément de réserves sur le fait qu’ils ne nous disent rien. Ça été communiqué sur le site… Mais qui, à l’X, va sur le site ? »

Malgré la mobilisation tardive, Renan est « heureux de pouvoir débattre des projets ». Pour lui, il faut continuer la mobilisation, « pour que toutes les personnes concernées sachent ce qui est en train de se passer. L’essentiel est de diffuser au sujet de ce problème, qui est plus général et qui s’applique aux autres grandes écoles ».

Le plan de l’École polytechnique et l’emplacement du futur bâtiment de Total.

Le 22 janvier 2020, l’ONG 350.org a soutenu la mobilisation en publiant une pétition sur son site. Signée par près de 6.000 personnes en l’espace de quelques jours, elle soutient la mobilisation des polytechniciens contre le bâtiment et élargit leur dénonciation à « tous les liens [de l’école] avec le géant Total ». Ses demandes : « L’abandon total » du projet de construction du bâtiment, « la suspension de Patrick Pouyanné, PDG de Total, du conseil d’administration de Polytechnique » ainsi que « la fin de la chaire d’enseignement et de recherche que Total a négociée dans la foulée en 2018  ».

« Polytechnique ne peut pas prétendre former ses étudiant.es à construire le futur, tout en ouvrant grand les portes à un acteur qui ne leur en réserve aucun. […] Nous refusons que Polytechnique soit instrumentalisée à ces fins alors que la dynamique pour contrer l’influence de cette industrie n’a jamais été aussi forte, en témoigne la moitié des universités ayant coupé leurs liens avec l’industrie fossile au Royaume-Uni ou les 1.150 autres institutions à travers le monde », explique l’ONG.

Pour Raphaël de Rasilly, le directeur de la communication adjoint de l’École polytechnique, rencontré par Reporterre sur le campus, « on n’est pas dans le même temps que les élèves ». Ces derniers se sont manifestés en décembre 2019, alors que la décision a été prise en conseil d’administration en début 2018, lorsque « des représentants d’association [responsables des relations extérieures du Bureau des élèves et membres de l’association Développement durable] se sont exprimés et la décision a été prise de manière transparente, à l’unanimité ».

 « On ne veut pas être frontal avec les élèves et continuer les discussions »

Cet écart temporel s’expliquerait à la fois, selon Raphaël de Rasilly, par la « transmission d’année en année du flambeau des associations », dont la promotion de l’année 2018 n’aurait pas fait un compte rendu dans le journal, mais aussi du fait que le changement climatique « n’était pas un sujet à ce moment-là ». Selon lui, « 2019 a été une année de forte mobilisation pour le climat, après la publication du Manifeste étudiant pour un réveil écologique également signé par des élèves de l’X. Les élèves se sont davantage engagés sur la question climatique, ce qui fait que lorsqu’ils ont pris connaissance en décembre des projets de Total, dans un article du journal, ça les a réveillés — ce qui nous a pris un peu de court », admet-il.

Pour Phillipe Drobinski, qui porte et coordonne la chaire d’éducation financée par Total, « on n’a pas d’autre choix » que de travailler avec les industriels. « Face à l’urgence climatique, les interactions entre chercheurs et industriels sont importantes. On doit travailler avec tout le monde. » Selon le climatologue, « la recherche doit participer à la décarbonation avec l’ensemble des acteurs — ça serait assassin de ne pas travailler avec ces compagnies, alors que l’horloge tourne ».

La maquette du bâtiment que Total doit construire sur le campus.

« La réaction des élèves est légitime, c’est important qu’ils interpellent. Je ne peux que cautionner ça — c’est un bon signe », estime le professeur. En revanche, il déplore « une posture idéologique qui freine les processus de transformation. C’est un âge où on voit les choses de manière plus antagoniste », estime-t-il. Son programme, au contraire, lui semble découler d’une « approche plus pragmatique, alimentée par des analyses objectives de la réalité des choses ».

La suite du projet reste incertaine. « On ne veut pas être frontal avec les élèves et continuer les discussions », affirme Raphaël de Rasilly, qui veut croire qu’« il n’y a pas de guerre entre les élèves et l’administration ». Cependant, il ne peut pas garantir de marge de négociation quant à la construction ou non du bâtiment de Total : « Je pense qu’il va se réaliser. » Le bâtiment est prévu pour ce début d’année 2020, mais « avec les délais de chantier, les travaux peuvent aussi bien commencer dans six mois ». Le temps pour les Polytechniciens d’empêcher le passage en douce de Total au cœur de leur université ?


Reportage Arte :


TOTAL ET LE CLIMAT : LES MASQUES TOMBENT

Observatoire des multinationales – le :

arton1370.jpgÀ l’occasion de l’assemblée générale annuelle de Total, le grand écart est plus évident que jamais entre les prétentions du groupe à être une « major pétrolière responsable », alignée sur les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat, et le cynisme avec lequel il poursuit l’exploitation de nouveaux gisements de pétrole et de gaz partout sur la planète. Nouveau rapport de « Notre affaire à tous » avec plusieurs partenaires dont l’Observatoire des multinationales.

Face au changement climatique, c’est un peu comme si les dirigeants de Total avaient voulu appliquer la stratégie de l’« en même temps » chère à Emmanuel Macron. Le groupe pétrolier français, qui figure parmi les champions mondiaux des gaz à effet de serre (avec 0,9% à lui seul de toutes les émissions mondiales), s’affiche désormais comme un pionnier de la transition énergétique, avec des activités dans le solaire, la fourniture de gaz et d’électricité « verts », ou encore les batteries. Il promet que sa stratégie est compatible avec un réchauffement des températures globales contenu sous la barre des 2°C. Et « en même temps », il continue à investir des milliards d’euros ou de dollars pour développer de nouveaux gisements de pétrole et de gaz.

La réalité cruelle qui finit généralement par rattraper les tenants de l’« en même temps » est que les directions poursuivies simultanément ne sont pas forcément compatibles entre elles. En l’occurrence, elles sont même totalement contradictoires.On ne peut pas prétendre sauvegarder le climat tout en continuant à brûler du gaz et du pétrole pour les décennies à venir. Et il suffit de gratter un tout petit peu derrière les slogans publicitaires et les discours publics pour voir que les dirigeants de Total le savent très bien. Le rapport Total : la stratégie du chaos climatique, publié ce 29 mai à l’occasion de l’assemblée générale de Total par « Notre affaire à tous », 350.org et les Amis de la Terre, avec le soutien de Attac France, de Sherpa, des Eco maires et de l’Observatoire des multinationales, vient le montrer une fois de plus.

Grand écart entre les discours et les actes

Soumis à la pression du mouvement pour le désinvestissement des énergies fossiles et désireux d’éviter des mesures politiques contraignantes, Total avait publié pour la première fois en 2016 une « stratégie climat ». Celle-ci était censée prouver que le groupe pétrolier pouvait poursuivre ses activités dans les hydrocarbures tout en restant dans une trajectoire compatible avec les objectifs de l’Accord de Paris. Un tel tour de passe-passe ne pouvait faire illusion qu’au prix de multiples omissions et contorsions, décortiquées dans un rapport de l’Observatoire des multinationales et 350.org, intitulé Total : une « stratégie climat » en trompe-l’oeil. Citons notamment Total_fb_img_art - copi2e.jpgla promotion du gaz (et notamment du gaz de schiste) comme une énergie « bas carbone », en escamotant la question des émissions de méthane qui rendent cette source fossile peut-être aussi nocive que le charbon, ou encore l’hypothèse implicite d’un déploiement massif, dans l’avenir, de technologies de « capture et stockage du carbone » pour retirer le CO2 émis par Total de l’atmosphère. Des technologies qui n’existent pas aujourd’hui, (?????) et dont beaucoup pensent qu’elles ne seront jamais viables…

NDLR : Voir Stockage de co2 à Jurançon + autres projets en Norvège, Pays Bas, États-Unis … http://co2.jurancon.blog.free.fr

Des technologies qui existent bel et bien depuis au moins une dizaine d’années ! et qui mériteraient davantage d’opposition car ce sont de véritables fausses solutions.

Il serait temps que les grandes associations écologistes nationales parlent enfin de « CLIMAT » … dans le détail ! 

Cela aiderait les écologistes (et pas les industriels, indirectement)

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TOTAL.jpgEntre-temps, les dirigeants de Total ont continué à miser sur le développement massif du gaz de l’Arctique russe, avec les projets Yamal LNG et Arctic LNG 2 (lire Yamal LNG : comment les intérêts de l’industrie pétrolière continuent à primer sur la sauvegarde du climat… et sur les sanctions commerciales), ainsi que sur celui du gaz de schiste américain et de son importation en Europe (lire Alors qu’une nouvelle cargaison arrive en France, Total mise gros sur le gaz de schiste américain). Ils poursuivent leurs projets pétroliers au large du Brésil et sur le continent africain, aussi bien dans les pays d’implantation historique de Total comme l’Angola ou le Nigeria que dans de nouveaux terrains de chasse comme la région du Grands Lacs ou le Mozambique. Leur projet « vert » emblématique en France, la reconversion de la raffinerie de La Mède vers les agrocarburants, est sous le feu des critiques car cette production sera essentiellement basée sur de l’huile de palme, sans garantie solide qu’elle ne contribue pas à la déforestation (lire La raffinerie de Total à La Mède convertie à l’huile de palme).

Autant de choix qui ne sont pas innocents politiquement. Le PDG Patrick Pouyanné a fait des courbettes aussi bien devant Donald Trump, mettant en exergue ses investissements dans l’industrie pétrochimique aux États-Unis, que devant Vladimir Poutine, président d’une Russie devenue le premier pays de production de Total, et devant la famille royale saoudienne. Il a aussi été le premier dirigeant d’une multinationale occidentale à rendre visite au nouveau président brésilien après la destitution forcée de Dilma Rousseff.

Manque de sérieux

L’analyse effectuée par « Notre affaire à tous » et ses partenaires suggère que les dirigeants de Total prennent de moins en moins la peine de se cacher. Le premier « plan de vigilance » publié par le groupe l’année dernière, dans le cadre de l’application de la loi sur le devoir de vigilance des multinationales (lire ici), ne mentionnait même pas le changement climatique. Dans les documents publiés à l’occasion de l’assemblée générale annuelle 2019, Total prétend dans certaines pages inscrire sa stratégie de développement dans le cadre d’un scénario de l’Agence international de l’énergie (AIE) limitant le réchauffement des températures à 2°C à l’horizon 2100. Mais dans d’autres pages, le groupe pétrolier admet se baser sur un autre scénario de l’AIE, dit « business as usual », menant vers un réchauffement compris entre 2,7 et 3,3°C… « [Total entretient] délibérément la confusion entre les différents scénarios de l’AIE afin de justifier des investissements massifs dans la production de gaz et de pétrole », dénoncent les auteurs du rapport.

Les cinq objectifs concrets déclinés par Total (réduire le torchage de gaz, améliorer son efficacité énergétique de 1% par an, réduire l’intensité carbone de ses produits de 15% d’ici 2030, réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 13% d’ici 2025, réduire les émissions fugitives de méthane) illustrent son peu de sérieux sur la question du climat, au-delà des effets d’affichage.Aucun ne va au-delà de l’horizon 2030. Il n’est question que d’une réduction très modeste et relative de l’impact climatique du groupe, alors même que la plupart des objectifs officiels visent désormais explicitement la neutralité carbone. Le Giec (Groupe international d’experts sur le climat) estime par exemple que pour avoir 50% de chances de limiter le réchauffement à 1,5°C et 85% de chances de le limiter à moins de 2°C d’ici la fin du siècle, les émissions globales de gaz à effet de serre doivent être réduites d’au moins 45% d’ici 2030 par rapport à 2010, et atteindre la neutralité carbone en 2050.

Total peut-elle encore être une entreprise respectable ?

Les derniers documents de Total sur le climat continuent à reposer implicitement sur un déploiement très hypothétique de technologies de capture et stockage du carbone, de même que sur le développement des agrocarburants. Comme d’autres majors pétrolières récemment, Total annonce aussi des investissements de 100 millions de dollars par an dans des « puits de carbone » – autrement dit des programmes de forestation en Afrique et ailleurs pour compenser ses émissions. Alors que projets actuels de protection de la forêt ou de reboisement au bénéfice des multinationales sont déjà accusés d’être peu efficaces [1] et de réduire l’accès aux ressources des communautés locales, beaucoup craignent que des programmes aussi massifs n’entraînent une nouvelle vague d’accaparement des terres.

Après s’être plongés dans ses comptes annuels, les auteurs du rapport La stratégie du chaos climatique confirment la disproportion entre les investissements de Total dans le pétrole et le gaz – 9,2 milliards de dollars en 2018 – et ceux dans le secteur décrit comme « bas carbone » – seulement 0,5 milliard au total, y compris pour des projets qui n’ont pas grand chose de vert. Ce n’est pas l’annonce récente de l’acquisition des gisements de pétrole et de gaz d’Anadarko en Afrique pour 8,8 milliards de dollars qui risque d’inverser la tendance en 2019.

Si le groupe pétrolier fait tant d’efforts de communication pour se présenter en « major pétrolière responsable », s’il finance abondamment des musées et des notre-dame-marques-720x528.pnguniversités (et aujourd’hui la reconstruction de Notre-Dame) et s’engage dans tous les « pactes » possibles et toutes les initiatives vertes destinées au secteur privé, c’est que cette aura de respectabilité la protège des conséquences concrètes de ses actes. Or, comme le rappelle « Notre affaire à tous », « la différence entre 1°C, 1,5°C et 2°C se chiffre en centaines de millions de vies ». En mettant en lumière « la stratégie du pire assumée par Total », les militants du climat souhaitent faire tomber les masques, pour que l’entreprise elle-même, mais aussi tous ses partenaires et les pouvoirs publics, soient enfin mis face à leurs responsabilités. Tout laisse à croire qu’il y a urgence.

Comment les géants du pétrole cherchent à « capturer les discours » sur le climat

Observatoire des multinationales – le 22 mars 2019 :

arton1347ExxonMobil, Chevron, BP, Shell et Total dépensent près de 200 millions de dollars par an en publicité pour se doter d’une image positive sur l’enjeu du climat. Dans le même temps, les géants du pétrole continuent à faire du lobbying, directement et via leurs associations professionnelles, pour éviter toute politique ambitieuse de limitation des énergies fossiles.

L’ONG InfluenceMap s’est fait une spécialité de décortiquer les stratégies de lobbying et les doubles discours des géants de l’énergie (voir notre précédent article). Elle réitère aujourd’hui avec un nouveau rapport analysant dans le détail la stratégie d’influence déployée, depuis la signature de l’Accord de Paris sur le climat fin 2015, par les cinq principales majors pétrolières : ExxonMobil, Chevron, BP, Shell et Total.

Le charbon, le pétrole et le gaz sont de loin la première source d’émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial. Naturellement, les multinationales qui extraient et vendent ces hydrocarbures se sont retrouvées sommées de se justifier de leur responsabilité dans la crise climatique. Après avoir longtemps dénié le problème, elles ont fini par changer de stratégie (surtout en ce qui concerne les majors européennes), et préfèrent désormais donner au public une image plus positive sur le sujet… mais sans vraiment changer de pratiques.

« Capturer le discours »

L’un des principaux enseignements du rapport d’InfluenceMap est que les 5 géants du pétrole dépensent désormais autant d’argent – environ 200 millions dollars par an – en campagnes promotionnelles destinées à améliorer leur réputation sur l’enjeu climatique (ce que les auteurs appellent « climate branding ») qu’en lobbying proprement dit sur les dossiers liés au climat. Mais en réalité, ces campagnes sont elles aussi une forme de lobbying, puisqu’elles visent souvent à

« capturer le discours climatique » en détournant l’attention du public et en positionnant Total, Shell et compagnie comme les seuls experts sérieux sur le sujet.

Une stratégie typique des majors consiste à insister lourdement dans leur communication sur des initiatives « vertes » très modestes, pour mieux passer sous silence leurs investissements massifs dans de nouveaux gisements de pétrole et de gaz. Exemple caricatural : ExxonMobil vante auprès du public ses agrocarburants à base d’algues, mais les objectifs qu’elle s’est fixée dans ce domaine à l’horizon 2025 correspondent à … 0,2% de sa capacité de raffinage. InfluenceMap estime ainsi que les cinq majors ne consacrent que 3% de leurs capitaux aux énergies « bas carbone ». Bien moins que ce qu’on pourrait espérer au regard de leur effort publicitaire…

Le terme même d’énergie « bas carbone », abondamment utilisé par les industriels, est une manière de créer de la confusion en mettant dans le même sac différentes technologies pas forcément très vertes et pas forcément renouvelables, comme le gaz naturel, les agrocarburants et quelques autres. Autant de manipulations que nous avions documentées dans notre analyse de la Stratégie climat publiée il y a deux ans par Total (lire Total : une « stratégie climat » en trompe-l’oeil).

Lobbying 2.0

Dans le même temps, ces mêmes majors pétrolières ne se gênent pas pour poursuivre leur travail de sape contre toute politique ambitieuse de lutte contre le changement climatique, qui impliquerait de mettre un frein à leur développement. Mais elles le font

principalement via leurs associations professionnellesautrement dit les lobbys du secteur pétrolier – plutôt qu’en leur nom propre.

Une manière de préserver l’image verte qu’elles se sont payée, sans rien céder sur le fond. L’une des plus puissantes de ces associations professionnelles est l’American Petroleum Institute, dont sont membres les cinq majors (Total siège même à son conseil d’administration). C’est cette structure qui a mené la charge auprès de Donald Trump pour demander – et obtenir – l’abandon des régulations adoptées par l’administration Obama sur les émissions de CO2 et de méthane. C’est également ainsi que Total, tout en déclarant officiellement son soutien à un prix du carbone, peut pousser exactement en sens inverse via sa participation à l’American Petroleum Institute, à American Fuel and Petrochemical Manufacturers ou à la Canadian Association of Petroleum Producers.

Ce lobbying prend aujourd’hui de nouvelles formes. À l’occasion des élections de mi-mandat de 2018 aux États-Unis, les majors pétrolières ont non seulement financé les campagnes électorales de candidats démocrates et (surtout) républicains, comme elles le font depuis toujours. Elles ont aussi dépensé plusieurs millions de dollars en publicités ciblées via Facebook ou Instagram dans plusieurs États « sensibles ». Comme le Texas où le sénateur républicain sortant était menacé, ou encore le Colorado, l’Alaska et Washington, qui avaient mis au vote des résolutions limitant le développement de l’industrie pétrolière et gazière. Pour cette fois, elles ont à chaque fois gagné.

COMMENT BIEN FAIRE MARRER LES BRETONS…

Mais pas que …

La République des Pyrénées – le 17 septembre 2018 :

TOTAL MISE SUR LES HUITRES POUR DÉTECTER LA POLLUTION

Total soutient les travaux d’un petit laboratoire d’Arcachon qui utilise l’huître comme une vigie des pollutions marines.

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Jean-Charles Massabuau scrute dans un aquarium le comportement d’une douzaine d’huîtres connectées à des électrodes.

Un simple mouvement de valve… et l’huître devient vigie des pollutions marines, dans l’Arctique ou le Golfe, grâce aux travaux d’un petit laboratoire à Arcachon.Une découverte qui intéresse fortement le groupe Total qui a organisé des tests sur le site de Lacq.

Le mollusque bivalve «est très bien outillé pour goûter la qualité de l’eau qu’il filtre toute la journée» et réagir à la moindre fuite d’hydrocarbure émanant de plateformes offshore ou de raffineries dans les estuaires de l’hexagone, Jean-Charles Massabuau, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Il planche sur le sujet depuis 2011.       (   !   )

Des tests réalisés à Lacq

TOTAL.jpgEntre paillasses et microscopes, le biologiste scrute dans l’aquarium le comportement d’une douzaine d’huîtres connectées à des électrodes. Ici, on applique la «méthode valvométrique» permettant de mesurer en temps quasi réel les cycles d’ouverture et de fermeture des valves de l’huître. Objectif: déterminer à distance l’état de santé de l’animal pour fabriquer un indicateur de la qualité de l’eau. «L’électrode collé sur la valve envoie des signes à chaque mouvement, relayés par un ordinateur qui les transforme en alerte», explique le scientifique.

La réponse du mollusque est immédiate et d’autant plus forte que la concentration de pétrole est élevée. Une observation éprouvée en mer de Barents, et dans les canaux artificiels du site de Total à Lacq. Car Total n’a pas tardé à s’intéresser aux travaux de cette petite cellule de biologistes, mathématiciens et informaticiens, lui apportant son soutien financier. La valvométrie est un outil prometteur «pour le suivi industriel de la qualité des milieux aquatiques autour de nos installations», et pour une détection «très précoce» de possibles fuites «silencieuses», assure Philippe Blanc, responsable de la lutte anti-pollution, chez Total.

Des huîtres sous les plateformes

La multinationale, partenaire du laboratoire depuis 2012, a donc conclu «des accords contractuels» avec l’Université de Bordeaux et le CNRS, pour amener cette technologie «au niveau d’un outil industriel performant, fiable et reconnu». Une collaboration, représentant «un investissement en dépenses externes d’environ 1,7 million d’euros», selon Total.

Après un premier «pilote» sur le champ d’Abu Al Bukhoosh, au large d’Abu Dhabi où des huîtres perlières ont séjourné 14 mois sous une plateforme pétrolière, Total veut en équiper d’autres «sur le champ d’Al Khalij au Qatar».

Mais ce partenariat peut être «à double tranchant» pour le géant pétrolier, bête noire des écologistes. «Car l’huître peut révéler beaucoup de choses», prévient Jean-Charles Massabuau. «Pour redorer une très mauvaise image de marque, ajoute-t-il, Total cherchait des techniques et des hommes pouvant servir de référents, afin de montrer les efforts qu’il essaie de faire pour être plus propre».

Mais plutôt qu’une «caution scientifique», le chercheur préfère être une «garantie crédible». «A condition toutefois que l’industriel s’engage à résoudre concrètement, en étroite concertation avec le laboratoire, et en toute transparence, tout problème éventuel de pollution aussitôt qu’il serait détecté». «Parce que moi, insiste le biologiste, mon problème c’est que la mer soit plus propre, et les industriels aussi».


NDLR : TOTAL, vous voulez dire que vous ne connaissiez pas les conséquences de vos pollutions ( Erika, raffinerie de Donges, et autres pollutions diverses et variées ) parce que vous n’aviez pas vos petites huîtres high tech ultra connectées ?!

VOUS AUSSI, DITES STOP AU GRAND PRIX DE PAU !

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STOP GRAND PRIX DE PAU

La République des Pyrénées – le 13 octobre 2018 :

Des membres de la toute nouvelle association « Pour l’arrêt du Grand Prix de Pau » (…) font signer une pétition demandant « L’arrêt définitif du Grand Prix de Pau ». Ils entendent dénoncer « la confiscation de l’espace public » ainsi que le caractère « ringard » de la manifestation. Depuis le début de la campagne, ils auraient collecté « plusieurs centaines de signatures » (papier)En ligne, la pétition dispose de plus de 80 signatures. 

Le Grand Prix automobile de PAU est une manifestation d’un autre âge, complètement dépassée au 21 ème siècle. Le montage puis démontage de ces installations entre mars et juin gâchent depuis 70 ans le printemps palois. Il génère durant cette période, et surtout pendant les 2 week-end de la course une pollution esthétique, sonore et atmosphérique insupportable pour les habitants. Il grève les finances publiques de la commune pour des retombées économiques privées incertaines et un impact médiatique inexistant.

Contact mail : stopgrandprix@gmail.com

SIGNEZ LA PÉTITION EN LIGNEVous aussi, comme les Grid Girls, ayez le Green power de dire STOP !

TOTAL SE RAPPROCHE DES BARRAGES D’OSSAU

Total va racheter pour 2,5 milliards d’euros (dette comprise) Direct Energie, premier opérateur électricité/gaz alternatif du marché français avec 2,6 millions de clients.

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Total acquiert 74% de Direct Energie pour 1,4 milliard $

Le pétrolier français Total acquerra bientôt Direct Energie, le troisième plus grand fournisseur d’électricité et de gaz. Concrètement, le géant prendra possession de 74% de l’actionnariat de la compagnie, au prix de 1,4 milliard €.

L’opération qui sera finalisée d’ici la fin de l’année 2018, « s’inscrit dans la stratégie du groupe d’intégration de l’ensemble de la chaîne de valeur du gaz-électricité», a affirmé à ce propos, Patrick Pouyanné, le président-directeur général de Total. Avec cette nouvelle acquisition, le géant pétrolier qui est entré dans une phase de diversification de son portefeuille, avec notamment l’intégration des énergies renouvelables, multiplie par 7 sa part du marché électricité en France qui est désormais de 7%. La nouvelle entité s’est en outre, fixé pour objectif d’atteindre un portefeuille de 6 millions de clients en France et 1 million en Belgique d’ici 2022. 

TOTAL RACHETE LAMPIRIS.jpgDirect Energie rejoint ainsi le rang des entreprises électriques acquises par Total. Le pétrolier a en outre, pris des participations dans EREN Renewable Energy le fournisseur d’énergies renouvelables, SunPower le fabricant américain de matériaux d’énergie solaire, GreenFlex un spécialiste français de la transition énergétique, Lampiris le fournisseur belge d’électricité et dans United Wind, une compagnie américaine spécialisée dans l’éolien. (Lien source)

Le pétrolier est déjà présent sur ce marché en France et Belgique depuis le rachat de Lampiris en 2016. Il veut passer de 7 à 15% de parts de marché en France en 5 ans. Il lui faut encore choisir quelle marque il va conserver, le groupe ayant lancé Total Spring à l’automne. En achetant Direct Energie, Total pourrait se retrouver prochainement concessionnaire des unités hydroélectriques de la vallée d’Ossau pour lesquelles Direct Energie était candidat.

AVEC DIRECT ENERGIE, TOTAL PASSE « DE LA POMPE à LA PRISE »

Direct-Energie-768x623.jpg(Lien source) Au-delà de bons trimestriels, les opérateurs sont également très friands d’annonces de fusion-acquisition donnant lieu à des « primes » d’acquisition sympathiques. La dernière en date ? L’opération de Total sur Direct Energie. En effet, face à des perspectives de croissance incertaines, et probablement moins florissantes que ce que les gérants prétendent face aux médias (en « off », ils se montrent beaucoup plus prudents), l’un des axes de stock picking privilégiés consiste à identifier les cibles d’une possible opération de croissance externe… Autrement dit, de concentration.

Total rachète Direct Energie

(…) C’est donc Total qui a fait l’actualité ce mercredi, avec une offre de rachat amicale de près de 2 Mds€ immédiatement saluée par la communauté financière. La proie n’est autre que Direct Energie. Le protocole d’accord de rapprochement a été approuvé à l’unanimité par le conseil d’administration de la cible. Qu’en est-il ? L’opération passe d’abord par l’acquisition immédiate par Total de 74,3% du capital de Direct Energie ; sur la base de 42 € par action (+30% de prime !) pour un montant d’environ 1,4 Md€. S’en suivra une offre publique obligatoire pour éponger le reliquat détenu par les minoritaires (vous et moi). Ce qui coûtera grosso modo à Total 0,5 Md€ supplémentaire pour monter à 100% du capital.

(…) Ainsi avec Direct Energie, Total s’affranchit de sa dépendance au pétrole tout en atténuant l’image de producteur/raffineur qui colle à l’enseigne.

TOTAL.jpgCar, dans sa dot, la cible ramène 2,6 millions de clients supplémentaires (actuellement 1,4 million) et une capacité de 1,35 gigawatt qui viennent s’ajouter aux 900 mégawatts de Total.

C’est symbolique eu égard aux capacités d’EDF, mais cette activité n’en est qu’à ses débuts. Total a déjà beaucoup investi dans l’éolien mais, en termes d’offre de mégawatts, cela reste anecdotique. Direct Energie offre à Total un accès à l’hydroélectricité et à deux

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TOTAL & la Green tech

centrales thermiques à « Cycle Combiné » fonctionnant au gaz naturel (à Bayet dans l’Allier et Marcinelle en Belgique) d’une capacité d’environ 800 MW. Les mégawatts restants se répartissent entre barrages, éoliennes terrestres, énergie solaire et biogaz, en France métropolitaine et dans les DOM-TOM.

Le patron de Total, Patrick Pouyanné, espère 300 M€ de synergies… Ce n’est peut-être pas tant dans la production que réside la pertinence de cette opération mais bien dans la force de frappe commerciale que lui apporte Direct Energie… et c’est bien l’un des atouts majeurs de cette concentration.

(…)  à l’issue du processus de rapprochement, il n’y aura plus « qu’une seule marque », qui reste encore à définir.

« Un potentiel de croissance considérable »

b978947753z.1_20160615082847_000gm37128q4.1-0« Il y a encore la moitié des gens qui ne savent pas que l’on peut changer de fournisseur, donc il y a un potentiel de croissance considérable », a souligné Xavier Caïtucoli, PDG et cofondateur de Direct Energie,. « Si vous ajoutez à cela les questions qui sont posées autour des tarifs réglementés, ma conviction est que les parts de marché vont se redistribuer dans les années qui viennent et le troisième acteur français aura son mot à dire ».

Le gouvernement envisage en effet une fin progressive des tarifs réglementés

du gaz, avec leur extinction à l’horizon 2023 pour les particuliers. Les tarifs réglementés de vente (TRV) de l’électricité appliqués par EDF à plus de 27 millions de consommateurs en France ont aussi été attaqués en justice par des fournisseurs alternatifs.


L’AVENIR DES BARRAGES HYDROÉLECTRIQUES INQUIÈTE

Béarn : le PCF manifeste contre la privatisation de l’hydroélectrique

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Le Parti communiste français du 64 a organisé ce samedi matin un mouvement pour mettre sous « protection citoyenne » l’usine hydroélectrique d’Asasp-Arros, en présence de Marie-Pierre Vieu, députée européenne PCF et d’Olivier Dartigolles, porte-parole national du PCF. (Lien source)

Devant « les financiers qui lorgnent sur cette richesse qu’est l’eau », ils entendent éviter « une spoliation du patrimoine hydroélectrique du pays ».

1980 : FORAGE à L’HORIZONTALE EN BÉARN … & GAZ DE SCHISTE

LE MONDE | :

1980 : Un forage à l’horizontale réussi à Lacq

LACQ

Le Bassin de Lacq en 1957 Crédit photo : Louis Bachoué

‘La Société nationale Elf-Aquitaine (S.N.E.A.) et l’Institut français du pétrole (.I.F.P.), associés pour l’opération, viennent de réussir un forage à l’horizontale dans la couche productrice de pétrole de Lacq supérieur (Pyrénées-Atlantiques). C’est la première fois en Europe occidentale qu’un tel succès est enregistré.

Le forage de Lacq supérieur a commencé par être exécuté « banalement » à la verticale, sur une hauteur de 78 mètres. Ensuite, le puits a été progressivement dévié de 1 degré par 10 mètres forés, selon les techniques classiques pour ce genre d’opération (le Monde du 21 juillet 1979).

Parcourant ainsi un arc de cercle de 573 mètres de rayon, le puits a atteint le toit de la couche productrice à 643 mètres sous la surface du sol, le forage ayant alors une longueur de 811 mètres et une inclinaison de 70 degrés par rapport à la verticale. Le forage dévié a encore été continué jusqu’à ce que le trépan soit parvenu à la profondeur de 663 mètres sous la surface du sol.

À partir de ce point, le forage a été continué à l’horizontale sur une longueur de 170 mètres, le poids sur le trépan étant, comme dans les opérations plus classiques, obtenu par la seule gravité transmise par le train de tiges. Son extrémité était à une distance horizontale de 792 mètres à partir de la verticale passant par le haut du puits. La longueur totale du forage a été de 1086 mètres.

Sur le tracé horizontal trois carottes de 8 à 10 mètres de longueur totale ont été prélevées ; la dernière a même permis de comprendre que le forage était en train de sortir de la couche productrice, qui a la forme d’un anticlinal.’


LE MONDE | :

1981 : Le forage horizontal se perfectionne

‘Des essais d’exploitation du petit gisement pétrolier de Lacq Supérieur devraient commencer prochainement grâce au deuxième forage à l’horizontale que la Société nationale Elf-Aquitaine (S.N.E.A.) et l’Institut français du pétrole (I.F.P.) ont réussi récemment.

Un premier forage, progressivement dévié jusqu’à devenir horizontal, avait été réussi en 1980 sur le même gisement (le Monde du 21 août 1980). (…)

FORAGE-HORIZONTAL

En 1980, le parcours horizontal du forage était long de 170 mètres. Cette année, il est de 370 mètres. Le drain installé en 1980, dans la couche productrice, avait une longueur de 275 mètres. Cette année, il est long de 480 mètres. Au cours du forage de 1981, des mesures, quasiment faites en continu, ont permis de savoir à tout moment où était le trépan. Ces mesures de trajectographie ont été faites par deux systèmes : Téléco, mis au point par la S.N.E.A., transmet les informations sous forme d’impulsions imprimées au débit des boues qui circulent dans le forage ; Azintac, conçu par l’I.F.P., utilise un câble coaxial qui passe dans les boues. En outre, le système Télévigile, dû lui aussi à l’I.F.P., transmettait par câble (le même que pour Azintac) tous les renseignements sur le poids et le couple de torsion appliqués à l’outil de forage.

Enfin, pour la première fois dans un puits horizontal, ont été faites les mesures (les diagraphies) qui permettent de déterminer la nature, la porosité et la perméabilité de la roche-réservoir et la nature des fluides (hydrocarbures ou eau) qui remplissent les pores de la roche-réservoir.


L’OBS : le Publié le 28 mars 2013 :

Gaz de schiste : désormais, on ne fracture plus la roche, on la « masse »

70b7b7ce1352bf51e0f72383a8e9b26e.jpgLes pétroliers sont-ils les nouveaux « masseurs » de la roche ? Le 30 juin 2011, le parlement français interdit l’utilisation de la technique de fracturation hydraulique pour explorer et exploiter les gisements de gaz et de pétrole en France. Pour autant, les défenseurs de l’environnement ne désarment pas, car les industriels n’ont pas abandonné l’idée de fracturer la roche. Plus discrètement, avec d’autres mots.

« Massage » : « une idée », dit le PDG de Total

Les professionnels préparent la communication de demain. Car tout l’enjeu est là, il s’agit de reprendre la main sur la bataille des mots, et les industriels parlent désormais non plus de fracturer la roche mais de la « stimuler ».

« Du foutage de gueule »

Rue89 a contacté Séverin Pistre, hydrogéologue et professeur à l’université Montpellier-II. Il est formel sur ces nouvelles dénominations :

« La stimulation hydraulique, c’est un terme générique qui englobe la fracturation. Niveau concept et niveau recherche sur les huiles ou gaz de schiste, c’est la même chose. Pour être direct, le “massage de la roche”, c’est quand même un peu du foutage de gueule. »

Selon le scientifique, cette technique visant à augmenter la perméabilité de la roche pour extraire les ressources qu’elle renferme a toujours les mêmes conséquences : 

« On évacue le terme, mais pas les problèmes en surface et en profondeur. On mobilise toujours le méthane, lui-même polluant, qui va fuir dans les nappes d’eau ou en surface. »

Son verdict est sans appel :

« Si vous me demandez s’il existe une technique opérationnelle pour extraire le gaz sans fracturer, la réponse est non. »

(…) L’industrie cherche à repérer tous les emplacements des huiles et gaz de schiste, afin de se tenir prête le jour où l’actuelle législation changera.

La mise en exploitation sera d’autant plus simple que de nombreux permis de recherches autorisent les forages de puits horizontaux, comme pour la technique de fracturation hydraulique.

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Une com’ ultratransparente et qui rassure

La communication s’affine donc, pour ne pas brusquer.

Ainsi, Hess Oil France, détenteur de nombreux permis d’exploration dans le Bassin parisien, joue la transparence et communique à propos de ses activités sur son site Internet. L’entreprise organise même des journées portes ouvertes sur ses sites d’explorations et filme l’événement (…)’

À LACQ, L’INCROYABLE COMPLAISANCE DES ÉLUS ENVERS LES INDUSTRIES POLLUANTES

Observatoire des multinationales – le 20 février 2018 :

Rejeter en masse des liquides polluants et très toxiques dans le sous-sol est non seulement autorisé pour les entreprises chimiques et pétrolières du bassin de Lacq, mais aussi gratuit, ces entreprises étant exonérées de la taxe sur les activités polluantes !

10-hl_lelacq_jkeogh-5Derrière cet incroyable cadeau accordé aux industriels, se trouve un homme central dans la politique locale : le député socialiste David Habib. Au nom de la préservation de l’emploi, ce député et les élus locaux qui le soutiennent se sont lancés dans une croisade anti-écologique où s’invitent dogmatisme, clientélisme et potentiels conflits d’intérêt.

(…) Au cœur du complexe, un entrelacs de conduits tortueux et fumants. Bien malin qui saura affirmer si les fumées bleues, oranges ou blanches qui entourent les usines sortent des torches du site du groupe chimique français Arkema, des cheminées de l’incinérateur, des refroidisseurs, ou bien des tuyaux de l’unité de traitement du gaz de la Sobegi, filiale de Total. Le gaz qui fait fonctionner toutes ces installations transite par des puits plongeant à quatre kilomètres de profondeur, dans une couche géologique appelée « Crétacé 4000 ». C’est aussi là qu’une bonne partie des industriels du bassin déverse ses déchets liquides toxiques.

Une multitude de polluants déversés en sous-sol

Avant de se désengager du bassin industriel, Total injectait déjà depuis 1974 ses rejets dans le Crétacé 4000 via deux puits situés à Lagor et Abidos. Un processus alors peu polluant : n’intégraient le sous-sol que les eaux de gisement, servant à séparer le gaz et le soufre. On ne faisait que réinjecter des éléments préalablement extraits du sol. Les autres industries fleurissant sur les plateformes se sont ensuite branchées sur les installations de Total pour évacuer leurs propres effluents chimiques, profitant d’un tarif d’injection très faible.

Aujourd’hui, il est pourtant impossible de trouver, dans les comptes-rendus du comité local de suivi du Crétacé 4000l’instance réunissant industriels, élus et associations environnementales veillant au bon déroulement de ces injectionsla recette exacte de cette soupe de déchets liquides polluants dont les quantités fluctuent.

Au gré des lectures, on relève une liste non exhaustive des substances injectées. Outre des sulfures d’hydrogène et des mercaptans, du gaz soufré toxique, on note aussi la présence de rejets sodés, de cyanures et de chlorures d’ammonium.

Ces derniers attaquent la roche et la rendent plus poreuse.

D’ailleurs, le conduit qui va de Mourenx au puits d’injection, refait il y a moins de dix ans, présente déjà « des points de corrosion et d’importantes fuites à cause des produits injectés », relève Patrick Mauboulès, ancien salarié de Total et militant à la Sepanso (Société pour l’étude, la protection et l’aménagement de la nature dans le Sud-ouest).

« Identifier les flux injectés » : mieux vaut tard que jamais

En 42 ans d’exploitation du Crétacé 4000, l’impact sur l’environnement est loin d’être inexistant. Le débit des effluents injectés a diminué de moitié en dix ans : de 270 000 m3 en 2007 à 120 000 m3 par an en 2017. Cette baisse s’explique principalement par la forte diminution d’injection des eaux de gisement, ces eaux peu polluantes ayant servi à la purification du gaz. Restent donc les effluents chargés en polluants. De surcroît, cette chute du débit engendre des remontées dans les puits.

Pour continuer à injecter, il faut conserver un fort débit. Ainsi depuis 2016, on pompe 40 000 m3 d’eau par an dans le Gave de Pau pour l’injecter avec les autres liquides. En parallèle, l’injection des effluents provoque des microséismes de plus en plus fréquents et de magnitude de plus en plus élevée,

« sans toutefois jamais dépasser l’événement maximum historique sur Lacq de 4,2 en 1997 », rapportent, rassurants, les comptes-rendus du comité local de suivi. Si l’année 2017 a connu une certaine accalmie, en avril 2016, une secousse de magnitude 4 a tout de même été ressentie à Lagor.

Il existe des alternatives à cette injection en sous-sol. Mais l’idée de dépolluer les effluents en surface plutôt que de les injecter tels quels n’arrive sur le tapis qu’en 2010. Après 35 ans d’utilisation du Crétacé 4000, la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) constitue alors un groupe de travail avec les industriels dont la première mission consiste à « identifier correctement les flux injectés et à les qualifier en termes de quantité et de qualité ». Mieux vaut tard que jamais.

Dans les années qui suivent, certains industriels – Finorga et Speichim – trouvent des solutions alternatives, mais la plupart se défaussent. Dans un compte rendu d’octobre 2013, Hervé Brouder, directeur des usines Arkema de Lacq et Mourenx, déclare que le prix à payer serait « rédhibitoire compte tenu des volumes ». Sur les 10 000 tonnes d’effluents d’Arkema Lacq, traiter plus de 6000 tonnes en surface ne serait selon lui pas réalisable car les installations sont « structurellement construites pour les injections en Crétacé 4000 ». Hors de question pour lui de se lancer dans des travaux trop coûteux, même pour ce mastodonte de l’industrie chimique française, qui a vu ses bénéfices progresser de 50 % en 2016.

« Si on aime l’industrie, on ne parle pas du Crétacé 4000 »

qui-sont-les-six-deputes-des-pyrenees-atlantiquesDu côté du pouvoir politique, David Habib, le député Nouvelle gauche (PS) de la troisième circonscription des Pyrénées-Atlantiques, est favorable au maintien de l’injection des déchets industriels dans le Crétacé 4000. Et il n’apprécie pas qu’on l’interroge sur le sujet : « Soit on aime l’industrie et on ne parle pas du Crétacé 4000, soit on en parle et c’est qu’on est manipulé par les Verts. » Collectionneur de mandats, le député a été conseiller général pendant dix ans, maire de Mourenx pendant 19 ans, président de la Communauté de communes de Lacq-Orthez (CCLO) pendant 25 ans, député depuis 2002, et vice-président de l’Assemblée Nationale de 2015 à juin 2017.

S’érigeant en défenseur de l’emploi, David Habib prend ce rôle très à cœur. « Chez nous, la première des pollutions, c’est le chômage », scande-t-il comme un slogan de campagne. Comme on l’aura compris, mieux vaut ne pas évoquer l’écologie. Lors de la présentation de ses vœux aux habitants de Mont, en janvier dernier, le député serait allé jusqu’à qualifier de « terroristes » l’association de riverains et l’association environnementale luttant contre les pollutions industrielles locales. Cest d’ailleurs lui qui, en 2012, offre sur un plateau aux industriels locaux l’exonération de la Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) liée à l’utilisation de cette grande poubelle souterraine.

Des amendements parlementaires taillés sur mesure

Avant cela, Total a esquivé pendant des années le paiement de cette taxe, rendant l’injection des effluents peu chère pour les industries clientes de ses installations à Lacq. Rattrapée par l’administration des douanes sur la période 2003-2006, l’entreprise rechigne, mais est contrainte par une décision de la Cour de cassation à payer 6,7 millions d’euros, pour l’injection de 600 000 tonnes de déchets liquides. Total change alors de stratégie. En 2012, la multinationale parvient à se faire définitivement exonérer de la TGAP due à ses activités à Lacq, grâce à un amendement à la loi de finances proposé par David Habib. Dans l’hémicycle, celui-ci déclare sans sourciller à ses homologues que l’injection dans le Crétacé 4000 « n’est pas une activité polluante. Ce n’est que de l’eau salée. »

Selon le député, la taxe met en péril 200 emplois sur le bassin. « Ce n’est pas Total qui était protégé par cette disposition législative, se défend-il, mais l’ensemble des acteurs industriels de la plateforme de Mourenx, y compris de petits acteurs qui auraient dû payer leur quote-part en fonction des rejets aqueux dans le Crétacé 4000. » L’amendement est adopté. Ni Total, ni Géopétrol qui a repris depuis la propriété minière, n’ont plus payé la TGAP, soit un manque à gagner pour l’État d’environ 1,7 million d’euros par an.

La dernière loi de finances a totalement supprimé la taxe pesant sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Justification lors du dépôt de l’amendement : cette décision de suppression de la taxe « contribue au développement d’une fiscalité environnementale plus efficace, plus simple et plus équitable » car permettant « des économies de gestion importantes pour les services de la Dreal ».

Jeux de rôle au comité de suivi

L’exonération de la TGAP sur les effluents industriels est un coup dur pour les associations de défense de l’environnement. Marie-Laure Lambert siégeait depuis des années en tant que présidente de l’association Santé et environnement du bassin de Lacq au sein du Comité local de suivi des injections du Crétacé 4000. Spécialiste du droit de l’environnement, elle est à l’origine de la mise en place du Secrétariat permanent pour la prévention des pollutions et des risques industriels (S3Pi) de Lacq. La militante semblait alors la mieux placée pour défendre les intérêts environnementaux du bassin.

D’ailleurs, elle se rappelle avoir « râlé quand [elle] s’est rendu compte de l’exonération, et de cette collusion avec les pouvoirs publics qui facilitent toujours les profits des grandes entreprises. » Une déclaration néanmoins surprenante : à l’époque, David Habib et Marie-Laure Lambert sont encore mariés, bien que « pas du tout sur la même longueur d’onde à propos de l’environnement », comme elle le souligne. David Habib, que nous avons contacté, assure ne pas avoir influencé son ancienne conjointe : « Ce serait plutôt le contraire. » Et lorsque mari et femme se retrouvaient à la préfecture pour défendre publiquement des points de vue aux antipodes, Marie-Laure Lambert se souvient que « ça faisait sourire les gens. »

Bienvenue à « Habibland »

Sur les problématiques industrielles, si le député reste prophète en son pays, c’est parce qu’il a réussi, en une trentaine d’années de carrière politique locale, à bien s’entourer. Jusqu’à verrouiller tout un territoire. Lors de sa campagne aux législatives de 2017, il débauche ainsi Jean Marziou. Après treize années à la tête de La République des Pyrénées, le journal local le plus lu en Béarn, l’ancien rédacteur-en-chef se retrouve président du comité de soutien de David Habib. Il a su également, au fil des années, placer des élus sous sa coupe.

Parmi ses détracteurs circule le néologisme « Habibland », désignant sur ce territoire la proximité – voire pour eux l’allégeance – de beaucoup d’élus de la Communauté de communes de Lacq-Orthez (CCLO) au député. Après tout, que pourrait trouver à redire cette poignée d’élus, aujourd’hui à des postes clés de la collectivité et de la mairie de Mourenx, qui a perçu pendant des années quelques centaines d’euros par mois issues de l’écrêtement des indemnités de David Habib ?

Les ficelles du clientélisme

Les indemnités de fonction des élus sont en effet plafonnées à environ 8400 euros. Lorsqu’un député occupe également deux voire trois mandats locaux, la somme cumulée de ses indemnités dépasse ce plafond. L’excédent est alors reversé aux collectivités locales dans lesquelles siège l’élu. Mais jusqu’en 2014, le cumulard pouvait reverser cette somme aux élus de son choix, à condition qu’ils siègent dans la même collectivité. Si les plus vertueux la partageaient équitablement entre tous leurs suppléants locaux, d’autres distribuaient arbitrairement la somme à quelques personnes savamment choisies… « Histoire de se faire bien voir par certains de ces élus », explique René Dosière, ancien député à l’origine de la suppression de cette pratique, qu’il qualifie de « clientéliste ».

Dans les comptes rendus de la CCLO que nous avons pu nous procurer – de 2008 à 2014 – on apprend que trois vice-présidents sur quinze ont ainsi bénéficié de l’écrêtement de David Habib : Yves Salanave-Péhé, Jean-Marie Bergeret-Tercq et Patrice Laurent. Ces sommes étaient-elles dédiées à des élus efficaces qui suppléaient le député dans sa tâche ? « Nous étions vice-présidents, donc nos avions une activité plus soutenue », avance Yves Salanave-Péhé, hésitant. Finalement, il concède ne plus vraiment se souvenir de ce qui motivait cette répartition des sommes écrêtées.

« La capacité de faire des choses sans avoir des zadistes »

À la liste d’élus redevables s’ajoute de nombreux acteurs du monde politique qui ont eu – ou ont encore – des liens professionnels avec les entreprises du bassin de Lacq (voir encadré ci-dessous). Ces promoteurs de l’industrie vantent à tour de bras « la culture du risque » et l’« acceptabilité » des riverains des usines. « S’implanter sur le Bassin de Lacq, c’est bénéficier d’un environnement favorable avec une forte acceptabilité par la population du risque industriel », peut-on lire sur le site du Groupement d’intérêt public Chemparc – présidé par l’ancien patron de Total à Lacq, Pierre Nerguararian – dont l’objectif est de développer l’économie du bassin industriel. Rebelote dans l’édito du magazine de la communauté de communes en juin 2016 dans lequel son président, Jacques Cassiau-Haurie – encore un ancien de Total – soutient qu’« il est indispensable, voire impérieux, que l’acceptabilité à l’égard de l’industrie, qui a toujours été notre caractéristique, perdure. » Dans une version moins politiquement correcte, Patrice Laurent, maire de Mourenx ayant lui aussi travaillé sur le bassin, livre sa propre définition de l’acceptabilité : « C’est la capacité de faire des choses sans avoir des zadistes, parce qu’on a des industriels responsables qui ne font pas n’importe quoi. »

« Faire des choses sans avoir de zadistes » ? Il suffit de s’en donner les moyens : les riverains des usines ne sont ni formés, ni informés sur les risques liés aux usines du complexe. Côté population, la prétendue « culture du risque » prend plutôt la forme d’une tolérance teintée d’insouciance, achetée par des années de taxe professionnelle, de taxe minière et de cadeaux directs de Total et consorts, perçus par les municipalités accueillant ces usines.

À Lacq, le permis de conduire était offert, ainsi qu’une partie des frais de voyage scolaire, de colonie de vacances, de centre aéré… sans oublier le bouquet de fleurs à la fête des mères ! Le maire de Mourenx, Patrice Laurent, se vante au micro de France Bleu d’avoir « des équipements pour une ville de 20 000 habitants », alors que la ville n’en a jamais compté plus de 11 000 (6800 âmes aujourd’hui). Quant aux habitants de Mont, ils vont cette année payer la taxe sur les ordures ménagères pour la première fois. Les petits à-côtés dont jouissaient les administrés ont longtemps fait passer la pilule de la présence d’usines classées Seveso, ces sites industriels présentant des risques d’accidents majeurs. Mais avec le départ de Total et la suppression de la taxe professionnelle, le temps de l’insouciance semble révolu.

La fin des hydrocarbures en 2040… sauf à Lacq

Les élus qui chantent en cœur les vertus d’une industrie florissante et passent sous silence les conditions sanitaires et environnementales

du bassin tentent désormais de maintenir à flot une industrie locale à bout de souffle. Y arriveront-ils ? Cette année, Total a annoncé qu’elle réinjecterait 30 millions d’euros dans sa filiale détenue à 100%, la Sobegi, indispensable au fonctionnement de nombreuses usines du complexe. L’entreprise historique aurait eu, dit-on, un élan « sentimental » pour le territoire qui l’a vu naître. Cela n’a pas empêché le lent déclin du modèle industriel de Lacq. Ainsi, la fermeture de Celanese en 2009 a ébranlé l’équilibre industriel du complexe de Pardies, ou les utilités – eau, vapeur, services divers – étaient partagées entre différentes usines. Par effet domino, c’est au tour de Yara – une multinationale norvégienne spécialisée dans les engrais – de déclarer forfait il y a quelques mois, mettant cette fois-ci Air Liquide sur la sellette. Son maintien sur le site est toujours hypothétique, à cause des investissements qu’elle devra engager. La mise en commun des utilités, qui était hier un produit d’appel pour les plateformes, se révèle être aujourd’hui leur talon d’Achille.

L’entreprise Hydro Québec a bien pointé timidement son nez en décembre 2017, mais les 500 emplois annoncés dans ce laboratoire développant des batteries au lithium ne sont pour l’instant pas confirmés. Pour autant, le député David Habib n’a pas l’intention d’envisager un autre avenir pour le site : « Quand on a des sites Seveso, on ne peut avoir par la suite que de l’industrie chimique pour des raisons qui sont facilement compréhensibles et que je partage : il ne s’agit pas de diffuser le risque. Alors qu’est-ce qu’on fait ? On ferme tout ? On exporte tout, notre tissu industriel, notre connaissance technologique à faible coût salarial et surtout à faible intérêt environnemental ? »

Comme pour appuyer son propos, l’extraction gazière à Lacq semble promise à de nouveaux lendemains. La pression des puits serait remontée, et ceux-ci pourraient finalement fournir du gaz non pas jusqu’en 2030, tel que prévu au moment du départ de Total, mais jusqu’en 2080, voire 2100. Voilà sûrement pourquoi le député local a soutenu vivement dans l’hémicycle un amendement – adopté – faisant de Lacq une exception à la loi Hulot, qui programme la fin de l’exploitation des hydrocarbures en France à l’horizon 2040.

Des élus juges et parties

« Je vais essayer de faire une synthèse objective et factuelle », a tenté Didier Rey, le maire de Lacq, quelque peu gêné aux entournures lors de cette réunion du mois de juillet 2017, consacrée à une médiation sur les nuisances autour du bassin industriel. Et pour cause : lui font face ses administrés, prêts à en découdre après trois ans de discussions vaines, ainsi que les représentants des industries du bassin, dont certains sont par ailleurs… ses clients. Didier Rey cumule en effet des casquettes plutôt mal assorties : le maire de Lacq, vice-président délégué à l’industrie de la Communauté de communes de Lacq-Orthez (CCLO), siège également au conseil d’administration de Lacq Plus, un réseau qui regroupe les industriels, les entreprises sous-traitantes des plateformes, des représentants de l’État et des collectivités.

Sa société d’isolation frigorifique, Technis, réalise quasiment la moitié de son chiffre d’affaires dans la maintenance et l’entretien de gaines techniques pour des poids lourds de la plateforme de Lacq, dont Sobegi et Arkema. À sa droite lors de cette réunion de juillet 2017, le président de la communauté de communes, Jacques Cassiau-Haurie qui, avant de consacrer sa retraite à la mairie de Biron, a effectué sa carrière sur le complexe de Lacq, à Ato (Aquitaine-Total-Organico) et à TotalFinaElf, deux ancêtres de Total.

Le vieil adage répété dans les environs, « ne mord pas la main qui te nourrit », s’appliquerait-il aussi aux élus du Bassin de Lacq ?

COMMENT TOTAL ET SES SOUS-TRAITANTS EXPOSENT LEURS OUVRIERS à DES PRODUITS TOXIQUES EN TOUTE CONNAISSANCE DE CAUSE

Observatoire des Multinationales – le 05.12.2017 :

Après cinquante ans d’exploitation du gaz sur la zone industrielle de Lacq, dans les Pyrénées-Atlantiques, Total dépollue les sols avant son départ définitif. Lorsqu’un terrain est vendu, les entreprises sous-traitantes excavent des tonnes de terres gorgées de métaux lourds et de produits toxiques. Sous pression, certaines d’entre elles se passent de toute mesure visant à protéger leurs ouvriers. Sans que Total s’en émeuve. L’un d’eux se démène depuis cinq ans pour faire reconnaître son exposition, ne trouvant que peu d’appui du côté des institutions. Récit du parcours de ce lanceur d’alerte.

Nous sommes en août 2012. Comme souvent, depuis une dizaine d’années, Thibaut Moncade passe d’un pas alerte les portes de sécurité de la plateforme industrielle de Lacq, à quelques encablures de Pau. Employé par une petite entreprise de terrassement, il s’installe aux commandes de sa pelle mécanique. Remblayer un monticule par ici, aplanir le terrain à côté. Autour de lui, le ballet des ouvriers a débuté : ils déplacent des camions de terre et viennent larguer leurs gravats à quelques mètres. Soudain, nauséeux et en sueur, le pelliste se sent mal. Il descend de son engin, se dirige vers la sortie, passe devant ce tas de terre, dont l’odeur est décidément insupportable. Tandis qu’il est pris de violents haut-le-cœur, une certitude s’installe en lui et ne le quittera plus : il a été empoisonné pendant des années.

Surnommée le « Texas béarnais », la plateforme de Lacq, exploitée par la compagnie pétrolière Total, a fait travailler près de 8000 personnes pour extraire jusqu’à 33 millions de m3 de gaz par jour. A l’époque, les impératifs environnementaux étaient inexistants. « Quand on avait de l’huile sur les mains, on les nettoyait avec du toluène [un solvant à base d’hydrocarbure très toxique pour l’être humain], se souvient Patrick Mauboulès, secrétaire CGT de la filiale de Total TEPF et membre de l’association environnementale Sepanso. En chargeant et déchargeant les wagons sur la plateforme de Lacq, il arrivait qu’on renverse des produits sur le sol. Des fois du styrène, des fois du benzène, ou des boues d’hydrocarbures… »

Métaux lourds, cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques

Désormais, les gisements sont quasiment épuisés. Le soufre qui sort des derniers puits est utilisé par certaines industries chimiques pour fabriquer des engrais, des produits pharmaceutiques, cosmétiques ou phytosanitaires. L’heure est à la remise en état et à la dépollution du site. C’est à ces diverses tâches que l’ouvrier trentenaire s’est attelé depuis dix ans, employé par l’entreprise Marsol, l’un des nombreux sous-traitants qui interviennent sur le site pour le compte de Total exploration production France (TEPF), la filiale de Total qui exploitait le gisement de gaz.

Thibaut Moncade a été licencié pour inaptitude en 2015, et a depuis épuisé ses droits au chômage. Il cherche un emploi et vit grâce au salaire de sa femme, enseignante. Comment en est-il arrivé là depuis ce jour d’août 2012 où il s’est senti malade ? Assis à la table de son salon, le béarnais s’anime à l’évocation de ces souvenirs. « Vous avez déjà eu une intoxication alimentaire ? », illustre-t-il. « Plusieurs années après, si on vous met le même plat sous le nez, cela vous donne envie de vomir. Là, pareil. Ça a fait tilt dans ma tête : c’était cette odeur qui me retournait le ventre depuis des mois. »

Le pelliste apprécie alors son travail qui consiste le plus souvent à solidifier des boues de forage issues des puits de gaz disséminés dans la région. Pourtant, voilà des mois qu’il a perdu l’appétit, accompagné de maux de tête, de nausées, de diarrhées et de brûlures d’estomac. Loin de soupçonner ses conditions de travail, il a d’abord pensé à une longue gastro-entérite. Lorsqu’on l’envoie en mars 2012 sur le chantier d’un autre client, ses symptômes disparaissent.

« Je me demande comment j’ai pu me faire avoir à ce point »

À son retour à Lacq début août, il fait enfin le lien entre ce tas de terre et ses symptômes. Quelques jours plus tôt, il a suivi une formation à la sécurité avant de commencer ce nouveau chantier sur la plateforme. Pour la première fois en dix ans, on lui explique que le sol de la plateforme de Lacq est chargée de métaux lourds et de pléthores d’autres produits cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR). Surtout, on lui dit que travailler au contact de ces polluants nécessite de porter une tenue d’astronaute. Autant de combinaisons, masques, bottes et gants dont il n’a jamais vu la couleur. Sur chaque chantier, lui et ses collègues ne sont vêtus que d’un casque et d’un bleu de travail.

Lorsqu’il sort de cette formation, l’heure est encore à l’insouciance. « Honnêtement, je n’étais pas plus outré que cela. » Son employeur sait ce qu’il fait, pense-t-il confiant. Et Total, qui fait sous-traiter la dépollution, a la réputation d’être à cheval sur sécurité. « Encore aujourd’hui je me demande comment j’ai pu me faire avoir à ce point. » Son regard, que soulignent deux cernes remplies de fatigue, se pose sur un dossier rouge, gonflé de papiers officiels, d’échanges de mails et de courriers à en-tête. Ils en disent long sur l’énergie que le trentenaire a consacré à l’obtention d’un document attestant de son exposition à des produits dangereux. Un document qu’il n’a toujours pas entre les mains, alors même qu’il aurait dû lui être remis d’office.

Des ouvriers tenus dans l’ignorance

Lorsque Thibaut Moncade intervient avec sa pelle mécanique à Lacq, la reconversion du bassin industriel a commencé. TEPF, la filiale de Total, vend par parcelles ses plateformes gazières à des usines souhaitant s’installer sur ce terreau industriel classé Seveso. Toray Carbon Fibers, une entreprise japonaise spécialisée dans la fabrication de fibres de carbone, s’est positionnée pour acheter 16 hectares de terrain. Avant de laisser la place au nouveau propriétaire, TEPF doit s’acquitter d’une obligation légale : dépolluer le sol souillé après 60 années d’exploitation des puits de gaz. Une flopée d’entreprises sous-traitantes du BTP s’en chargent.

Sur le terrain, une trentaine d’ouvriers, dont Thibaut Moncade, se croisent mais ne se connaissent pas. Ces petites mains excavent la terre sur plusieurs mètres de profondeur à l’emplacement de la future usine Toray, et la stockent en tas à l’air libre. De novembre 2011 à fin février 2012, son équipe creuse des tranchées en bordure du terrain afin de repérer et condamner les réseaux de canalisations. Le mot « dépollution » n’est jamais prononcé pendant ces quatre mois de chantier, mais les ouvriers témoignent de l’odeur écœurante que dégage la terre gorgée d’hydrocarbures, dont les reflets irisés la teintaient de bleu, de jaune, ou de violet.

Suite à sa prise de conscience, le premier réflexe de Thibaut Moncade est de se procurer le plan de prévention du chantier, établi dès qu’une entreprise sous-traitante effectue des travaux sur le site d’une autre société. Chaque entreprise y consigne les risques associés à son activité et les mesures de prévention à mettre en œuvre pour protéger les travailleurs. Mais au début du chantier, le conducteur de travaux se contente de lire aux salariés les risques de sa propre entreprise – accident de la route, éboulement, chute de pierre – et élude la partie concernant les risques associés au site de Lacq. Y figurent pourtant noir sur blanc les risques d’exposition aux hydrocarbures, aux solvants et à des CMR, ainsi que les équipements de protection individuels que les salariés auraient dû porter.

Les employeurs « savaient depuis le début »

À la lecture du document intégral, Thibaut Moncade sent la moutarde lui monter au nez. « Tout le monde savait depuis le début. » Il se tourne vers le docteur Duretz-Camou, son médecin du travail au sein du service local de santé interentreprises. « J’aurai dû avoir des analyses urinaires en début et en fin de chantier de manière à surveiller la présence de ces agents chimiques dans mon corps », dénonce-t-il. Cependant, entre les missions du médecin du travail qui suit les salariés de Marsol, celles du médecin du travail de la filiale de Total et celles des deux employeurs, l’imbroglio d’interlocuteurs transforme souvent le parcours de santé de chaque travailleur sous-traitant en parcours du combattant, confronté à des négligences plus ou moins volontaires. Les examens permettant de contrôler que les salariés sont bien à l’abri d’une contamination par les produits toxiques étaient exceptionnels. « On a eu des prélèvements urinaires une fois et après jamais plus. Je n’ai même pas eu les résultats des examens entre les mains », se souvient un ex-salarié de Marsol, licencié pour inaptitude en 2015 après 33 ans passés dans l’entreprise.

Thibaut Moncade, employé comme pelliste par un sous-traitant de Total, licencié pour inaptitude en 2015, qui mène un combat pour obtenir sa fiche d’exposition à des agents chimiques dangereux que l’entreprise est censée lui remettre. Photos : © James Keogh pour Basta !

Un autre paramètre s’ajoute au dossier médical de l’ouvrier. Une sclérose en plaques lui a été diagnostiquée en 2008, soit six ans après son arrivée sur Lacq. Son médecin du travail ne l’a jamais informé, comme il aurait dû, des produits neurotoxiques présents sur la plateforme. Si à l’heure actuelle, le lien entre cette maladie et l’exposition aux métaux lourds n’est pas établi, cette opacité ne le rassure pas. D’autant que Thibaut Moncade doit relancer à plusieurs reprises le médecin du travail pour que celui-ci précise dans son dossier médical que le salarié ne bénéficiait pas de protection.

L’ancien pelliste en est certain, il est tenu dans l’ignorance. Anxieux, il en parle autour de lui et s’aperçoit qu’il n’est pas le seul à constater un manque de sécurité sur le site. Les plateformes du bassin de Lacq comptent 21 entreprises classées Seveso, pour lesquelles 70 entreprises sous-traitantes interviennent notamment sur les activités dangereuses, comme la dépollution, la maintenance des sites et les opérations de nettoyage industriel. Ces ouvriers évoquent des installations vétustes, des charpentes en acier rongées par la pollution, des vannes de sécurité rouillées, des tuyaux en plastique trop vieux. Lorsqu’ils le peuvent, ils préfèrent travailler ailleurs.

Une justice qui ne protège pas

Ayant épuisé tous les autres recours pour obtenir un document récapitulant les périodes où il a été exposé aux CMR et agents chimiques dangereux, Thibaut Moncade lance une procédure aux prud’hommes. « Si demain j’ai un cancer, ou que dans dix ans la science déclare que la sclérose en plaques vient de tel produit, j’aurai une preuve », explique-t-il, fébrile. Cependant, les juges ne l’entendent pas de cette oreille. Son employeur, Marsol, remporte le procès en première instance, puis en appel.

« Cette décision est totalement incompréhensible », s’étonne Alain Carré, médecin du travail retraité responsable d’une consultation de suivi post-professionnel et vice-président de l’association Santé et médecine du travail (SMT), qui a pris connaissance des conclusions de première instance. « Ce salarié avait droit non seulement à sa fiche d’exposition, mais aussi à son attestation d’exposition aux agents chimiques dangereux, à son attestation d’exposition aux cancérogènes et à sa notice de poste, établie à l’embauche pour prévenir les salariés des risques d’exposition. » Et d’ajouter : « S’il y a maladie professionnelle, l’entreprise est responsable, pour ne pas dire coupable, et cela pèsera sur son budget. De plus, l’employeur peut être condamné pour faute inexcusable, puisque les mesures de protection sont soumises à obligation de résultat. »

Les ordonnances Macron vont rendre invisibles ces pénibilités

La réforme du code du travail en cours en France va balayer ces dispositifs. Les ordonnances voulues par Emmanuel Macron prévoient de faire disparaitre la traçabilité de la pénibilité liée aux agents chimiques dangereux. Trop complexe, selon le gouvernement. Résultat d’une série de modifications du code du travail, ce dernier coup de grâce rendra les expositions professionnelles des salariés invisibles.

De son côté, Thibaut Moncade a déposé son dossier en cours de cassation, sans grand espoir. Il cherche un emploi dans une toute autre branche, conscient qu’aucune entreprise locale de BTP ne lui ouvrira ses portes. Dans ce petit milieu, les entreprises sont à couteaux tirés pour emporter les meilleurs marchés. Les salariés vindicatifs sont persona non grata. On leur préfère des employés qui ne feront pas de vague. Pourtant, une personne a entendu l’ouvrier. Suite à sa visite dans les locaux de Marsol en janvier 2014, Dominique Waeghemacker, contrôleur du travail à Pau, dresse un procès-verbal d’infraction transmis au procureur de la République de Pau. Il constate l’absence de fiche de prévention des expositions, de la notice de poste, et des examens médicaux mesurant l’exposition des salariés.

Trois ans après, en juin 2017, le dossier est classé sans suite. Le parquet a uniquement auditionné le directeur de Marsol. Une enquête bien légère au goût de son avocate, Me Pascale Dubourdieu. « Le parquet aurait pu aller beaucoup plus loin : demander la communication de tous les plans de prévention sur les dix dernières années, interroger les autres salariés, y compris des autres entreprises sous-traitantes. Et surtout, vérifier le contrôle de Total sur le respect des préconisations inscrites sur le plan de prévention. »

« Légalement, on aurait pu mettre en cause Total »

Car la filiale de Total est responsable de la sécurité sur le chantier et doit s’assurer que les équipements de protection étaient portés par les sous-traitants. « Ils ont le pouvoir et l’obligation d’arrêter les travaux dès lorsqu’ils constatent que les mesures de prévention ne sont pas respectées », déclare Gérald Le Corre, inspecteur du travail et syndicaliste. Or sur le chantier en question, le niveau de protection des salariés semble dépendre de la bonne volonté de chaque entreprise sous-traitante.

À bien y regarder, le plan de prévention livre d’autres carences. Le terme « CMR » par exemple, est générique. Il regroupe des centaines de polluants. « Le plan de prévention aurait dû être plus précis et détailler les polluants présents dans la terre », explique Gérald Le Corre. Seule façon de connaître ces éléments chimiques : effectuer des analyses de terre en amont des travaux. « La majeure partie du temps, les analyses étaient faites après le début du chantier, et nous n’avions aucun retour sur les résultats », témoigne un salarié de Marsol.

Le plan de prévention contient-il d’autres vices cachés ? « Celui-ci doit également mentionner l’emplacement des douches mobiles, ainsi que la manière de stocker et d’évacuer les combinaisons imperméables à usage unique, qui deviennent des déchets chimiques », explique Gérald Le Corre. Aucun de ces éléments n’apparaît dans le document. « Je n’ai jamais vu de douche sur un de ces chantiers, d’ailleurs les trois quarts du temps nous n’avions même pas l’eau », confirme un salarié de Marsol. Le donneur d’ordre a donc clairement manqué à ses obligations. « Légalement, on aurait pu mettre en cause Total », avoue l’avocate de Thibaut Moncade, Me Pascale Dubourdieu. « Mais c’était avoir deux feux contre soi. »

À Marsol, un coup de balai et on recommence

Après l’alerte lancée par Thibaut Moncade, deux autres collègues sont tombés malades, sans qu’on puisse dépister l’origine de leur affection. Les ouvriers tiquent. Finalement, Thibaut Moncade avait peut-être raison de se battre… Sept de ses collègues décident à leur tour de demander leur attestation d’exposition devant le conseil des prud’hommes. Au même moment, Marsol commence une longue traversée du désert. Ses contrats avec TEPF ne sont plus renouvelés.

Coïncidence ? Ni le sous-traitant, ni la filiale de Total n’ont souhaité répondre à nos questions. Privée de son principal client, l’activité de Marsol a décliné. Ses salariés sont encore les premières victimes de ce divorce, le payant par des dizaines de jours de chômage technique ou de congés imposés. Plus de la moitié des ouvriers présents à Lacq à l’époque ont quitté l’entreprise. Les deux délégués du personnel, qui se battent pour que la sécurité sur les chantiers soit une priorité, sont sur un siège éjectable. Par trois fois, le directeur de Marsol a tenté de les licencier, sans obtenir l’aval de l’inspection du travail.

« La terre a des couleurs pas très naturelles »

Depuis ce grand ménage au sein du sous-traitant, les affaires ont repris pour Marsol sur la plateforme de Lacq. Une dizaine d’ouvriers, dont plusieurs intérimaires, s’activent depuis septembre sur deux nouveaux chantiers d’excavation de terres polluées. Amers, les anciens ont comme une impression de déjà-vu. Sur l’un des chantiers, le plan de prévention n’a pas été lu. Sur l’autre, le chef d’équipe n’a lu que la fiche Marsol. « Je lui ai dit que je voulais voir l’autre partie », témoigne l’un des ouvriers, qui garde en mémoire le combat de Thibaut Moncade. « Il m’a répondu qu’il ne l’avait pas. »

« La terre a des couleurs pas très naturelles. Si j’étais sûr qu’il y a des terres polluées, je demanderais des combinaisons, des masques journaliers », confie l’un d’eux. Mais « pour l’entreprise, tout ceci a un coût… », ajoute-t-il, comme pour dédouaner son employeur. Une économie réalisée sur le dos de salariés désarmés, dont la santé est mise en danger, sans que la firme ne soit inquiétée. A Lacq, à moins que les pouvoirs publics ne s’en inquiètent, le cocktail combinant précarité, sous-traitance et mise en danger des salariés face au risque chimique semble avoir de beaux jours devant lui.